Le protocole d’avril 2010 visant à améliorer la responsabilisation et les indemnisations pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses doit être ratifié. Les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine le voteront. Toutefois, il est toujours regrettable de constater le temps perdu, comme viennent de le faire mes collègues. La convention de 1996 que ce protocole vise à amender n’a jamais été mise en œuvre !
Il aura fallu quatorze ans pour trouver un protocole, plus consensuel et applicable, à cette convention.
Mais ce n’est pas tout : il aura fallu treize ans supplémentaires à la France pour le ratifier.
Ce protocole, qui aura donc eu du mal à parvenir jusqu’au Parlement français, aura néanmoins toute son utilité.
Nous espérons que la France déploiera toute son énergie diplomatique pour qu’il entre en vigueur le plus rapidement possible, autrement dit pour que d’autres États s’engagent en le ratifiant. En effet, il renforcera le régime d’indemnisation en créant un fonds destiné à compenser plusieurs types de dommages pouvant résulter du transport par mer de marchandises dangereuses – tels que les décès, les pertes ou dommages causés aux biens, la contamination de l’environnement – ou à prendre en charge le coût des mesures de sauvegarde.
Ce régime d’indemnisation sera à l’œuvre à deux niveaux : premièrement, au niveau du propriétaire du navire, qui sera obligé de souscrire une assurance ou une garantie financière couvrant sa responsabilité en cas de dommages causés par le déversement d’une substance nocive et potentiellement dangereuse ; deuxièmement, au niveau du réceptionnaire de substances nocives et dangereuses, qui participera au financement d’un fonds international. Ce fonds sera mobilisé s’il n’est pas possible d’établir la responsabilité du propriétaire du navire, si celui-ci n’est pas en mesure d’indemniser les victimes ou lorsque le montant excède la limite de sa responsabilité. Toutefois, il faut garder en tête que le montant de ces indemnités risque d’être insuffisant. Il semble que les lobbys sont parvenus à le limiter, ce que le groupe Gauche démocrate et républicaine regrette profondément.
Bien évidemment, en tant que député du port du Havre, je me réjouis de chaque accord ayant pour objectif d’améliorer la vie en mer – notamment celle des gens de mer –, de limiter la pollution ou de préserver la qualité de nos littoraux. En effet, la dérégulation massive du secteur du transport maritime, qui a cours depuis plusieurs décennies, a entraîné de graves dérives dans la sûreté et dans la sécurité des navires et des gens de mer qui travaillent à leur bord. La course au profit a contribué à tout tirer vers le bas ; elle oblige les équipages à prendre des risques parfois très importants.
Des marées noires aux marées de déchets plastiques issus de conteneurs perdus en mer, la mer est devenue une poubelle, et les littoraux sont de plus en plus abîmés par ces comportements dangereux. Il va donc falloir changer de mentalité pour parvenir à rendre nos mers et nos océans plus sûrs. Je dois le redire ici, les pavillons économiques ou de complaisance sont mauvais pour la sûreté et la sécurité en mer ; les États tels que la France devraient enfin se mettre au travail pour changer ce système en profondeur.
Le respect du droit international est important, mais il ne faut pas que ces ratifications soient l’arbre qui cache la forêt. En effet, ces principes s’effacent vite, par exemple lorsque le Gouvernement français exige l’installation d’un terminal méthanier au Havre, à côté du quartier des Neiges. Au nom d’impératifs de rapidité et de prétendue efficacité, ce projet a bénéficié de dérogations à toutes les obligations légales en matière de débat public ainsi qu’aux normes environnementales et sociales. Aucune zone à risque de type Seveso destinée à protéger les habitants n’a été prévue pour éviter un drame.
En tant que député, j’ai exigé, aux côtés de plusieurs élus concernés, notamment Alban Bruneau, maire de Gonfreville-l’Orcher, qu’un maximum de précautions soient prises pour la construction de ce terminal. Or l’étude d’impact a été menée avec une légèreté inquiétante. Du point de vue social, le terminal dépendra du deuxième registre, c’est-à-dire qu’il aura à son bord un équipage d’une trentaine de marins qui seront certes soumis au droit du travail français, mais ne seront pas obligés, madame la secrétaire d’État, de parler la langue française ! Or, dans un port, la question de la langue est très importante pour la sûreté et la sécurité, notamment lorsque des consignes doivent être transmises aux uns et aux autres.
Qui plus est, compte tenu de la position du terminal dans le port du Havre, il faudra une heure trente aux pompiers pour intervenir par bateau. Lorsque l’on connaît les risques liés au gaz naturel liquéfié – substance visée par le présent accord –, une heure trente représente une éternité, pendant laquelle, malheureusement, tout peut se passer. La ratification d’un protocole tel que celui-ci ne doit donc pas dédouaner l’exécutif de respecter le droit par ailleurs. Elle ne saurait constituer un motif de satisfaction tant que le droit ne sera pas pleinement respecté pour le projet de terminal méthanier au Havre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)