Le 18 juin dernier, le Président de la République annonçait l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, aux côtés de Mélinée, son épouse. Étrangers, lui et ses compagnons des FTP-MOI – Francs-tireurs et partisans-Main-d’œuvre immigrée – firent le choix de défendre la République et ses valeurs, qui continuaient de vivre dans les actions des résistants. Fusillés au Mont-Valérien – ou décapitée en Allemagne, pour ce qui est d’Olga Bancic –, ces femmes et ces hommes du MOI donnèrent leur vie pour leur pays, même s’ils n’en avaient pas la nationalité. Étrangers et communistes, ils défendaient une France libre pour des peuples libres, tout le contraire du gouvernement français, ou plutôt de l’État français, issu du vote du 10 juillet 1940, pour retenir la formulation du projet de loi.
Cet État français a activement collaboré à l’œuvre de destruction perpétrée par les nazis : oui, c’est bien la police française qui a arrêté Missak Manouchian. Il a perpétré les pires atrocités contre les Juifs étrangers et français ; il faut le rappeler, alors qu’il y a quelques mois, un candidat à l’élection présidentielle, ayant son rond de serviette sur la plupart des plateaux de télévision, affirmait le contraire. Négationniste, il déclare que Pétain aurait sauvé des Juifs français. Chacune et chacun dans l’hémicycle mesure la gravité de ces propos ouvertement pétainistes ; pourtant, certains, ici, n’hésitent pas à se compromettre avec lui au nom de la constitution d’un bloc nationaliste et d’union de l’extrême droite.
La première erreur serait de considérer que l’histoire est seulement synonyme de passé, alors qu’elle est aussi un enseignement pour notre présent, surtout dans une période où des groupes d’extrême droite défilent dans nos rues, reprenant tous les codes et les slogans fascistes et pétainistes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Oui, nous devons regarder l’histoire de notre pays et la regarder en face ; c’est ce que nous propose ce texte de loi, qui n’a pas vocation à réparer et encore moins à compenser. C’est tout simplement une loi de justice, visant à rendre ses biens à qui de droit ; une loi de vigilance, aussi, pour ne pas oublier comment les crimes les plus atroces ont pu être commis dans notre pays sous le sceau de la légalité.
Les députés communistes soutiennent les articles 1er et 2, qui permettent de faciliter les restitutions des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945. Le dispositif qu’ils créent fixe un cadre légal permettant d’éviter de passer par une loi spécifique pour la restitution de biens appartenant à une collection publique. De même, ils élargissent le champ temporel de la recherche afin de ne pas laisser certains biens en dehors du dispositif administratif.
On estime à 100 000 le nombre, sans doute sous-estimé, de biens culturels spoliés. Depuis les années 1990, la France a engagé un important travail en la matière ; de 1997 à 2000, la mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, dite mission Mattéoli, a permis de nous faire progresser dans la connaissance des processus de spoliation. La création de la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations, qui est chargée d’étudier les demandes individuelles relatives aux spoliations des biens juifs durant la Shoah, mène un travail précieux.
Sa consécration au niveau législatif devra s’accompagner de moyens supplémentaires. Il en est de même pour la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, qui devra pouvoir instruire un nombre plus important de dossiers. Cela ne pourra se faire à moyens constants ; le cas échéant, notre texte risquerait d’être trop peu opérationnel.
Deux autres textes relatifs à des restitutions seront en débat ces prochains mois : l’un sur les restes humains et l’autre sur les biens volés, pillés pendant la colonisation. Les députés communistes espèrent une même méthode de travail, une même concorde et le même esprit de mesure que ceux qui ont prévalu sur le présent projet de loi. En attendant, nous voterons bien sûr ce texte de justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES ainsi que sur les bancs des commissions. – Mme Sophie Mette applaudit également.)