Il est regrettable que le grand projet de loi sur l’audiovisuel promis depuis le début du quinquennat se soit réduit à une peau de chagrin. À nos yeux, le texte qui nous est aujourd’hui proposé n’est pas à la hauteur de l’ambition que nous devrions avoir pour l’audiovisuel en général et le service public de l’audiovisuel en particulier, surtout au vu des attaques répétées à l’encontre ce secteur.
Le champ de l’audiovisuel subit de profondes mutations qu’il conviendrait d’analyser et de traiter. Le service public de l’audiovisuel, plus particulièrement, est victime de coupes budgétaires de plus en plus importantes. À titre d’exemple, depuis 2012, l’effectif total de France Télévisions a diminué de plus de 6 %. Cela fait des années que les entreprises de l’audiovisuel public sont soumises à des plans d’économie successifs qui ont saigné à blanc leurs effectifs, remis en cause leurs missions et entravé leur capacité de développement face à un secteur privé bien mieux armé.
De nombreux sujets centraux ne sont pas abordés par ce projet de loi : la redevance audiovisuelle, les missions du service public de l’audiovisuel mais aussi l’explosion inquiétante de la publicité dans le secteur privé.
La première version du projet de loi audiovisuelle examiné l’année dernière faisait la part belle aux publicitaires : elle autorisait une troisième coupure publicitaire, étendait les possibilités de placement de produits et rendait légale la diffusion de publicités dans un coin de l’écran pendant la retransmission des manifestations sportives. Ces sujets seront traités par décrets ou ordonnances. Nous nous opposons à de telles méthodes, habituelles au cours de ce mandat.
Des questions demeurent sur l’avenir de certaines chaînes de notre service public de l’audiovisuel. Le maintien de la chaîne France 4, après des mois et des mois de mobilisations du secteur de l’audiovisuel et des élus, est une bonne nouvelle sachant tout ce que cette dernière a apporté au public jeune pendant la crise du covid. En revanche, la suppression de France Ô a non seulement aggravé le manque de visibilité de nos concitoyens d’outre-mer mais a également réduit l’offre pour 50 millions de téléspectateurs.
Enfin et surtout, ce projet de loi ne pose pas la question majeure de la concentration des médias. Lors de la lecture précédente du projet de loi audiovisuelle, nous étions opposés à la création d’une holding regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA, l’Institut national de l’audiovisuel, mais nous voyons bien que le processus de concentration est en cours dans le privé, notamment avec la fusion de TF1 et M6, dont la situation monopolistique porte un nouveau coup au pluralisme de l’information. Ensemble, les deux chaînes contrôleraient 70 % du marché publicitaire, soit 2,3 milliards de recettes cumulées.
C’est pourquoi nous appelons depuis le début du quinquennat à développer un service public de l’audiovisuel puissant et démocratique – je dirais même : puissant parce que démocratique –, vecteur de pluralisme et capable de relever les défis contemporains.
Revenons au texte qui, malgré son manque d’ambition, présente quelques évolutions, notamment la fusion du CSA et de la HADOPI au sein de l’ARCOM, bien que nous regrettions le manque d’une véritable réflexion sur l’évolution des missions et des moyens attribués à la nouvelle agence de régulation.
Je me réjouis de la suppression en commission du système de transaction pénale ajouté à l’article 1er par la droite sénatoriale. Nous considérions en effet que l’amende de 350 euros prévue à l’encontre des internautes pirates pénaliserait les plus jeunes ou les néophytes en informatique, qui ne sont pas ceux qui commettent les plus graves infractions ni les plus répétées.
Le piratage des manifestations sportives est, bien entendu, un sujet crucial, mais il nous semble qu’il est traité de manière trop artificielle dans le projet de loi que nous examinons.
En définitive, ce texte présente de trop grands manques pour susciter chez nous une adhésion franche. Nous nous opposons également au contenu des futurs décrets et ordonnances destinés à reprendre les aspects problématiques de la première version du projet de loi audiovisuelle. Voilà les raisons pour lesquelles nous voterons contre ce texte.