Le projet de loi a fait l’objet d’un examen dans des délais particulièrement contraints, en raison de la nécessité de doter les douanes d’un nouveau dispositif de droit de visite. Le texte, issu des travaux de la CMP, qui nous est soumis aujourd’hui, est loin de nous satisfaire. À l’exception de l’article 60 du code des douanes, qui a fait l’objet d’une réécriture équilibrée, et d’autres dispositifs sur lesquels pesait un risque d’inconstitutionnalité, les dispositions du projet de loi ne répondent malheureusement pas à l’ambition affichée dans son titre.
Rappelons ici le travail remarquable de cette administration et de ses 17 000 agents, que certains avaient pourtant jugé désuète à la faveur de l’ouverture des frontières.
En 2022, la douane a saisi 104 tonnes de stupéfiants, représentant un montant supérieur à 1 milliard d’euros, 640 tonnes de tabac et 11,5 millions d’articles de contrefaçon. Cela dit, force est de constater que les flux illégaux se multiplient et que les criminels sont de mieux en mieux organisés.
Dans ce contexte, de l’avis de l’ensemble des syndicats, les moyens alloués se révèlent clairement insuffisants. Depuis 1993, près de 6 000 postes ont été supprimés, soit une diminution de plus de 25 % des effectifs. Dans cette guerre contre le trafic, les moyens humains constituent la clé de voûte. Alors que ce texte franchit un nouveau pas vers une société de surveillance, en prévoyant un dispositif de lecture automatisée des plaques d’immatriculation ou le recours aux drones, c’est au contraire la présence, l’expérience, le flair même des douaniers qui permettent de mener une lutte efficace.
Face à ce constat, le texte passe donc à côté de l’objectif qu’il se donne, à savoir donner des moyens à la douane, tant en matière d’effectifs que de qualification et de formation. J’insiste sur ce point car il permet d’ores et déjà d’enfoncer un coin s’agissant de la réserve opérationnelle. Cette douane low cost soulève plus de questions qu’elle n’en règle, questions auxquelles vous n’avez pu répondre, monsieur le ministre délégué.
Quelles missions précises ces volontaires effectueront-ils ? Quelle formation leur sera dispensée et qui la suivra ? Dans ce contexte, et étant donné le sous-effectif de l’administration douanière, nous ne pouvons cautionner la création de cette réserve. Nous avons besoin d’emplois statutaires pour renforcer le service public douanier, afin que celui-ci se concentre sur son cœur de métier.
C’est l’autre point sur lequel je souhaite revenir, car votre texte opère également un glissement en la matière. Vu ses moyens restreints, la douane doit se concentrer sur son cœur de métier, à savoir le contrôle des marchandises. Et croyez-moi, au vu des chiffres que j’ai rappelés, il y a déjà fort à faire !
La douane n’a pas pour rôle de colmater les sous-effectifs de la PAF – police aux frontières – ni de surveiller la frontière gréco-turque dans le cadre de Frontex – Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Elle n’a pas non plus pour mission de venir en appui des opérations de maintien de l’ordre. Or ce texte accroît sensiblement le lien entre l’administration douanière et la police aux frontières, en multipliant les transmissions d’informations entre les deux administrations. Cette porosité traduit un glissement des missions des douanes, lesquelles contrôleraient davantage les personnes aux frontières.
Le projet de loi renforce aussi le pouvoir judiciaire des douanes, en créant la possibilité de doter les douaniers des attributions des officiers de police judiciaire.
Enfin, je conclus en évoquant la création, au débotté, de l’Office national antifraude (Onaf), qui remplacera le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF). Nous regrettons cette évolution, tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, l’Onaf a été créé par un amendement du Gouvernement laissant le soin à un décret de fixer le champ de ses compétences. Sur le fond, nous regrettons la disparition du service d’enquêtes judiciaires des finances, qui effectuait un travail efficace contre la fraude fiscale et douanière et qui paie aujourd’hui les conséquences de l’obsession du Gouvernement en matière de fraude sociale.
Vous comprendrez donc que, dans ces conditions et malgré la nécessité de réécrire l’article 60 du code des douanes, nous ne pourrons apporter notre soutien à ce texte. Nous nous abstiendrons donc sur le vote de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)