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Protéger la rémunération des agriculteurs - CMP

Chers collègues, je vous demande tout d’abord d’excuser l’absence sur les bancs de notre groupe d’André Chassaigne, retenu au sommet de l’élevage à Clermont-Ferrand.

Nous sommes invités aujourd’hui à nous prononcer sur la rédaction définitive d’une proposition de loi dont l’ambition est de mieux protéger la rémunération des agriculteurs.

Par ce texte, vous avouez implicitement l’échec de la loi EGALIM, qui n’a pas permis le rééquilibrage promis de la répartition de la valeur ajoutée au bénéfice des producteurs. Le revenu paysan a continué de se dégrader au profit de l’agro-industrie et de la distribution. Il est aujourd’hui encore fragilisé par l’augmentation des coûts de production, en raison la hausse mondiale du prix des céréales et du prix de l’énergie.

Le constat est implacable : ces dernières semaines, le prix des porcs charcutiers au départ de la ferme a baissé de plus de 20 %, alors que le prix des aliments qui leur sont servis augmentaient de 20 % en moyenne. En Europe, le recul des importations chinoises de viandes porcines a fait chuter les cours et les distributeurs en profitent pour tirer les prix vers le bas, quitte à ruiner les éleveurs par des stratégies à court terme.

Le même constat vaut pour le lait de vache : sur douze mois, les prix au départ de la ferme ont baissé de 1,8 % en Bretagne, de 2,2 % dans les Hauts-de-France, de 0,1 % en Normandie, de 0,6 % dans le Grand Est et de 0,8 % dans les Pays de la Loire, selon les chiffres rendus publics par FranceAgriMer, 1’Institut de l’élevage et les chambres d’agriculture.

La nouvelle mouture de la loi EGALIM que nous examinons ce soir va-t-elle permettre de réelles améliorations ? Notre conviction est que ce texte ne va pas régler grand-chose. La proposition contient certes quelques mesures intéressantes comme la création d’un comité de règlement des différends commerciaux agricoles ou encore le fait de sortir le prix des matières premières agricoles du cadre de la négociation tarifaire entre les industriels et les distributeurs. Ces avancées sont toutefois insuffisantes.

Ainsi, sortir le prix des matières premières agricoles du cadre de la négociation tarifaire n’empêchera pas les industriels d’imposer des prix bas à leurs fournisseurs paysans afin d’accroître leurs marges.

Le texte verse ensuite dans l’utopie qui consiste à croire que les interprofessions et des opérateurs privés organisés, réunis autour d’un contrat, pourraient se substituer à l’État pour protéger la rémunération des paysannes et des paysans. Vous faites ainsi l’impasse sur le renforcement effectif de la prise en compte des indicateurs de coût de production dans les contrats et sur une réelle construction du prix en marche avant. On parle d’indicateurs de production, mais on renvoie une fois de plus aux interprofessions, alors que l’on pourrait confier un rôle beaucoup plus important à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires et à FranceAgriMer, l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer.
Enfin, le champ de ce texte est beaucoup trop étroit pour ouvrir de nouvelles perspectives au monde agricole. La régulation des volumes de production à l’échelle européenne et la lutte contre la concurrence déloyale sont des enjeux décisifs si l’on entend mieux protéger le revenu paysan et lui permettre de progresser de manière significative. Interdire à l’aval d’acheter des produits agricoles en dessous des coûts de production en France, étendre la notion de prix abusivement bas aux produits importés, intégrer la rémunération paysanne dans la définition législative du coût de production sont quelques-unes des pistes à explorer.

Nous avons la conviction que permettre aux agriculteurs de vivre décemment de leur activité est un levier essentiel du développement et de la vitalité de nos territoires ruraux, comme de la réussite de la transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement. Nous craignons qu’à cet égard, votre texte n’apparaisse une nouvelle fois comme une occasion manquée.

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Alain
Bruneel

Député du Nord (16ème circonscription)

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