Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que ce projet de loi donnait de la visibilité aux questions liées à la protection de l’enfance. Je remercie les associations d’anciens enfants ayant suivi des parcours d’aide sociale à l’enfance de continuer de mettre ces sujets en lumière et de les porter dans le débat public. Ces associations expriment toujours de très fortes attentes et, devant ce projet de loi, leur déception est extrêmement forte.
Elles avaient déjà été déçues par la proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie. Elles y voyaient l’occasion d’entériner dans la loi des droits réels pour les enfants et pour celles et ceux qui sont passés par l’ASE. Pourtant, la généralisation des contrats jeunes majeurs a encore été refusée. Cette mesure fait pourtant l’unanimité chez les professionnels de la protection de l’enfance comme chez celles et ceux qui attendaient protection – et ne l’ont pas toujours trouvée.
Les études montrent combien les sorties sèches sont à l’origine de drames humains et les chiffres sont alarmants quant au développement des dépressions, des suicides, des addictions et de la pauvreté. Ce constat devrait inciter l’État à agir mieux et vite.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine considère que le projet de loi n’est pas la hauteur. Comment pourrait-il l’être alors qu’il ne coûte pas un euro à l’État ? Protéger les enfants représente un coût et nécessite des moyens humains et financiers. Pas seulement, me direz-vous, mais ces moyens sont cependant indispensables !
Votre texte n’évoque à aucun moment la notion de prévention de l’enfance en danger ou le manque de moyens dont souffre cette politique. Nous voyons pourtant dans tous les départements combien l’ASE est à bout de souffle. Les inégalités entre départements sont par ailleurs effarantes. Familles d’accueil surchargées, pénurie d’assistantes familiales, manque de moyens accordés à la justice et aux départements : tous ces manques ont un impact sur la vie des enfants, leur bien-être et leur sécurité.
Ce projet de loi n’est pas à la hauteur non plus car il ne prend pas au sérieux les risques humains du placement hôtelier. Sur ce sujet, la CMP a aggravé le texte. Vous présentez l’interdiction du placement hôtelier comme la mesure phare du texte. Or l’article 3 n’interdit pas formellement le placement hôtelier : il crée une dérogation en l’autorisant en cas d’urgence. Il est facile d’imaginer comment les départements se saisiront de cette possibilité.
Plusieurs collègues ont évoqué le cas d’un jeune retrouvé mort la semaine dernière dans un hôtel. Vous le savez, madame la rapporteure Pételle, car vous êtes comme moi députée des Hauts-de-Seine : il y a quelques années à Suresnes, un jeune avait déjà été tué par un autre jeune dans un hôtel. Il est urgent d’interdire le placement hôtelier, mais, pour cela, l’État doit dégager des moyens importants pour aider les départements à offrir aux enfants des placements dignes. (Mme Karine Lebon applaudit.) De toute évidence, il s’y refuse aujourd’hui. L’interdiction du placement hôtelier rejoindra bientôt toutes les mesures inappliquées à force d’être repoussées !
Rappelons, par ailleurs, que le placement hôtelier concerne majoritairement les mineurs non accompagnés, auxquels le texte réserve un sort édifiant. Dans ce projet de loi sur la protection de l’enfance, les mesures qui concernent les MNA sont essentiellement des mesures de régulation migratoire.
C’est honteux !
Le texte n’est pas à la hauteur, enfin, pour les assistantes familiales, essentielles au bien-être et à la sécurité des enfants confiés. Il ne répond pas à leurs principales revendications : la sécurité de l’emploi, l’obtention d’un véritable statut de travailleuse sociale intégrée dans les équipes de la protection de l’enfance et la revalorisation des indemnités d’entretien.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le projet de loi. Le report de mesures attendues depuis longtemps est très décevant et engendrera de nouveaux drames. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)