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Prorogation de la loi du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété

La Corse fait face à un désordre foncier caractérisé par l’absence de titres de propriété, le non-dépôt des déclarations de succession, l’inexactitude du cadastre et la persistance des indivisions successorales. Cette situation engendre des conséquences néfastes pour les citoyens comme pour les collectivités locales. Pour les particuliers, elle entraîne une insécurité juridique, source de litiges, et une limitation de l’exercice du droit de propriété qui favorise la dégradation du patrimoine et alimente la spéculation. Pour les collectivités, elle cause une perte de recettes fiscales et complique l’administration du territoire, touchant notamment la redynamisation des villages ainsi que la réhabilitation et la prévention des incendies.
Afin de résoudre cette situation, des mesures ont été engagées depuis plusieurs années. En particulier, la loi du 6 mars 2017 visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété en Corse a instauré et prolongé des dérogations au droit civil commun et des exonérations fiscales portant sur les droits de succession, afin d’encourager le titrement des parcelles et de faciliter la résolution des situations d’indivision successorale.
La présente proposition de loi entend prolonger ces dérogations de dix ans. Si nous partageons ses objectifs, nous sommes vigilants quant à ses modalités. Par exemple, l’allègement fiscal des premières successions post-régularisation foncière est justifiable pour résorber le désordre cadastral, mais l’extension de ces exonérations à toutes les successions, y compris à celles de biens déjà titrés, soulève des questions d’équité et d’efficacité. En effet, cette approche généralisée crée des inégalités fiscales contraires aux principes constitutionnels, sans cibler spécifiquement la résolution du problème foncier.
En 2012 et 2013, dans le cadre du projet de loi de finances, le Conseil constitutionnel a censuré les mesures d’exonération des droits de succession sur les immeubles situés en Corse, estimant que le maintien de ce régime fiscal dérogatoire méconnaissait le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques. En effet, la constitutionnalité de la prorogation de dix ans du régime dérogatoire d’exonération partielle, à hauteur de 50 %, des droits de succession pour les biens immobiliers situés en Corse pose question, puisqu’elle concerne les successions de tous les biens situés en Corse, y compris ceux qui n’ont aucune difficulté particulière de titrement. À ces importantes fragilités au regard du principe d’égalité devant l’impôt s’ajoute l’incapacité d’évaluer précisément les articles 3 et 5 de la loi du 6 mars 2017 qu’il nous est proposé de proroger. En effet, la direction générale des finances publiques n’a pas été en mesure de fournir des données, même approximatives, sur le coût des exonérations fiscales prévues par ces articles.
Enfin, rappelons que, selon les chiffres transmis par le groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse, 1 868 titres ont été créés entre 2018 et la mi-mars 2024. Il reste toujours plus de 300 000 parcelles à régulariser. La prorogation de cette loi ne permettra donc pas de résorber le désordre de la propriété dans un proche avenir. Ainsi, bien que les travaux de titrement en Corse demeurent nécessaires, nous considérons qu’il serait plus pertinent de réformer l’imposition des successions, afin de rétablir la justice fiscale. La prorogation de ces dispositifs fragiles au regard du principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt favoriserait ceux qui bénéficient déjà de successions avantageuses.

M. Ugo Bernalicis
Nous sommes d’accord !

Mme Elsa Faucillon
Nous partageons cependant les objectifs du texte, tout en souhaitant, au regard de l’inachèvement des travaux de titrement en Corse, que le débat donne raison aux deux amendements que nous proposons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)
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