Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (lecture définitive)
Publié le 16 décembre 2025Le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous revient tel que nous l’avons adopté le 9 décembre dernier. Je ne m’attarderai pas sur son contenu, que nous connaissons bien. Je souhaiterais plutôt revenir sur ce que ce texte, malgré ses évolutions, ne règle pas – donc vous parler d’avenir.
Je pense en premier lieu à la question du financement de la sécurité sociale. Il est illusoire et dangereux de continuer à aborder le déficit de la sécurité sociale par le seul prisme d’une réduction des dépenses de santé. Celles-ci tendent naturellement à augmenter en raison du vieillissement de la population mais aussi des progrès de la médecine.
Nous ne devrions pas être choqués lorsqu’une société investit dans les dépenses de santé car, en réalité, c’est le signe qu’elle prend soin de sa population. C’est précisément la grandeur et la modernité de la sécurité sociale que d’avoir posé le principe d’un accès aux soins de qualité pour tous en lien direct avec la production de richesse. Si nous admettons et défendons ce principe, nous pourrons tracer un chemin vertueux grâce auquel nous pourrons doter la sécurité sociale des moyens dont elle a besoin tout en la ramenant sur une voie d’équilibre budgétaire.
Cependant, cela suppose un choix politique courageux et ambitieux : rompre avec la politique appliquée depuis trente ans et qui est à l’origine de l’institution des lois de financement de la sécurité sociale, de l’instauration de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie ainsi que de la création de la Caisse d’amortissement de la dette sociale.
Car cette politique a radicalement modifié à la fois les missions et la gestion de la sécurité sociale, avec les conséquences désastreuses que nous connaissons : des hôpitaux au bord du gouffre, six Français sur dix qui renoncent à se soigner, des personnels – soignants ou non – en souffrance et une financiarisation croissante de l’offre de soins.
De fait, à force de définir des objectifs de dépenses contraints, puis de distribuer les moyens en fonction des besoins sanitaires et sociaux, ces derniers sont devenus des charges qu’il s’agit de rendre soutenables. Une telle gestion témoigne d’une absence de vision d’ensemble et dans la durée, mais aussi de perspective en matière de santé publique. On oublie la nature même – singulière – de la sécurité sociale.
Très concrètement, rompre avec cette logique délétère supposerait que notre assemblée débatte enfin d’un projet de loi de santé publique qui recenserait les priorités nationales de prévention et d’accès aux soins. Une telle démarche permettrait de partir des besoins pour définir, en conséquence, les recettes nécessaires assises sur la cotisation sociale. Il faudrait aussi procéder à une remise à plat radicale des 80 milliards d’exonérations sociales et d’exemptions d’assiette accordées sans aucune condition, dont les résultats sur l’emploi et le pouvoir d’achat dont très contestables. Les seuls dispositifs d’exemption d’assiette ont un coût pour la sécurité sociale estimé à 14,6 milliards en 2024.
Un débat de fond sur la dette sociale serait également nécessaire. Je rappelle que, chaque année, 15 à 16 milliards ne servent pas à financer le soin mais sont consacrés au remboursement d’une dette qui se finance sur les marchés à des taux d’usurier. Il convient également de mettre un terme à certains dysfonctionnements. Je pense notamment aux dépassements d’honoraires qui entrent en contradiction totale avec les principes de la sécurité sociale et qui, en 2024, représentaient 4,5 milliards, à la charge des patients.
Avec mon collègue Jean-François Rousset (M. Karl Olive applaudit), nous avons remis un rapport dans lequel figurent dix grandes propositions structurantes qui n’ont que trop peu trouvé leur place dans ce PLFSS et n’attendent désormais qu’une bonne volonté politique pour se concrétiser.
J’ajoute qu’il est plus que temps de progresser sur la voie d’un remboursement à 100 % des dépenses de santé par la sécurité sociale.
Enfin, les propositions alternatives aux lois de financement existent et ont fait leur chemin sur les bancs de l’hémicycle. Notre assemblée avait ainsi voté une loi de programmation sur le grand âge qui n’a jamais vu le jour. La FHF, la Fédération hospitalière de France, a rédigé et transmis au gouvernement une loi-cadre de programmation pluriannuelle. J’ai moi-même observé, lors de ma mission sur les hôpitaux de proximité, les bienfaits d’une telle programmation qui n’appelle pas forcément à dépenser plus mais à dépenser mieux en planifiant les dépenses en adéquation avec les besoins des patients et les possibilités des territoires.
Vous le voyez, les solutions alternatives viables, ambitieuses socialement et responsables financièrement, existent. Elles sont devant nous et n’attendent que le courage politique pour être débattues et mises en ?uvre. Nous sauverions ainsi la sécurité sociale en la renforçant.
S’agissant du vote des députés du groupe GDR, aucun changement n’est prévu depuis la semaine dernière.