Le sous-investissement chronique dont souffre l’université se traduit, en cette rentrée inédite marquée par la pandémie, par une situation particulièrement difficile pour les étudiants ainsi que pour les enseignants-chercheurs. Alors que le monde scientifique et universitaire se mobilise pour faire face et remplir ses missions, le Gouvernement propose un texte en totale inadéquation avec le contexte et les demandes de cette communauté.
Ce projet de loi de programmation de la recherche, pourtant tant attendu, donne le sentiment d’un gâchis, car la recherche publique a besoin d’un investissement massif et immédiat, et non d’une loi de promesse budgétaire courant sur dix ans ; car loin de lutter contre la précarité de nombre de chercheurs, ce texte l’accentue ; et car rien n’y figure pour le renforcement d’une science ouverte, à l’organisation et à l’accès démocratisés.
Aucune réponse réelle n’est apportée aux acteurs et actrices de la recherche, qui réclament des financements pérennes pour leurs laboratoires, et qui alertent depuis tant d’années sur leurs conditions de travail dégradées, sur la précarité grandissante et sur une liberté de recherche contrainte.
J’étais tout à l’heure, avec d’autres députés, aux côtés des personnels de recherche, mobilisés devant l’Assemblée nationale contre un projet de loi qui consacre une concurrence soi-disant performante entre les établissements et entre les laboratoires, alors que l’actualité nous rappelle le besoin de coopération et de transparence. Ainsi, pour l’humanité, la question n’est pas la rentabilité du vaccin contre le covid-19 pour les actionnaires, mais son efficacité et son accès pour toutes et tous.
Madame la ministre, votre programmation budgétaire est insincère. Le Conseil d’État l’a noté, la grande majorité de l’effort est reportée au-delà de ce quinquennat et sur dix ans ; réduire cette durée est vital. L’augmentation promise ne permettra même pas d’atteindre l’objectif de consacrer l’équivalent de 1 % du PIB à la recherche publique.
Le projet de loi propose une augmentation substantielle des crédits de l’ANR, c’est-à-dire du financement par appels à projets. Depuis 2012, ce mode de financement vient progressivement supplanter les crédits récurrents. Or les chercheurs demandent un rééquilibrage en faveur de ces crédits afin de dégager du temps, de favoriser les embauches et de leur donner la liberté de travailler sur des recherches à long terme, non solvables à court terme. Le financement par appels à projets doit redevenir l’exception, et non la règle. Cela implique de se demander qui décide des grandes orientations de la recherche : la représentation nationale, mais aussi les citoyennes et les citoyens doivent avoir leur mot à dire aux côtés des acteurs du monde de la recherche.
La précarité des salariés de la recherche est un fléau, elle mine quotidiennement des femmes et des hommes à l’engagement sans faille, mais peu reconnu. La LPPR accompagne cette précarité en ne proposant pas de titularisation massive, mais en inventant de nouveaux contrats. La création des CDI de mission scientifique est une atteinte à la notion même de CDI : appeler « CDI » un contrat limité à une mission, donc par nature temporaire, est une aberration.
Ce nouveau contrat vient accentuer la précarisation car, contrairement au CDD, il n’est assorti d’aucune obligation de titularisation ni de prime de précarité. Notre modèle souffre de trop reposer sur des personnels précaires. Titularisons-les, reconnaissons leurs talents et leurs apports, ne nous privons pas de leur expertise en les contraignant à toujours plus d’instabilité ! Le CDI de mission que vous proposez est sans doute la quintessence du nouveau modèle que nous rejetons.
La recherche française n’a pas davantage besoin de contrats de chaire junior, qui vont affaiblir le statut de fonctionnaire et la promotion des maîtres de conférences. Le renforcement de l’attractivité de notre recherche dans le monde passe par davantage de stabilité et de visibilité financière et professionnelle accordées aux équipes de chercheurs. Cette loi doit mieux consacrer le doctorat, mieux protéger les doctorants et consolider les conventions industrielles de formation par la recherche – CIFRE – au lieu de créer de nouveaux contrats accordant moins de droits.
Nous plaidons aussi pour une science ouverte. La circulation des recherches, la participation des citoyennes et des citoyens font l’objet de plusieurs amendements de notre groupe – nous espérons être entendus sur ce point. Il en est de même pour le renforcement de l’intégrité scientifique, et nous soutiendrons les amendements en ce sens.
Mes chers collègues, le monde de la recherche nous regarde, il attend de nous qu’avec sérieux, nous leur proposions un modèle de recherche aux crédits garantis et aux statuts protecteurs, leur donnant la liberté de travailler pour répondre aux défis de l’humanité. Ce n’est pas le chemin que prend cette loi, tant s’en faut, c’est pourquoi le groupe GDR s’oppose à cette LPPR et portera avec force la voix des personnels de la recherche, mais aussi des étudiantes et étudiants, qui proposent un autre projet pour notre recherche et notre université.