Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution du groupe Les Républicains que nous examinons aujourd’hui vise à rendre opposables les recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé relativement à la prise en charge de l’autisme. Sous couvert d’apporter une vérité scientifique, ce texte a pour principal objectif d’interdire, à terme, l’approche psychanalytique dans le suivi des enfants atteints d’autisme, et ce au profit des théories comportementales. Les députés du Front de gauche y sont fermement opposés.
Loin de clarifier les débats actuels sur cette maladie, la proposition de résolution qui nous soumise est dangereuse.
Ce texte procède clairement à un détournement des recommandations de la Haute Autorité de santé en matière de prise en charge de l’autisme, tout d’abord en transformant de simples recommandations en injonctions dotées d’une force juridique contraignante ; ensuite en affirmant que les méthodes recommandées sont validées scientifiquement alors qu’il n’existe aujourd’hui aucun consensus entre les experts médicaux ; enfin, en prétendant que la psychanalyse figurerait sur la liste des méthodes « non recommandées ». Il s’agit là d’une contre-vérité, puisque la Haute Autorité de santé a toujours pris soin de classer l’approche psychanalytique dans la liste des méthodes « non consensuelles », non dans celle des méthodes « non recommandées ».
Mais, au-delà, cette résolution s’inscrit dans la controverse dont fait l’objet la psychanalyse, dont les apports ne sont pourtant plus à démontrer. Chacun le sait, les débats autour de l’autisme sont d’une extrême complexité. La définition de la maladie, comme les méthodes pour la traiter, font depuis longtemps l’objet d’intenses discussions entre spécialistes. Le seul point de consensus dans la littérature scientifique est justement que les traitements considérés comme « recommandés », à savoir les thérapies dites « comportementales », connaissent autant d’échecs que de réussites.
Or, si cette résolution était adoptée, les autistes ne pourraient plus bénéficier des pratiques psychothérapeutiques, c’est-à-dire les thérapies par la parole ou les thérapies de groupe, comme les psychodrames, l’équithérapie, voire l’art-thérapie. Comment prétendre imposer une vérité scientifique alors que les experts médicaux sont eux-mêmes divisés ?
Il paraît inconcevable que le législateur s’immisce dans les débats d’experts médicaux. Il n’appartient pas aux pouvoirs publics de juger de la pertinence des choix cliniques.
Cette proposition de résolution remet ainsi en cause la liberté de prescription des médecins. Nous tenons à le réaffirmer : toutes les méthodes de prise en charge de l’autisme sont légitimes. Il n’existe pas de réponse unique, mais un spectre de réponses utilisant toute la palette des méthodes et des outils, de façon à mettre en œuvre une méthode propre à chaque situation, qui intègre notamment les recommandations de la Haute Autorité de santé.
S’il ne revient pas au législateur de prendre parti dans des débats scientifiques, l’État doit en revanche prendre toutes ses responsabilités pour assurer la bonne prise en charge des personnes atteintes de handicap, au nombre desquelles les personnes autistes. Or, sur ce point, notre système de prise en charge du handicap est largement défaillant.
Ainsi, selon les dernières estimations, 47 500 personnes handicapées sont toujours en attente d’un accompagnement de proximité, et 6 500 autres sont encore accueillies en Belgique via un financement de la Sécurité sociale, faute de solution adaptée en France. Le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale n’apporte d’ailleurs pas de solutions nouvelles aux personnes handicapées et à leurs familles.
S’agissant plus particulièrement de la prise en charge des enfants autistes, l’insuffisance des moyens financiers mobilisés par les pouvoirs publics n’a fait que renforcer les injustices dont les familles sont victimes. Bien que des progrès aient été accomplis en termes de diagnostic et d’accompagnement depuis la reconnaissance, en 1995 seulement, de l’autisme comme handicap, les attentes des familles demeurent immenses.
En premier lieu, la scolarisation obligatoire des enfants autistes reste aujourd’hui illusoire. Si l’école est tenue d’accepter l’inscription, elle n’est pas toujours en mesure de rendre la scolarisation effective du fait d’un manque de classes spécialisées ou d’une pénurie d’auxiliaires de vie scolaire formés. Dans ces conditions, il n’est pas rare que les parents n’aient d’autre choix que de sortir l’enfant du système scolaire, quand ce n’est pas le système scolaire lui-même qui rejette l’enfant « différent ».
Le second problème tient au manque de places au sein des établissements spécialisés dans la prise en charge de l’autisme. Si des efforts ont été fournis dans le cadre du troisième Plan Autisme pour créer des places supplémentaires dans des structures adaptées, force est de constater qu’ils restent insuffisants, des parents étant toujours obligés, je l’ai dit, de placer leur enfant dans des structures spécialisées en Belgique.
Le dernier problème n’est que la conséquence des deux premiers. Les parents qui n’ont pas d’autre solution que de prendre soin eux-mêmes de leur enfant ont des difficultés à percevoir les aides publiques destinées à la prise en charge. Ainsi, le montant de l’allocation d’éducation pour enfant handicapé, qui varie fortement selon les cas de figure, reste insuffisant pour faire face aux besoins particuliers de l’enfant.
Au-delà des conséquences personnelles et professionnelles que cela peut engendrer pour les parents, ces familles sont victimes de l’insuffisance des financements publics. Alors que s’est tenu, le 2 décembre dernier, le comité interministériel sur le handicap, nous pensons qu’il est urgent de prendre des mesures pour répondre aux attentes des familles en matière de prise en charge de l’autisme et, plus largement, des différentes formes de handicap. Nous ne pouvons en rester aux solutions décidées dans le cadre du troisième Plan Autisme, lequel prendra fin cette année : selon moi, elles ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Les constats évoqués précédemment appellent des réponses fortes de la part du Gouvernement. Il est nécessaire de rendre effectif le droit de scolarisation des enfants handicapés et de garantir un accompagnement adapté, de créer de nouvelles places dans des structures adaptées d’éducation et d’hébergement et de renforcer le soutien financier aux familles qui assurent la prise en charge de leur enfant autiste. Nous espérons que le quatrième Plan Autisme, actuellement en préparation, sera l’occasion de mettre en œuvre ces différentes mesures.
Ces remarques faites, nous réitérons notre opposition à la proposition de résolution sur la prise en charge de l’autisme. C’est pourquoi les députés communistes et du Front de gauche voteront contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
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