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Pour une santé accessible à tous et contre la désertification médicale

Durant cette législature, nous avons avancé cinq propositions de loi concernant la mise en œuvre d’une politique de santé permettant de répondre à l’état d’urgence. Elles ont toutes été rejetées par votre majorité sans aucune discussion. Nous ne pouvons que le regretter.

Sébastien Jumel, au nom de notre groupe, présente une sixième proposition de loi, pour une santé accessible à tous et contre la désertification médicale.

Celle-ci n’est pas à prendre ou à laisser, mais à discuter – tel est l’état d’esprit qui anime notre groupe.
Le rapport présenté par Sébastien Jumel témoigne d’une situation sous tension : les difficultés s’aggravent jour après jour ; le personnel soignant est épuisé, essoré, en burn-out ; le personnel et les moyens manquent cruellement ; l’égalité de soins dans les territoires est rompue.

Des perspectives sont tracées : nous vous invitons à emprunter le chemin de la discussion constructive. Il faut prendre le temps d’échanger, de poser des jalons pour éviter le départ de soignants épuisés et répondre à leurs attentes ainsi qu’à celles des patients.

Voici quelques témoignages recueillis lors notre tour de France des hôpitaux commencé en 2018 : « La santé n’est pas une marchandise. Ce n’est pas le métier que j’ai appris. On doit toujours courir. On n’a plus le temps. On manque de personnel. On désorganise l’organisation. » Notre volonté était d’écouter les personnels, les directions, les syndicats, les collectifs et les patients. Nous avons pris en compte leur mal-être, mais aussi leurs propositions. C’est dans ce cadre que nous avons coécrit une proposition de loi.

Nous avions alors dressé un constat alarmant. En effet, cette tournée était annonciatrice de la catastrophe à venir. La crise sanitaire a mis en lumière les faiblesses de notre système de santé, mais le malaise ne date pas d’hier. L’alarme a sonné depuis bien longtemps ; cependant, malgré les alertes des soignants, les grèves et les SOS, ces dernières années, nous avons assisté à une destruction méthodique de notre système de soins. (Mme Caroline Fiat applaudit.)

Les politiques consécutives de réduction des dépenses ont mis à genoux la santé, ce bien commun pourtant primordial. Alors que le droit à la santé est l’un des droits fondamentaux de tout être humain, le déclin constant de la démographie médicale rend l’accès aux soins de plus en plus difficile pour un grand nombre de nos concitoyens.

Décrocher un rendez-vous médical relève parfois du parcours du combattant, et ceci dans de nombreuses régions de notre pays. L’enquête récente publiée dans Marianne dresse un panorama effrayant des inégalités d’accès aux soins dans 314 villes. Cette situation plus que dégradée est insupportable.

Le temps d’attente moyen au niveau ntional pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue est de 158 jours ; pour un rendez-vous chez un médecin généraliste, il est de 21 jours ; pour un rendez-vous chez un gynécologue, il est de 101 jours. Je terminerai avec un exemple qui souligne combien cette situation est aberrante : le temps d’attente moyen au niveau national pour obtenir un rendez-vous chez le pédiatre est de 74 jours !

Avec de tels délais, à coup sûr, des milliers de citoyens renonceront à se soigner. Une fracture sociale se creuse dans tout le territoire.

En 2017, 3,1 % des personnes de 16 ans ou plus vivant en France métropolitaine, soit 1,6 million de personnes, ont renoncé à des soins médicaux, d’après l’enquête « Statistiques sur les ressources et les conditions de vie » de l’INSEE.

Quand on prend en compte les caractéristiques des personnes interrogées, telles que l’âge, le sexe, le diplôme ou la situation sur le marché du travail, les personnes touchées par la précarité ont trois fois plus de risques de renoncer à des soins que les autres. En outre, dans une zone très sous-dotée en médecins généralistes, le risque de renoncement à ces mêmes soins est huit fois supérieur à celui du restant de la population.

Ces graves difficultés ne risquent malheureusement de ne pas s’arranger de sitôt : en mars 2021, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a publié un dossier sur la démographie récente et à venir pour les professions médicales et pharmaceutiques. Selon cette étude, le nombre de médecins généralistes stagnera jusqu’en 2030 tandis que les besoins de soins d’une France vieillissante croîtront.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour vous alerter sur la situation des étudiants en médecine. Leur parcours demande beaucoup d’investissement et de sacrifices. Force est de constater qu’aujourd’hui ces jeunes se retrouvent face à une réforme injuste. Les capacités d’accueil devaient augmenter, mais les promesses ne sont pas au rendez-vous.

Le Gouvernement a décidé de mettre en place une réforme visant à modifier le profil des étudiants en transformant la PACES en licence de santé. Or, si le but de la réforme est louable, sa mise en place est catastrophique. C’est la douche froide !

J’ai reçu de nombreux témoignages de détresse. Marie, étudiante en première année de médecine, me disait : « Aujourd’hui, j’ai 19 ans. Je me retrouve face à un mur : si j’échoue, je ne sais pas ce que je vais faire car il n’y a que la santé qui m’intéresse. Je suis désemparée. C’est psychologiquement très difficile de se dire que, peut-être, on fait tout ça pour rien ! En cas d’échec, certains étudiants partiront se former à l’étranger ; moi, je n’en ai pas les moyens ; il faudra donc que je me résigne à abandonner ma vocation et mes rêves. »

Comme vous le constatez, les futurs médecins sont abattus avant même d’être diplômés. Anxiété, dépression, épuisement : leur santé est en danger.

Une nouvelle fois et par le biais de la journée parlementaire qui lui est réservée, mon groupe propose une loi pour une santé accessible à tous et contre la désertification médicale. Ce texte vise à instituer un ensemble de mesures indispensables pour lutter contre la pénurie, mais aussi pour améliorer l’accès aux soins de toute la population française, sans exception, et parvenir ainsi à une plus grande justice sociale en matière de santé.

L’heure est grave. Saisissez-vous de cette proposition. L’accès aux soins est une priorité nationale. Il faut agir contre la désertification médicale.

L’urgence, c’est maintenant. La réponse est ici, alors ne ratez pas le coche. Redessinons ensemble le paysage sanitaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Caroline Fiat applaudit également.)

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Alain
Bruneel

Député du Nord (16ème circonscription)

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