La douleur des femmes a toujours été euphémisée ou passée sous silence, voire caricaturée. Le corps des hommes a longtemps été la mesure de toutes choses ; pas celui des femmes, forcément « douillettes » sinon « hystériques ».
Aussi, il n’est pas étonnant que l’endométriose, cette maladie qui ne touche que les femmes et qui a été identifiée il y a déjà 170 ans, ait tant tardé à faire l’objet d’une prise de conscience collective. Ce sont pourtant des millions de femmes – probablement entre 2 et 3 millions en France – qui sont affectées par cette maladie chronique et toujours incurable, source de souffrances et de symptômes très pénalisants. Cette affection empoisonne la vie quotidienne, mais pèse également sur la vie professionnelle, car elle provoque bien souvent des difficultés à supporter la station debout, des problèmes de concentration liés à la douleur et une fatigue chronique – autant de symptômes qui rendent le travail difficile et qui peuvent logiquement entraîner des absences fréquentes. Ainsi, près de la moitié des femmes atteintes d’endométriose considèrent que leur maladie a des conséquences sur le déroulement de leur carrière.
Or, malgré ce constat alarmant, seules 0,5 % des femmes atteintes, soit 14 000 patientes, bénéficient de la reconnaissance de la pathologie comme affection de longue durée. L’annonce par Emmanuel Macron d’une stratégie nationale sur l’endométriose, notamment sur la recherche, a constitué un premier pas. Cependant, la véritable avancée a été l’adoption ici même, à l’unanimité, de la résolution défendue en janvier 2022 par notre collègue Clémentine Autain, qui demandait au Gouvernement la reconnaissance de l’endométriose sur la liste ALD 30, afin d’assurer l’égalité de toutes les femmes quant aux conditions de remboursement de leurs soins, quelle que soit l’agence régionale de santé dont elles dépendent.
On peut regretter que le Gouvernement n’ait pas profité de cette unanimité pour transformer l’essai et qu’il n’ait pas concrétisé cette mesure, qui est pourtant au cœur des revendications des associations en inscrivant l’endométriose sur la liste ALD 30 afin que les patientes bénéficient automatiquement d’une prise en charge complète par la sécurité sociale. Le Gouvernement leur a fait perdre du temps et de l’espoir.
Il a aussi offert au Rassemblement national une occasion de s’acheter une conduite.
Il faut le dire ici et en cet instant, la liste des combats que le Rassemblement national a menés contre les droits des femmes est très longue : contre l’avortement – cela a été dit –, contre la PMA, pour le déremboursement de l’IVG réputée de confort, ou encore pour la suppression du ministère chargé de l’égalité hommes-femmes, qu’il a proposée. Nous reconnaissons volontiers que cela peut constituer un fardeau encombrant et nous comprenons qu’il veuille le dissimuler. C’est le seul objet de cette proposition de loi opportuniste. L’article 1er est en effet sans objet, l’ajout d’une affection à la liste des ALD relevant d’un décret. Quant à l’article 2, il ne répond aucunement aux demandes formulées par les associations. Il est même une source de stigmatisation, loin des attentes des femmes qui sont atteintes d’endométriose.
La proposition qui nous est faite aujourd’hui singe les apparences d’une loi de progrès pour les femmes. Elle n’est en réalité porteuse d’aucune avancée. Des pistes existaient pourtant, qui auraient permis des progrès immédiats. Elles auraient pu inspirer les rédacteurs. Je pense par exemple à la mesure exemplaire décidée par la mairie de Saint-Ouen, notamment par son premier édile Karim Bouamrane, qui permet désormais aux employées municipales souffrant de règles douloureuses ou d’endométriose de prendre un congé menstruel. Mais les avancées concrètes ne sont pas l’objet de la présente proposition de loi. C’est pourquoi les députés du groupe GDR ne prendront pas part au vote, mais profiteront de cette occasion pour rappeler au Gouvernement sa responsabilité : celle de prendre un décret sans tarder. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)