Il y a quelques mois, j’avais présenté au nom de mon groupe une proposition de loi qui visait à surseoir à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus de la RATP.
Bien que nous soyons fermement opposés à cette ouverture à la concurrence, nous avions alors cherché un compromis avec la majorité pour reporter l’échéance au-delà de 2028.
Nous avions proposé ce report de quatre ans en raison du calendrier électoral car il nous semblait qu’une question aussi sensible, qui concerne le quotidien de millions de Franciliens, ne pouvait être tranchée par la seule présidente de la région, qui n’a reçu aucun mandat en ce sens, et échapper ainsi au débat démocratique. Nous avions dès lors proposé que le délai de quatre ans serve à étudier une autre possibilité offerte par la loi : le maintien d’un monopole exploité par la régie publique régionale.
Hélas, notre texte ayant été vidé de sa substance en commission, nous l’avons retiré. Et voici que la droite sénatoriale nous propose, forte de l’appui du Gouvernement, un texte rédigé sur mesure pour la présidente de région, Mme Pécresse. Il prévoit d’échelonner le calendrier d’ouverture à la concurrence du réseau de bus jusqu’à la fin de 2026, l’objectif étant de contourner l’obstacle des Jeux olympiques et paralympiques pour reporter de quelques mois le désordre que l’ouverture à la concurrence ne manquera pas d’engendrer, tout en fermant la porte au débat démocratique.
Face à cette fuite en avant, il est essentiel de débattre. Prenons l’exemple du réseau de bus qui circulent en grande couronne, le réseau Optile. Depuis son ouverture à la concurrence, on ne compte plus les dysfonctionnements qui contribuent à dégrader la qualité du service de transports collectifs dans de nombreux territoires : réduction de l’offre, retards, incidents d’exploitation, manque de régularité, augmentation du coût, grèves etc. Les usagers en sont les premières victimes. Nous avions proposé en commission de dresser le bilan de cette ouverture à la concurrence mais vous l’avez refusé. Pourtant, cette étude aurait mis en évidence la logique de moins-disant social qui gouverne le processus, l’insoutenabilité financière du modèle contractuel proposé par Île-de-France Mobilités, le coût faramineux de l’ouverture à la concurrence pour les finances de l’autorité organisatrice.
Vous ne voulez pas de ces études car vous craignez que n’apparaisse aux yeux de tous combien l’obstination de la présidente de région est déraisonnable et dangereuse. Tout montre que nous allons au fiasco, et que les premières victimes en seront les usagers et les agents de la RATP.
Dans Paris intra-muros et en petite couronne, le réseau de la RATP est un système multimodal où tout est interconnecté. On prend le bus, le métro, le tramway, éventuellement le RER, mais l’opérateur reste le même.
Si certains éléments de ce système complexe sont ouverts à la concurrence, c’est tout le réseau qui perdra sa cohérence, au risque de dégrader encore davantage la qualité du service et d’imposer des tarifs inadaptés.
D’autre part, nous le savons, 80 % des coûts d’une activité de service publique sont des coûts de personnel. Les éventuelles économies liées à l’ouverture à la concurrence ne pouvant être réalisées que sur ce poste, ce sont les agents qui paieront la note. Le sac à dos social promis risque fort de n’être qu’un modeste baluchon.
L’absence de garanties formelles en matière de droits sociaux, déjà manifeste dans les décrets publiés pourrait se traduire par une aggravation du malaise social, une chute de l’attractivité de la profession, la multiplication des démissions et la dégradation du service.
Rien ne justifie l’ouverture à la concurrence de la RATP. Si la proposition de la droite sénatoriale ne nous surprend guère, nous comprenons moins que nul ne songe à interrompre ce processus délétère alors que d’autres solutions existent, en particulier la gestion intégrée du réseau en régie publique régionale. Nous déposerons des amendements mais, en l’état, nous voterons contre le texte.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC.)