L’année 2024 devrait être encore meilleure que celle de 2023 pour les banques françaises, alors même qu’il s’agissait déjà d’une année record puisque les cinq plus grosses avaient engrangé 28,6 milliards d’euros de bénéfices. Il faut dire que les banques françaises disposent d’un sérieux savoir-faire dans les activités d’investissements, dixit le directeur général de BNP Paribas, mais aussi pour générer des profits sûrs et robustes. Dans cette perspective, les frais bancaires constituent la véritable vache à lait des établissements : l’ensemble de ces frais de toutes sortes rapporte plus 6,5 milliards d’euros par an aux banques commerciales. Et ce chiffre devrait croître encore en 2025 puisque, selon une étude menée par le site internet Moneyvox sur la base de 121 plaquettes d’établissements bancaires applicables au 1er janvier 2025, les tarifs bancaires vont encore augmenter.
S’il est compréhensible de facturer les opérations qui génèrent un coût, il ne faut pas que le prix affiché soit totalement décorrélé du coût réel de l’opération. Or une telle déconnexion est favorisée par l’opacité qui entoure le calcul de certains frais, comme la fameuse commission d’intervention. Ces frais posent d’autant plus problème qu’ils touchent en proportion bien davantage les ménages les plus modestes et sont susceptibles d’accélérer la spirale du surendettement.
Dès lors, comment expliquer que cette situation perdure depuis si longtemps ? Il faut sans doute se tourner du côté du lobby bancaire qui a pu jouer de son influence pour annihiler systématiquement toute tentative de régulation. Ainsi le fameux bouclier sur les frais bancaires, négocié en 2022 par Bruno Le Maire, s’est avéré être, in fine, une véritable passoire.
Nous pouvons donc nous féliciter du tour que prend l’examen du texte de notre collègue Pirès Beaune. Il a beau ne concerner qu’une petite partie de ces frais, il représente une évolution significative.
Les frais en question sont ceux que les banques appliquent aux opérations réalisées à la suite d’un décès, communément appelés frais bancaires sur les successions. Ce ne sont pas forcément les plus connus, mais ils représentent tout de même la coquette somme de 150 millions d’euros. Ces frais englobent la facturation de diverses opérations, pour lesquelles les tarifs sont aujourd’hui totalement libres.
Selon une étude du site MoneyVox, pour une succession de 15 000 euros, 122 établissements appliquent des frais bancaires, lesquels peuvent varier de la gratuité à plus de 450 euros, ce qui est une preuve supplémentaire de la totale déconnexion avec le coût réel des opérations.
Cette situation est d’abord due à l’opacité qui entoure le montant de ces frais lors de la signature des contrats, soigneusement noyés dans de multiples autres frais et impôts liés à la succession, le tout étant aggravé par l’absence totale de régulation.
Il fallait donc prendre des mesures et c’est le sens de cette proposition de loi, qui a été remaniée au Sénat et en commission depuis sa précédente adoption ici. Elle vise d’abord à exonérer de frais les opérations induites par certaines successions, notamment les plus simples ou celles portant sur des encours inférieurs à un seuil fixé par décret.
À cette disposition s’ajoute un encadrement global des frais, lorsque les conditions de la succession permettent la facturation des opérations par les banques. Cet encadrement sera double, d’abord en pourcentage, fixé à 1 %, comme nous l’avions proposé ici lors de l’examen en première lecture, et en valeur.
La commission a permis certaines évolutions afin d’apporter des précisions. Nous espérons désormais que le Sénat adoptera de manière conforme au plus vite ce texte et que le gouvernement prendra rapidement les décrets d’application une fois le texte voté définitivement, afin que ces dispositions s’appliquent au plus vite.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera cette proposition de loi qui vise à protéger les ménages modestes et moyens de l’appétit vorace des banques lesquelles, sans régulation, ne se privent jamais de ponctionner toujours plus là où elles en ont l’opportunité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme la rapporteure applaudit également.)