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Pn Org Renforcer l’ancrage territorial des parlemenaires

Le contenu de cette proposition de loi ne correspond pas à son titre, du moins ne parvient-il pas à atteindre l’objectif affiché. Ce texte vise à restreindre le champ des fonctions exécutives locales incompatibles avec le mandat de député ou de sénateur. Ce faisant, il revient sur la loi du 14 février 2014 qui a limité drastiquement les possibilités de cumuls de mandats pour les parlementaires. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine avait voté en sa faveur, estimant que ce changement permettrait aux parlementaires d’exercer pleinement leurs prérogatives. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de députés et de sénateurs qui considèrent avoir du temps en trop et qui soient prêts à se consacrer à autre chose que leur mandat national. Le vote de la loi, le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques sont des missions qui remplissent suffisamment leurs agendas pour qu’ils s’y vouent entièrement.

Ajoutons que cette réglementation plus stricte du cumul des mandats a favorisé le renouvellement des élus.
La proposition de loi portée par le groupe Horizons veut rendre compatibles les mandats de parlementaires avec une fonction exécutive locale, à l’exception de celle de maire ou de président de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale. Pourquoi défend-il un tel texte ? Reprenons les mots de notre rapporteur, M. Alfandari : « La loi de 2014 n’a pas restauré le lien de confiance entre les citoyens et les parlementaires. Les Français ne cessent d’exprimer leur sentiment d’éloignement avec les parlementaires, accusés d’être déconnectés et hors-sol ».

Revenir sur le non-cumul des mandats pour remédier à la crise démocratique, c’est nier de façon bien malhabile à nos yeux les maux plus profonds qui atteignent notre démocratie. Notons d’ailleurs que le maire, qui a été considéré pendant longtemps par nos concitoyens comme l’élu le plus ancré dans leurs territoires et celui dans lequel ils avaient le plus confiance, commence lui aussi à pâtir de cette défiance à l’égard de la politique.

Reprocherait-on moins aux parlementaires d’être déconnectés s’ils pouvaient cumuler leur mandat avec une fonction exécutive locale ? Nous ne le pensons pas. Nous sommes même convaincus du contraire. Il ne s’agit pas de nier que les parlementaires, s’ils sont l’objet de critiques, suscitent aussi, souvent par ricochet, de la méfiance de la part de nos concitoyennes et de nos concitoyens. La crise de la représentation que nous traversons n’est pas neuve mais elle s’accentue, c’est une réalité.

La liste est longue des propos témoignant d’une attitude hors-sol teintée de mépris : dire qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC) ; annoncer la « fin de l’abondance » quand celles et ceux qui travaillent durement ont du mal à vivre dignement de leurs revenus ; dénoncer le « pognon de dingue » consacré aux minimas sociaux ou les smicards qui préfèrent des abonnements de vidéos à la demande à une alimentation plus saine.

Nos concitoyennes et nos concitoyens constatent également la déconnexion d’une partie des membres du Gouvernement. Un exemple nous a été fourni récemment par la sortie de la ministre-éclair de l’éducation nationale sur l’école publique. (M. Gérard Leseul applaudit.)

Ils constatent aussi et surtout l’affaiblissement considérable du rôle du Parlement, affaiblissement qui n’est à imputer au non-cumul mais plutôt à la manière dont il est traité par l’exécutif : recours répété au 49.3, fixation de l’ordre du jour destinée à noyer et disperser les parlementaires – on le voit en ce moment – et à empêcher un suivi sérieux des textes dont l’examen est délibérément morcelé.

Ce n’est pas une addition des pouvoirs qui permettra de restaurer la confiance perdue de nos compatriotes dans l’action parlementaire. Elle participerait de la dispersion voulue et souhaitée par la majorité. Pour renouer le lien de confiance entre les citoyens et les parlementaires, il faut redonner un véritable pouvoir au Parlement et, je dirai, surtout au peuple.

La pratique du mandat parlementaire est tout aussi déterminante pour tisser des liens entre les députés et les citoyens. En tant qu’élus, hommes et femmes politiques, il nous revient de travailler à des propositions concrètes pour améliorer le quotidien de nos compatriotes.

Après avoir dressé ces divers constats, je veux dire à quel point je suis convaincue de la nécessité impérieuse de passer à un nouvel âge démocratique, à une nouvelle République. Je vous renvoie aux propositions que nous avons mises depuis un certain temps sur la table : revaloriser le rôle et le fonctionnement de notre Parlement, inverser le calendrier électoral pour redonner au Parlement son autonomie, casser la monarchie présidentielle, renforcer les collectivités territoriales, favoriser la démocratie au sein des entreprises, donner plus de pouvoir aux comités d’usagers, lancer un référendum d’initiative populaire effectif. Ce sont autant de chantiers urgents qu’il faut mener. La résorption de la fracture entre les représentants élus et les citoyens implique également de remédier aux déficits de représentativité politique et sociologique de la représentation nationale.

Renouer des liens de confiance entre les citoyens et leurs élus nous apparaît comme une nécessité mais ce n’est pas cette proposition loi qui nous permettra d’y parvenir. C’est pourquoi le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)
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