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PLFR pour 2016 - Nlle lect.

Nous voilà donc quasiment au dernier acte budgétaire de l’année, c’est-à-dire au dernier acte budgétaire de la législature, même si celui-ci concerne encore le budget 2016. Ce n’est donc pas sans émotion que j’interviens aujourd’hui à cette tribune.
Que dire, ou plutôt que dire de plus qui n’ait déjà été dit, proposé, défendu par les députés du groupe GDR depuis près de cinq ans ?
Que l’acharnement à conduire une politique de l’offre couplée à celle de réduction tous azimuts des déficits publics n’a non seulement pas apporté tous les résultats escomptés sur l’investissement, sur l’emploi et sur la vie sociale des Français, mais surtout pas sur leurs revenus – d’autant qu’elle a été financée en très grande partie par les citoyens pendant que les entreprises bénéficiaient, année après année, d’allégements, de cadeaux fiscaux et, bien sûr, du CICE, qui est d’ailleurs renforcé dans le PLF 2017 : nous venons de le faire.
Cette politique a également été financée par les collectivités territoriales. Résultat : une difficulté grandissante à assumer le service public et un frein important à l’investissement local, donc au développement économique de nos territoires. En effet, moins de services publics, moins d’investissement, c’est à la fois moins d’emplois et moins d’attractivité pour nos territoires, et des marges de manœuvres de plus en plus serrées pour assumer le rôle de correcteur des inégalités dévolu aux communes et aux conseils départementaux.
Ce qui nous a été présenté comme le remède aux effets, sur le plan local, de cette politique – je veux parler de la réforme territoriale – a souvent été pire que le mal :on a imposé des métropoles qui gomment le rôle majeur des communes, éloignent les centres de décisions des citoyens et laissent des territoires entiers de notre pays en déshérence. En ôtant des compétences de proximité majeures notamment aux communes pour les transférer à des exécutifs plus éloignés des citoyens, moins en phase avec les préoccupations du quotidien, c’est la démocratie locale que l’on défie frontalement.
Tout cela est guidé par la seule économie de moyens, par le dogme de la réduction de la dépense publique au détriment de la réponse aux besoins sociaux, économiques, structurels – culturels aussi, d’ailleurs – des territoires et des populations.
Le résultat, je le vois chaque jour en exerçant mes fonctions de maire ou de président de conseil de territoire. C’est très clair : ce que vous appelez le « millefeuille territorial », loin de s’être affiné, s’est au contraire épaissi. L’interdiction des financements croisés est une gageure tant il est vrai que le besoin de projets structurels en matière de santé, d’université, de voies de communication ne peut être supporté par une seule collectivité – et ce d’autant que le Gouvernement tourne le dos à l’investissement public et que le plan Juncker, présenté comme l’arme absolue du développement en Europe, ressemble à une aiguille dans une botte de foin tant les besoins sont immenses.
Dans le même temps, si l’on peut se réjouir des efforts menés dans les domaines de la justice, de la sécurité et en faveur de l’éducation nationale – beaucoup a été fait, même si tout n’a évidemment pas abouti – force est de constater que le service public national connaît partout des difficultés.
Chaque jour des bureaux de poste ferment, la SNCF délaisse les lignes régionales et supprime des gares ; dans les caisses d’allocations familiales, dans les caisses primaires d’assurance maladie, dans les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail – les CARSAT – ou encore à Pôle Emploi, et même dans les sous-préfectures, les horaires d’ouverture se réduisent, les dossiers d’usagers ou d’allocataires sont traités dans des délais jamais atteints jusqu’à présent et le service public se déshumanise face à des citoyens désemparés qui n’ont souvent d’autres recours qu’un serveur vocal pour faire face à des problèmes grandissants.
Enfin, comme le répétait mon collègue et camarade Nicolas Sansu lors de la première lecture, nous assistons à une fracture démocratique qui abîme la République, crée des divisions, suscite des appels à la haine, ainsi qu’à la manifestation d’une volonté inégalée d’exclure et d’interdire qui, si elles ne sont pas le fait de votre Gouvernement, sont aussi les conséquences de l’échec de politiques publiques.
Quand je vois les nouveaux champions de l’actuelle opposition, qui aspirent à être la majorité de demain, proposer encore plus de réduction de la dépense publique, moins de services publics, moins de protection sociale, moins de fonctionnaires aussi d’ailleurs, tout en exonérant toujours plus d’impôt les grandes entreprises et les hauts revenus d’activité et du patrimoine, je me dis que la boîte de Pandore aujourd’hui ouverte risque de générer une catastrophe économique et sociale inégalée.
Alors, me direz-vous, il ne s’agit là que de la loi de finances rectificative – qui d’ailleurs porte plutôt mal son nom puisqu’au final, elle ne rectifie pas grand-chose. Certes. Mais force est de constater que nous restons invariablement dans la même politique budgétaire que celle mise en place depuis le début du quinquennat, cette même politique budgétaire désormais sous tutelle de l’Union européenne depuis l’adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – TSCG – en juillet 2012.
Ce PLFR contient des mesures sur la fraude et l’optimisation fiscale, mais en ce domaine, ce ne sont pas des mesures à la marge qui rétabliront la justice fiscale et sociale attendue par les Français et qui seront à la hauteur de la fraude généralisée qui prive les nations européennes de 1 000 milliards d’euros, et nos finances publiques, en France, de 60 à 80 milliards. C’est une véritable guerre qu’il faut mener pour faire cesser ce scandale quotidien. Le milieu du football, par exemple, est actuellement à la une des journaux. Le scandale des Panama papers ne semble pas connaître de suites judiciaires. Quant aux multinationales, on ne voit que peu ou pas du tout les suites judiciaires données aux cas de fraude et d’évasion fiscale des riches actionnaires, des grandes sociétés et des géants du numérique.
Le combat reste entier. Pour le gagner, répétons-le : il faut, de toute urgence, supprimer le « verrou de Bercy ». Face à l’ampleur du phénomène et aux enjeux démocratiques, financiers et sociaux, la seule approche de la négociation transactionnelle nous paraît dépassée. La justice pénale doit pouvoir se saisir ; les Français ne comprennent pas qu’il n’en soit pas ainsi.
De la même manière, il faut interdire la présence des banques françaises dans les paradis fiscaux. Cette promesse de campagne du candidat Hollande n’a pas été tenue. Pourtant, cette question va au-delà de la morale : c’est le respect des principes fondamentaux de notre République qui, à nos yeux, est en jeu.
Enfin, je soutiens la proposition de nos collègues Alain et Éric Bocquet visant à organiser une grande COP fiscale réunissant l’ensemble des pays de la planète sur un pied d’égalité, à l’instar de ce qui a été fait en matière de changement climatique. C’est une exigence démocratique, tant des pans entiers de l’économie financiarisée échappent toujours à la souveraineté populaire.
C’est aussi pour cette raison que nous n’admettons pas le recul sur la contribution additionnelle sur les dividendes versés, que nous avions votée ensemble en 2012. Vous le savez mieux que moi, les entreprises françaises sont en tête du palmarès européen en termes de dividendes versés et les records continuent de tomber, avec plus de 40 milliards de dollars pour le second trimestre 2016. Cela représente une hausse de 11 %, ce qui n’est pas acceptable alors que nos concitoyens souffrent, que 9 millions d’entre eux sont en situation de pauvreté monétaire et que le SMIC augmentera péniblement de 10 euros par mois au premier janvier 2017, soit 0,9 %.
Lors de cette lecture, nous avons fait une nouvelle fois des propositions visant à donner des signes concrets de l’amorce d’un virage, du coup de volant à gauche que nous ne cessons de réclamer. Nos amendements pour protéger, autant que faire se peut, les ressources de nos collectivités territoriales, pour interdire aux établissements de crédit français d’exercer dans les paradis fiscaux, pour instaurer un délit d’incitation à la fraude fiscale, pour supprimer le « verrou de Bercy », je le répète, ou encore pour faire primer le droit et la justice et donner de vrais moyens au parquet financier, et d’autres encore, n’ont pas été entendus. Il en est d’ailleurs de même de la proposition de réforme de la CVAE – un de mes collègues l’évoquait à l’instant – de Mme Pires Beaune, que nous partageons absolument, visant à accroître l’équité territoriale entre les activités de siège et les unités de production. Elle non plus ne semble pas recueillir suffisamment de soutien.
Nous nous félicitons, en revanche, que notre proposition de réduire le taux de TVA à 5,5 % pour les autotests de dépistage du VIH ait été adoptée en première lecture. Cela facilitera l’accès à ces tests de dépistage, qui sont actuellement vendus à un prix trop élevé en pharmacie alors qu’ils permettent d’être informé rapidement et discrètement de son état sérologique. Il s’agit d’une mesure concrète en faveur de la santé publique. Elle sera assortie d’un contrôle parlementaire renforcé, afin d’éviter les déconvenues et de s’assurer que cette baisse de TVA se traduira concrètement par une baisse de prix pour les usagers concernés.
En vérité, mes chers collègues, et pour conclure, ce que nous avons face à nous, c’est l’absence de la grande réforme fiscale annoncée en 2012, une réforme fiscale plus juste, plus égalitaire, plus efficace, qui aurait pu être le vrai marqueur de gauche du quinquennat. Nous n’y renonçons pas, et porterons toujours et partout l’exigence de justice fiscale, clé de la justice sociale.

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Gaby
Charroux

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