Permettez-moi une digression préliminaire. Certains d’entre nous étaient présents samedi pour examiner et voter le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Depuis lors, samedi soir et ce matin, comme des centaines de milliers de banlieusards, j’ai pris la ligne 13 du métro. Elle était archi-bondée, les quais étaient bondés, il fallait laisser passer trois ou quatre trains avant de pouvoir monter dans une rame, et il y avait des pousseurs pour entasser les gens dans les wagons. Très franchement, comment voulez-vous que les Français comprennent quoi que ce soit à vos décisions ? (M. Patrick Hetzel applaudit.) On ne peut pas se réunir à plus de six pour dîner chez des amis ; en revanche, pour aller travailler, on peut s’entasser dans des conditions absolument inqualifiables dans le métro. Il ne faut pas s’étonner ensuite qu’une immense majorité de Français ne fassent pas confiance au Gouvernement pour lutter efficacement contre le covid-19. Ce matin, j’ai jugé absolument insupportable la distorsion entre les débats de samedi et la réalité vécue par des centaines de milliers de banlieusards.
Ce n’est pas une surprise : nous déplorons ce projet de budget, conçu dans la droite ligne du projet de loi de programmation de la recherche, que vous avez voté il y a un mois, malgré l’opposition d’une large partie de la communauté scientifique. En effet, avec un calendrier de programmation qui reporte la majorité des financements à partir de 2027, soit dans deux législatures, et avec des moyens concentrés sur les crédits soumis à une mise en concurrence plutôt que sur les dotations de base, vous ne résoudrez en rien la crise que traverse la recherche française. Cette logique persiste dans le budget proposé pour 2021.
L’essentiel des efforts porte sur l’Agence nationale de la recherche, dans le cadre du plan de relance, tandis que vous diminuez les crédits de la recherche et de l’enseignement supérieur de 176 millions d’euros. Ce faisant, vous allez à l’encontre des recommandations du CESE et d’une large partie du CNESER, qui demandent un investissement massif dans la recherche et un plan de titularisation dans tous les métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous poursuivez donc une stratégie de mise en concurrence des chercheurs et d’accroissement d’une précarité généralisée de la communauté scientifique.
Pour ce qui concerne les choix stratégiques concernant les domaines de recherche, on constate un sous-financement persistant de la transition écologique et du développement durable, et une faible hausse des moyens consacrés à la recherche en santé, alors que l’on traverse une crise sanitaire sans précédent. À l’évidence, vos choix politiques placent la recherche au service d’un économisme étroit et à courte vue, au détriment de notre capacité à répondre aux enjeux clés pour notre avenir.
Dans le domaine de la formation universitaire, les crédits augmentent à peine. Pourtant, nous avons rencontré dans nos circonscriptions, cette année encore, de nombreux jeunes sans affectation en formation initiale ou à l’université, ou privés de master alors qu’ils ont obtenu leur licence en juin. Le budget consacré à la formation en master n’augmente même pas de 1 % ; le volet immobilier pour les établissements de formation universitaire est même en baisse. En revanche, les crédits dédiés aux établissements privés augmentent encore de 10 % cette année. Certes, 5 400 places ont été créées depuis la rentrée, dans le cadre du plan de relance, le plus souvent dans les formations paramédicales ; c’est une bonne chose, mais on reste encore loin du compte.
La sélection à l’entrée à l’entrée à l’université et en master, qui n’a cessé de se durcir ces dernières années et qui s’est accrue depuis l’entrée en vigueur de Parcoursup, constitue un choix désespérant pour notre jeunesse. On prive ainsi des jeunes du droit de se former et on les décourage. Lorsqu’on croise un étudiant qui, après trois ans d’études, en est réduit à travailler un an chez McDo, en attendant de retenter sa chance en master l’année suivante, il est difficile de trouver des arguments pour lui redonner confiance en lui et en l’avenir.
Après six mois de confinement, croyez-moi, les jeunes avaient tous la même hâte de reprendre le chemin des cours, de retourner travailler, étudier et préparer leur avenir. Il ne s’agit pas simplement de dire qu’il est difficile d’avoir 20 ans puis d’en rester là. Où est l’élan pour encourager les étudiants, pour les soutenir dans cette étape si importante de leur vie ? L’abaissement à 1 euro du prix du ticket de restau U pour les boursiers ou la revalorisation des bourses de 6 euros par mois, ce qui ne correspond même pas au prix d’un paquet de masques, sont des mesures ridiculement faibles au regard des milliards du plan de relance.
Ce projet de budget est donc à nos yeux sans ambition pour la recherche et la formation universitaire. Nous proposerons des amendements inspirés des recommandations du CESE pour la recherche, et visant à améliorer réellement les conditions d’études et de vie des étudiants. S’ils ne sont pas adoptés, nous nous opposerons bien évidemment à ce projet de budget.