Le drame vécu par notre nation avec l’assassinat de Samuel Paty il y a quelques jours nous a plongés dans l’effroi et continue d’ébranler le contenu de nos débats. Ce qui ressort de ces discussions, c’est un besoin immense, pour les enseignants et toute la communauté éducative, d’être écoutés, de voir leurs expériences entendues et d’être reconnus dans la maîtrise de leur métier. Je citais en commission des affaires culturelles et de l’éducation l’appel lancé en ce sens par une enseignante d’un collège de ma circonscription, mais je peux vous assurer qu’ils sont nombreux à vouloir s’exprimer dans des espaces où ce qu’ils ont à dire sera réellement pris en considération.
Les enseignantes et les enseignants ne veulent pas de leçons de morale ou de énièmes injonctions : ils veulent être réellement protégés. Ce sont eux et elles qui sont face aux élèves quotidiennement, qui réfléchissent chaque jour à la meilleure manière de transmettre un enseignement, qui connaissent les profils et les personnalités de leurs élèves. Le sentiment d’être déconsidéré est très fort parmi les enseignants français : ces derniers sont à peine 5 % à penser que leur profession est réellement valorisée par la société – un taux extrêmement bas en Europe.
Il est temps de prendre des engagements très forts à leur endroit. Le Grenelle des professeurs qui s’ouvre ne présentera un intérêt, me semble-t-il, que s’il est précédé d’engagements forts sur la revalorisation tant attendue des salaires. J’évoquais en commission les promesses trahies ; je les attribuais à toutes celles et tous ceux qui, ces dernières années, ont annoncé une revalorisation qui n’est jamais venue et qui ne pourra pas se limiter à des primes ou à des heures supplémentaires.
Globalement, ce budget affiche une grande stabilité. Certains efforts sont fournis, mais quand on voit les milliards s’envoler sans contrepartie au profit des grandes entreprises, et au vu des immenses besoins qui se font ressentir dans l’éducation, on se dit qu’ils ne sont sûrement pas répartis à bon escient : le vrai investissement d’avenir, c’est l’enseignement scolaire, d’autant qu’après six mois sans école, les besoins humains sont plus forts que jamais.
Dans la période actuelle, les équipes ont besoin de temps et d’être disponibles pour leurs élèves. Cela passe par la libération des multiples tâches administratives qui pèsent notamment sur les directions. Les enseignants ont également besoin de temps pour travailler en équipe : c’est nécessaire pour enseigner le débat, le raisonnement rationnel et la discussion sur les questions difficiles que pose notre époque. Cette année, cela suppose également un allégement des programmes, qui redonnerait aux enseignants la possibilité d’adapter leurs enseignements à la situation de leurs classes et de leurs élèves. Une telle adaptation des programmes ne refléterait pas une exigence moindre, mais bien une ambition d’égalité.
Ce budget prolonge, encore une fois, une logique d’affaiblissement des moyens dans l’enseignement secondaire. Or, si je suis persuadée qu’il faut renforcer l’école primaire – c’est un besoin –, il ne faut pas le faire en supprimant à nouveau 1 800 postes dans le secondaire, au prix de classes surchargées au collège et au lycée. Le fait que la France affiche un bon taux d’encadrement par rapport à la moyenne européenne est plutôt une bonne nouvelle : préservons cette situation et améliorons le taux d’encadrement dans l’enseignement primaire, qui n’est pas bon. Tous les enseignants le répètent : dans une classe de vingt enfants, on peut recueillir le retour des élèves sur leur apprentissage et les suivre plus individuellement. Au-delà de vingt élèves, c’est compliqué – à trente, c’est mission impossible. Par ailleurs, vous prétendez compenser les suppressions de postes par un renforcement des heures supplémentaires, mais nous savons que cette solution ne fonctionne pas et que les heures ouvertes sont largement sous-utilisées, car les enseignants consacrent déjà tout leur temps à leur travail.
Avant de conclure, je veux revenir sur une question qui me préoccupe : celle des conditions d’enseignement en prison. Je vous ai interpellé sur ce point à plusieurs reprises, monsieur le ministre. Nous avons de nombreux désaccords, mais il me semble que, dans la période actuelle, le fait de bien former et de bien rémunérer les enseignants en prison constitue un enjeu réel, sur lequel nous pouvons nous rejoindre.
Au vu de l’absence de réponse ambitieuse aux nombreuses attentes de la communauté éducative et aux besoins des élèves, et pour les raisons évoquées précédemment, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera contre les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2021.