M. le président. J’ai reçu de M. Roland Muzeau et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Mme Marie-Hélène Amiable. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, en venant défendre devant vous, au nom de mon groupe, cette motion destinée à renvoyer en commission la proposition de loi relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres, je formule le vœu que la majorité se range à cette décision de bon sens, comme elle a déjà su le faire, une première fois, en rejetant le rapport issu des travaux de la mission d’information Grosperrin.
Et je ne crois pour cela pas manquer d’arguments. Certains de ces arguments tiennent au rapport lui-même. En dehors de la partie consacrée aux travaux de la commission, ce rapport consiste en seulement vingt-deux pages signées de Jacques Grosperrin, notre collègue de la majorité, par ailleurs auteur de la proposition de loi qui nous occupe aujourd’hui.
Vingt-deux pages desquelles il conviendrait de retrancher trois pages blanches, une page de garde, deux pages de sommaire, deux pages quasiment identiques traitant des modifications apportées par la commission, deux pages reprises d’un précédent rapport d’information…
M. Jean Gaubert. Encore moins bien que Mme Tiberi !
Mme Marie-Hélène Amiable. Bref, je vous invite, mes chers collègues, à faire le compte et à constater avec moi que nous sommes aujourd’hui en présence d’un rapport de douze malheureuses pages… douze pages pour un sujet qui concerne un peu plus de douze millions d’élèves, soit un million d’élèves par page : il fallait oser !
S’agissant de son contenu, sur lequel je reviendrai plus longuement dans la suite de mon propos, j’ose dire qu’un de ses paragraphes devrait, à lui seul, nous conduire, comme le prévoit l’article 91 de notre règlement, à « suspendre le débat jusqu’à la présentation par la commission d’un nouveau rapport ».
Je le cite mais vous retrouverez ce paragraphe de vous-même en bas de la page 7 : « Il est vrai que les changements de titulaire du portefeuille de l’éducation nationale, même s’il n’y en a eu qu’un pendant la période considérée, ne facilitent pas des prises de décision cohérentes et suivies : ce simple constat devrait plaider en faveur d’un ou d’une ministre de l’éducation nationale de “mandature”. » Et je me permets de répéter cette dernière phrase pour ceux qui auraient été inattentifs : « ce simple constat devrait plaider en faveur d’un ou d’une ministre de l’éducation nationale de “mandature” ».
Mes chers collègues, si vous acceptez de débattre d’une proposition de loi sur la base d’un rapport de douze pages, acceptez-vous vraiment, en conscience, que ce dernier remette en cause, au détour d’un paragraphe, notre bloc de constitutionnalité, à commencer par le principe de « séparation des pouvoirs » garanti par l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?
Acceptez-vous qu’il revienne, au détour de ce paragraphe, sur l’article 8 de notre constitution, qui prévoit que le Président de la République nomme, « sur proposition du Premier ministre […] les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions » ?
Acceptez-vous que ce rapport s’asseye allègrement sur l’article 20 de notre loi fondamentale, qui fixe que le Gouvernement « est responsable devant le Parlement », ou sur son article 50, qui prévoit que l’adoption d’une motion de censure par l’Assemblée nationale entraîne « la démission du Gouvernement » ?
Je n’insiste pas sur la proposition, contenue en page 16 du rapport, de mise en place d’ « un grand ministère de l’intelligence », même si je crois qu’il y aurait vraiment matière, en ce moment, à la commenter…
S’il fallait encore vous convaincre de la nécessité de renvoyer en commission cette proposition de loi relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres, je peux alors évoquer les conditions de son arrivée devant notre assemblée et de sa discussion le 1er février dernier en commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 10 janvier 2012 par un seul membre du groupe UMP, cette proposition de loi, étonnamment, a presque aussitôt été inscrite à l’ordre du jour de nos travaux. Elle a été discutée en commission une vingtaine de jours après son dépôt, en une heure et dix minutes, alors que vous n’aviez, monsieur le rapporteur, procédé qu’à deux auditions et organisé une malheureuse table ronde, en omettant d’entendre le premier syndicat de l’enseignement supérieur. Cette façon de travailler n’est pas sérieuse et participe, je vous le dis solennellement, d’un affaiblissement du Parlement que nous déplorons.
Le SNESUP attend d’ailleurs toujours une réponse à la lettre qu’il vous a adressée pour vous faire part de sa consternation d’avoir été exclu de ces auditions. Mais il faut croire que vous vous faites une spécialité d’essayer de vous soustraire à ses critiques, après avoir déjà commis un premier oubli au printemps 2011, lors de la constitution de la mission d’information sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants.
« Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l’une ni l’autre », mettait en garde en son temps le philosophe et chef d’État Thomas Jefferson.
Dans un courrier adressé à l’ensemble des députés, la Fédération syndicale unitaire, premier syndicat de la fonction publique, a ainsi dénoncé « une méthode qui tourne le dos au dialogue social », un texte fait « en urgence, juste avant les échéances présidentielles, sans aucune concertation ».
Manque de concertation et précipitation – pour preuve, cette proposition de loi n’est soutenue à ce jour que par une trentaine de députés de la majorité, là où l’on peut voir habituellement le groupe UMP se positionner en bloc –, voilà deux bonnes raisons de renvoyer ce texte en commission !
Mais la majorité osera-t-elle ? Car il est maintenant établi que cette proposition de loi correspond en réalité à une commande ministérielle. Dès l’origine, sa discussion a été inscrite à l’ordre du jour d’une semaine normalement réservée à l’initiative gouvernementale. L’illusion est complètement tombée, le 3 février dernier, lorsque le Gouvernement a annoncé sa décision d’engager la procédure accélérée. Le message a sans doute été clairement passé auprès de la majorité : il faut sauver coûte que coûte la réforme de la mastérisation, et cela sera vite et bien fait grâce au dépôt de cette proposition de loi de notre collègue Grosperrin. Et, en effet, quoi de plus naturel que d’être la plume du ministre de l’éducation nationale, lorsque l’on est soi-même secrétaire national de l’UMP en charge des politiques éducatives ?
La procédure employée est indigne, et mon groupe ne se lassera jamais de s’élever contre elle, car elle permet au Gouvernement d’éviter toutes les formalités inhérentes au dépôt d’un projet de loi : exit la délibération en conseil des ministres, l’avis du Conseil d’État, la réalisation d’une étude d’impact… Mais il est vrai qu’il s’agit d’autant de risques de mauvaise publicité, apparemment peu prisée lorsque l’on souhaite faire adopter un texte en fin de législature et à deux mois et demi de l’élection présidentielle !
Et si le procédé est pratique pour qui ne souhaite pas apparaître en première ligne, pour un parti et un gouvernement qui prétendent être du côté du courage, on repassera ! Au moment même où nos concitoyens sont amenés à juger votre bilan, vous devriez peut-être méditer un peu vos classiques et notamment les pensées d’un certain Napoléon Bonaparte, qui estimait que « le courage ne se contrefait pas, c’est une vertu qui échappe à l’hypocrisie ».
Nous dénonçons par ailleurs l’engagement de la procédure accélérée qui vise à débattre de ce texte à marche forcée seulement quatre semaines après son dépôt au lieu des six semaines normalement requises, pour éventuellement l’adopter après une seule lecture dans chaque chambre.
Autant dire qu’il semble bien loin, le temps où Bernard Accoyer déclarait devant la presse, en février 2010 : « J’ai solennellement fait savoir au Gouvernement, avec le soutien unanime de la Conférence des présidents, que nous ne pouvions pas continuera travailler ainsi pour la qualité de la loi, pour la qualité du débat démocratique et pour le respect des institutions. »
Précipitation et hypocrisie, tels sont peut-être les deux maîtres mots qui auront entouré toute cette réforme de la mastérisation. Après son annonce surprise par le Président de la République, le 2 juin 2008, l’imposture a consisté à prétendre qu’il s’agissait d’élever le niveau de formation requis pour accéder aux concours d’enseignant, alors qu’il était avant tout question de supprimer les postes liés aux emplois de stagiaires !
C’est la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’État, qui vous a ramenés à la réalité, en décidant, le 28 novembre 2011, sur requête du SNES, du SNESUP, de « Sauvons l’Université », de SUD Éducation, de la FCPE et du SGEN-CFDT, d’annuler en partie l’arrêté du 12 mai 2010 fixant les compétences à acquérir par les enseignants et CPE stagiaires, et d’annuler d’autre part les modalités d’évaluation et de titularisation des professeurs agrégés, telles qu’elles apparaissaient dans un second arrêté de la même date.
De quoi s’agit-il en fait ? Les décisions du Conseil d’État ont pour conséquence de remettre en vigueur les dispositions antérieures, c’est-à-dire contenues dans un arrêté du 19 décembre 2006, qui prévoyait qu’un tiers de temps de service au maximum se fasse en classe pour deux tiers de formation en IUFM.
Par ces décisions, le Conseil d’État enjoignait aussi le Gouvernement d’entamer la concertation nécessaire pour régler le problème, en consultant notamment le Conseil supérieur de l’éducation et le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mais aujourd’hui, vous avez déposé cette proposition de loi pour contourner cette décision du Conseil d’État et directement modifier le code de l’éducation, autrement dit légaliser une mesure reconnue comme illégale et pérenniser les effets les plus catastrophiques de la formation des enseignants ! Je pense par exemple aux situations de « grande souffrance » dont 165 témoignages ont notamment été consignés dans un Livre noir remis à la mission d’information par le collectif Stagiaire Impossible.
Ce procédé est un pur scandale, d’autant que l’ensemble de la communauté éducative attendait un autre texte fondamental à la suite du chaos qui a suivi la mastérisation.
Je veux citer à nouveau la FSU pour qui « cette proposition est dans la ligne des attaques contre l’école et la formation des enseignants menées jusqu’ici par le Gouvernement. Celui-ci poursuit ainsi son objectif de suppression des IUFM, objectif qu’il n’a pu atteindre suite au fort mouvement de contestation de sa réforme ».
Vous aviez pourtant admis que cette dernière n’était pas bonne, comme en témoigne le bilan contenu dans le rapport issu des travaux de la mission sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants : traduction budgétaire délicate, mise en place d’une offre de formation insatisfaisante, accès diminué des étudiants d’origine modeste au master, déconnection du diplôme et du concours, désorganisation de l’année de stage des professeurs recrutés et affaiblissement du vivier des candidats, démissions en augmentation dans le second degré…
Cette réforme n’est pas bonne, comme en témoigne le rapport annuel que le premier président de la Cour des comptes a présenté aujourd’hui devant notre assemblée. Je me permets de citer ici le Monde de demain, qui consacre, en première page, son éditorial à « L’échec cinglant de la formation des enseignants ». « De la réforme de la mastérisation, qui fait passer le recrutement des enseignants de bac +3 à bac +5, peut-on lire, la Cour des comptes propose de ne rien garder. Ni la date du concours, ni le mode d’affectation des enseignants, ni leur pseudo-formation ».
En réalité, votre rapport fut seulement pour vous l’occasion d’avancer un catalogue de mesures d’inspiration encore plus libérale. Il suggérait par exemple la suppression du concours externe de l’agrégation et le remplacement d’ici dix à quinze ans du concours de recrutement des enseignants par le master, rejoignant en cela le projet de l’UMP pour 2012 qui prévoit, par exemple, de renforcer « l’autonomie » des établissements scolaires avec la possibilité pour le principal et le proviseur, « mais aussi, à terme, le directeur d’école », de « recruter librement » son équipe enseignante et d’administration.
Le rapport Grosperrin n’a pas apporté de solutions pertinentes, pas plus que n’en apporte cette proposition de loi. Mais tout laisse à penser que le propre de l’ensemble des lois adoptées par la majorité au cours de cette législature est peut-être de ne pas affronter les problèmes qui se posent à l’école aujourd’hui, mais de profiter de la crise dans laquelle elle se trouve pour s’attaquer au service public de l’éducation, remettre en cause les droits des salariés ou stigmatiser les familles qui rencontrent des difficultés.
La loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire servit ainsi de prétexte pour tenter de limiter le droit de grève. Celle tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées visait à renforcer le principe chéri par la droite d’un « chèque éducation » ; celle tendant à lutter contre l’absentéisme scolaire, à faciliter la suspension des allocations familiales. Les lois relatives aux libertés et responsabilités des universités et aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur furent un premier pas vers la privatisation de l’enseignement supérieur. Je me félicite toutefois d’avoir participé à la mise en échec, en quelque sorte, de la loi sur l’instauration du vote électronique à l’université, qui visait en réalité à remettre en cause les modalités démocratiques actuelles de représentation des étudiants...
Le temps qui m’est imparti ne me permet pas de revenir sur le reste des mesures prises par la majorité au cours cette législature, mais je vous invite à consulter l’excellente proposition de résolution que les députés communistes et du parti de gauche ont déposée le 3 novembre dernier pour que soit créée une commission d’enquête relative aux conséquences des décisions prises depuis 2007 sur l’état de l’école, l’aggravation des inégalités scolaires et la remise en cause du droit à l’éducation.
Je ne résiste pas cependant au plaisir de citer Philippe Meirieu pour redonner un peu de force au combat de l’opposition dans ce paysage de ruines : « Face à tous ceux et toutes celles qui sont revenus de tout sans jamais y être allés, […] il faut redire qu’en matière éducative, si beaucoup a été fait, il reste encore beaucoup à faire. Nous devons résister, plus que jamais, à l’opinion trop répandue selon laquelle il conviendrait de revenir à des logiques sélectives. En réalité, la démocratisation de l’école reste un chantier à venir. Un immense chantier qui devrait mobiliser [...]. Il faut, dès aujourd’hui et pour demain, opérer des renversements indispensables ».
Pour revenir à notre proposition de loi, c’est probablement la menace, formulée début janvier par les organisations syndicales, d’aider les stagiaires dans leurs recours contre le ministère qui a motivé sa rédaction en toute hâte.
Rien pourtant dans ce texte ne se justifie et nous y reviendrons s’il le faut au cours de la discussion générale ou de l’examen des articles et des amendements.
Je veux maintenant vous démontrer que précipitation et hypocrisie ont encore guidé nos discussions en commission et méritent que ce texte y soit renvoyé – j’ai envie de dire : y soit « enterré ».
Précipitation, puisque le rapporteur a été amené à modifier son propre texte en déposant des amendements. Subitement, il nous a annoncé qu’il regrettait d’avoir proposé de supprimer les références faites au cahier des charges de formation, garant d’un cadre national de formation !
Le caractère interministériel du dossier a toutefois été utilement rappelé car, récemment, même le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ne semblait pas s’y retrouver.
Le 18 octobre dernier, il me répondait en effet, en marge de son audition par la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur les crédits pour 2012 de la mission Recherche et enseignement supérieur : « S’agissant de la formation des maîtres, il ne me revient pas d’arrêter les programmes ni le contenu de celle-ci, qui relèvent du ministère de l’éducation nationale », ce qui finalement apparaît en parfaite contradiction avec l’article L.625-1 du code de l’éducation !
Selon le rapport, « personne n’ignore que de mauvaises relations entre les ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ont pu avoir leur part de responsabilité dans les défauts de conception de la réforme de la mastérisation ». Que peuvent bien nous faire ces états d’âme ? La France attend depuis quatre ans une école et une formation des maîtres entièrement rénovées !
L’hypocrisie est aussi ce qui a caractérisé les réponses apportées par le rapporteur aux questions de fond que nous lui avons posées en commission.
Vous avez prétendu que ce texte correspondait à un simple ajustement « technique ». Le rapport indique même que « la présente proposition de loi a une portée uniquement technique ». C’est faux puisque vous allez bien au delà des modifications que vous estimez nécessaires suite aux décisions du Conseil d’État.
Il n’est ainsi absolument pas nécessaire de liquider les instituts universitaires de formation des maîtres comme vous essayez de le faire en remplaçant à l’article L.625-1 du code de l’éducation les termes « la formation des maîtres est assurée par les IUFM » par : « elle est assurée notamment par les universités », et, après passage en commission, par : « les établissements d’enseignement supérieur », ce qui est encore plus vague ! Vous jurez pourtant vos grands dieux dans le rapport que la présente proposition de loi « tend à conforter [le] rôle de cheville ouvrière » des IUFM, qu’ils jouent d’ores et déjà dans le dispositif mis en place en 2010. Qui peut vous croire ?
Nous sommes en effet nombreux à penser que les IUFM et leur potentiel de formateurs constituent un patrimoine qu’il faut renforcer, une structure dont il faut au contraire mieux définir les contours et les missions dans l’université !
Avec la loi relative à l’autonomie – dont la Cour des comptes vient de juger la mise en œuvre difficile dans les sept universités parisiennes qu’elle a contrôlées –, cette modification représente un risque supplémentaire que l’État se désengage de ses responsabilités en matière de formation des enseignants. De telles dispositions pourraient en outre entraîner de fortes inégalités entre les territoires quant à l’offre de formation.
D’après le rapporteur, « on notera que c’est grâce à une initiative parlementaire que pourra être consacré, sur le plan législatif, le rôle des universités dans la formation des maîtres ». Cela, après ce que nous avons développé précédemment, pourrait ne pas laisser de nous amuser si le sujet n’était aussi grave : « l’initiative parlementaire » a bon dos et les IUFM sont déjà intégrés aux universités en application de la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école !
Cette proposition de loi ouvrirait de surcroît la voie à la privatisation de la formation des enseignants, ce que n’exige absolument pas le Conseil d’État. Il faut croire que cette volonté est inscrite dans le patrimoine génétique de la majorité depuis que Nicolas Sarkozy a déclaré le 20 décembre 2007 à Rome : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance »
Monsieur le rapporteur, vous avez clairement essayé de nous tromper lorsque vous avez affirmé en commission qu’il s’agissait « de préciser que les IUFM participent à la formation des personnels enseignants et non plus à leur seule formation continue », puisque selon l’actuel article L.721-1 ces instituts conduisent également des « actions de formation professionnelle initiale ».
Votre texte supprime donc les termes de formation « initiale » et « continue » des enseignants ainsi que la référence expresse à l’alternance. Comment peut-on envisager les évolutions nécessaires du système éducatif sans offrir une formation digne de ce nom aux personnels de l’éducation, s’est interrogée la FSU ?
« Qui ne continue pas à apprendre est indigne d’enseigner », jugeait de son côté le philosophe Gaston Bachelard.
Pour l’instant, ce texte n’est pas rétroactif, c’est à dire qu’il ne règle pas la situation des stagiaires des années 2010-2011 et 2011-2012, mais nous faisons confiance au Gouvernement pour présenter un amendement au moment de la lecture finale...
Ainsi, selon « Sauvons l’université », « le voile est désormais levé sur le projet de destruction de l’appareil de formation des enseignants, comme sur la volonté manifeste de la morceler et d’y introduire les acteurs privés ».
Afin d’éviter tout reproche sur nos propositions, je vous invite à consulter la contribution que nous avons apportée au rapport Grosperrin et toutes les pistes que nous avons avancées dans une perspective de réforme plus profonde. Autant de propositions qui seraient à la base d’un projet porteur d’égalité, d’émancipation et de progrès pour les jeunes de notre pays grâce à tous ceux et toutes celles qui les accompagnent au quotidien de la maternelle à l’université.
Nous sommes en effet convaincus que les pratiques éducatives ont un impact structurant sur le développement de ces jeunes et, partant, sur la construction voire la transformation de la société dans son ensemble.
Pour terminer…
M. Franck Gilard. Enfin ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) . Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement !
Mme Marie-Hélène Amiable. … je ne résiste pas à un ultime argument en vous lisant les propos qu’a tenus en commission notre collègue René Couanau, pas vraiment connu pour sa proximité avec la gauche de l’hémicycle : « Ce que ce texte ne dit pas est plus dangereux que ce qu’il dit. C’est un modèle de non-dit ! On veut cacher le fait qu’il aurait fallu maintenir les 16 000 postes d’enseignants stagiaires pour assurer la formation professionnelle. On les a supprimés et on se contorsionne pour trouver des compensations ! En outre, le Gouvernement voulait tuer les IUFM. Un bon IUFM est un IUFM mort, comme aurait dit le général Custer s’il avait été ministre de l’éducation nationale. Il bouge encore : il garde un petit rôle. Mais tout est fait pour préparer la disparition des anciennes écoles normales et la suppression de toute formation professionnelle des futurs enseignants. Ce n’est pas admissible ! C’est plus qu’une erreur, c’est une faute ».
Tout ce qui accompagne cette proposition de loi, sa démarche, les conditions de sa discussion, son contenu, constituent un coup de force inacceptable. Les députés communistes, républicains, du Parti de gauche et l’ensemble du groupe GDR vous demandent aujourd’hui de le renvoyer en commission. C’est tout le sens de cette motion qu’ils vous invitent à adopter.
Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur les bancs du groupe SRC.)
Discussions générales
MRC : modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres
Publié le 8 février 2012
Marie-Hélène
Amiable
Députée
des
Hauts-de-Seine (11ème circonscription)