La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous est présentée sous un slogan marketing aussi simpliste que mensonger : « Une personne, une voix ». Dans la réalité, ce principe n’est appliqué nulle part en France. La prime majoritaire crée mécaniquement une inégalité entre les voix exprimées pour la liste arrivée en tête et celles des autres. Cette réforme ne changera en rien cette distorsion démocratique.
Une fois ce slogan écarté, que reste-t-il pour justifier le démantèlement du système actuel ? Rien, sinon une volonté politique déconnectée des réalités locales. Le dispositif actuel est pourtant plébiscité par les élus de terrain, notamment par l’ensemble des maires d’arrondissement à Paris, à une exception près. Il permet aujourd’hui de rapprocher les Marseillais, les Lyonnais et les Parisiens de leurs représentants.
En effet, depuis plusieurs décennies, l’arrondissement s’est imposé comme un véritable cadre de démocratie de proximité. Il joue un rôle concret dans l’entretien de l’espace public, la police municipale, la vie citoyenne et associative. Grâce aux missions confiées aux conseils d’arrondissement, les habitants bénéficient d’une gestion locale incarnée par des élus démocratiquement désignés. Ce lien de proximité est au cœur de notre démocratie et est largement reconnu et salué par les élus des trois grandes villes concernées.
Le système électoral actuel crée un lien organique entre les conseils municipaux et les conseils d’arrondissement. Or, cette proposition vise à rompre ce lien, en séparant l’élection du Conseil de Paris de celle des conseils d’arrondissement. Cela rendrait possible l’élection d’un maire sans ancrage local, favorisant les parachutages et rompant le lien entre gouvernance et terrain. Les conseils d’arrondissement perdraient alors leur rôle et leur légitimité, se retrouvant réduits à des chambres d’enregistrement : de simples parlements fantômes.
Il est donc incompréhensible qu’en pleine crise démocratique, nous prenions le risque de détruire ce lien de proximité entre citoyens et élus. Notre démocratie a besoin de proximité, d’horizontalité, de reconnaissance des élus locaux. Imaginer que l’éloignement du pouvoir décisionnel serait bénéfique est un contresens démocratique.
L’égalité ne consiste pas à appliquer mécaniquement la même règle à des situations différentes. Paris, Lyon et Marseille font partie des quatre plus grandes villes de France. Leur taille, leur organisation, leurs enjeux spécifiques exigent un traitement différencié. Refuser cette réalité, c’est nier leur singularité. Et pourtant, la proposition de loi ne supprime pas tout à fait le régime dérogatoire : elle crée un nouveau régime, avec une prime majoritaire ad hoc de 25 %. On sort donc d’un régime d’exception… pour en créer un autre.
De plus, pour aller plus vite, les auteurs de cette réforme n’ont même pas pris la peine de consulter le Conseil d’État ou d’auditionner les élus concernés. Leur expertise aurait pourtant permis d’anticiper les nombreux effets de bord que cette réforme va entraîner.
Les débats à l’Assemblée nationale et au Sénat ont mis en évidence de nombreuses contraintes techniques. J’en évoquerait seulement trois. La première c’est la question du financement de campagne : la tenue simultanée de plusieurs scrutins impliquerait le dépôt de plusieurs comptes de campagne. Or, il serait quasiment impossible de distinguer les dépenses engagées pour la mairie centrale de celles engagées pour les mairies d’arrondissement. La seconde c’est le manque de lisibilité du scrutin à Lyon : cette réforme imposerait la tenue de trois élections en parallèle, créant une confusion préjudiciable à la lisibilité démocratique pour les électeurs. La troisième c’est la possibilité de siéger au Conseil de Paris sans être élu au conseil d’arrondissement, rompant totalement l’ancrage local des élus.
De nombreuses interrogations ont été soulevées par les parlementaires sur ces points, mais les auteurs de la proposition de loi n’ont jamais daigné y répondre. Leur seul leitmotiv semble être une revanche politique après leur échec électoral de 2020.
Le groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine ne peut que s’opposer à cette proposition de loi, aussi médiocre dans sa substance que dans ses intentions.
Pour conclure, oui, ce texte sera probablement adopté aujourd’hui. Mais il n’épargnera pas à la minorité présidentielle la débâcle qui l’attend l’an prochain. Et c’est tant mieux : aucune commune de France ne mérite d’être dirigée par un maire macroniste.
Discussions générales
Mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (Nvelle lecture)
Publié le 7 juillet 2025
Elsa
Faucillon
Députée
des
Hauts-de-Seine (1ère circonscription)