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Mode d’élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (motion de rejet préalable)

En ce mois de printemps, les textes prétendant démocratiser nos règles électorales se multiplient. Ceux-là mêmes qui ne respectent pas le résultat des urnes de juin dernier et multiplient les 49.3 se découvrent un goût nouveau pour la démocratie.
Nous ne pouvons pas parler de ce texte, qui réforme la loi PLM, sans rappeler sa généalogie. Cette proposition de loi est issue d’une initiative de quatre élus marcheurs parisiens, encore déconfits de leur défaite de 2020.
À leurs yeux, cette défaite ne serait pas due à leur incapacité de proposer un projet politique convaincant aux électeurs mais serait le résultat d’un mode de scrutin vicié. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SOC.)
La réalité est tout autre. La gauche, derrière Anne Hidalgo, était majoritaire en 2020 et sans le régime issu de la loi PLM, cette majorité aurait même été plus large.
Ce texte aurait pu rester dans les cartons, comme bien d’autres.
Or, il y a un an, juste avant d’entrer au gouvernement, Rachida Dati elle-même a évoqué un deal passé avec Emmanuel Macron, qui se serait engagé à la soutenir lors des élections municipales. Quelques jours plus tard, le président de la République annonçait en conférence de presse son intention de réviser la loi électorale PLM. La boucle était bouclée !
Ce pacte Macron-Dati et la volonté de revanche des auteurs de la proposition de loi sont la raison d’être de ce texte.
Jamais les élus locaux ou les habitants n’ont été réellement consultés ; vous n’avez même pas jugé pertinent de solliciter l’avis du Conseil d’État, alors que la présidente de l’Assemblée nationale, issue de vos rangs, estimait cette saisine nécessaire. L’analyse des conseillers d’État était indispensable pour apprécier les effets de bord provoqués par ce bouleversement, mais il s’agissait, là encore, d’un corps intermédiaire de trop pour vous ! Ce texte hors-sol, parisiano-centré, ne daigne pas s’intéresser aux conséquences des bouleversements qu’il engendre. Est-il sérieux de penser qu’à Lyon, dans les bureaux de vote, il y aura une urne pour le conseil municipal, une pour le conseil d’arrondissement et une troisième pour la métropole ? On se demande quelle mouche vous a piqués de chercher à embarquer les Marseillais et les Lyonnais dans ce règlement de comptes purement parisien ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.)
Votre obsession d’arriver à une adoption conforme rapidement s’explique par le calendrier électoral.
Même avec la procédure accélérée, ce texte ne sera pas adopté avant l’été. Il n’y aura donc que quelques semaines entre son entrée en vigueur et le début de la période de réserve, et seulement quelques mois avant le premier tour des municipales.
Pourtant, en 2019, un amendement du sénateur de La République en marche Alain Richard donnait une valeur législative à un principe républicain bien plus ancien selon lequel on ne change pas les règles d’une élection dans l’année qui précède le scrutin.
Le piétinement de ce principe et de cette loi aujourd’hui par ceux-là mêmes qui les ont soutenus hier obscurcit encore les véritables raisons de votre volonté de changer les règles du scrutin à Paris, Lyon et Marseille. Votre appel à la démocratie n’est que le voile d’ambitions à peine cachées.
Parmi les excuses avancées pour justifier cette réforme figure la nécessité de faire entrer Paris, Lyon et Marseille dans le régime de droit commun. Pourtant, avec ce texte, vous instaurez une prime majoritaire de 25 % dans ces trois villes quand elle est de 50 % ailleurs, de sorte que vous avalisez l’idée de spécificités propres pouvant y justifier une adaptation des règles électorales. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
En sus d’être incohérente, cette prime majoritaire ad hoc pose un problème constitutionnel évident. La dérogation apparaît contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, protégé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Il n’existe pas de spécificité justifiant la réduction de la prime majoritaire et, partant, cette atteinte à l’égalité.
Un autre souci constitutionnel se présente à vous. Selon le Conseil constitutionnel, une loi favorisant les manœuvres électorales constitue une atteinte à la sincérité du scrutin. La modification inopinée des règles électorales que vous opérez sans aucune justification sérieuse pourrait être appréciée ainsi. Ce texte risque donc d’être censuré –⁠ à tout le moins partiellement.
Ces dernières années, on connaît la tendance du bloc central à instrumentaliser le Conseil constitutionnel en faisant sciemment voter des textes inconstitutionnels.
Une fois n’est pas coutume, vous auriez pu éviter pareille pratique.
Alors qu’elle pose un problème évident et qu’elle suscite la fronde, la prime de 25 % n’a jamais été remise en question par les auteurs de la proposition de loi. Face à un tel entêtement, on serait bien tenté de croire que cette disposition est la condition sine qua non de l’élargissement à l’extrême droite de la majorité favorable à ce texte.
Enfin, les initiateurs de cette proposition de loi opportuniste n’ont cessé de marteler leur slogan marketing –⁠ il vient encore d’être répété – « une personne, une voix » pour nous vendre leur réforme.
Pourtant ce principe ne s’applique nulle part en France pour les élections municipales : la prime majoritaire créée une inégalité de fait entre les voix dirigées vers la liste en tête et les autres listes ; cette réforme n’y changera rien.
Accepter de débattre de cette proposition de loi serait accepter l’idée que nos règles électorales sont modifiables à tout moment selon l’intérêt politique du jour.
Aujourd’hui, cela vise les élections municipales ; qui nous dit que, demain, il ne s’agira pas des élections législatives ?
Avec cette motion de rejet, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine rejette une méthode visant à faire adopter un texte changeant radicalement les règles de vote deux mois au mieux avant le début de la période de réserve et huit mois avant le scrutin, en enjambant les élus locaux, les organes consultatifs ainsi que le peuple.
Le groupe GDR rejette aussi une vision : celle du camp présidentiel pour lequel le contenu des règles électorales ne s’apprécie qu’au vu des intérêts électoraux du moment.
Notre groupe rejette la substance de cette proposition de loi qui détruit un mode d’organisation ayant fait ses preuves dans les villes de Paris, Lyon et Marseille avec le risque de transformer les arrondissements en courroie de transmission de la mairie centrale.
Je ne peux prédire si cette motion de rejet sera adoptée aujourd’hui. En revanche, je sais que l’année prochaine, le ou la maire de Paris ne sera toujours pas un ou une macroniste. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.)

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Stéphane
Peu

Député de Seine-Saint-Denis (2ème circonscription)
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