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Mieux lutter contre la récidive

La proposition de loi que nous examinons ce matin s’inscrit selon le groupe GDR-NUPES dans la mouvance d’inflation carcérale, voire de populisme carcéral, que nous combattons à la fois en raison de son inefficacité et de sa dangerosité. Votre texte, madame la rapporteure, s’appuie sur des données tronquées concernant la récidive : non, celle-ci ne subit pas une folle augmentation, elle est même plutôt stable. La sanction carcérale est au cœur de votre proposition, qui prévoit le retour aux peines planchers, et ce dès l’article 1er, dans un texte qui pourtant appelle à mieux lutter contre la récidive.

Aucune étude, d’autres l’ont dit avant moi, n’a prouvé l’efficacité des peines planchers dans la lutte contre la récidive : au contraire, leur introduction en 2007 a été un échec en termes de dissuasion – bien que je voie que vous essayez de vous défaire de cette origine, je dois vous le rappeler. Les statistiques mêmes du ministère de la justice indiquent qu’en 2005, 2,6 % des condamnés pour crime et 6,6 % des condamnés pour délit étaient récidivistes, alors qu’ils étaient respectivement 5,6 % et 11 % trois ans après l’entrée en vigueur de la loi instituant les peines planchers. Nous pensons que notre arsenal législatif est assez riche pour lutter contre les réitérations de violence. Ainsi, le code pénal et le code de procédure pénal prévoient déjà l’aggravation des condamnations lorsqu’il est constaté un état de récidive légale.

Par ailleurs, cette proposition de loi s’oppose en tout point au mouvement de sortie du tout carcéral vers lequel nous devrions tendre. Prévoir une peine de prison systématique pose très clairement un problème au regard de la surpopulation et de la suroccupation des prisons françaises. Rappelons que, trois ans après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour l’indignité de ses prisons, le comité des ministres du Conseil de l’Europe a une nouvelle fois constaté l’insuffisance des mesures prises par les autorités françaises en demandant l’adoption rapide d’une stratégie globale et cohérente pour réduire la surpopulation carcérale. Voilà à quoi nous devrions plutôt nous atteler au Parlement. Je suis sûre que tous les collègues qui remplissent leur devoir en usant de leur droit de visite des lieux de privation de liberté l’ont constaté : en 2018, le taux d’occupation des prisons s’élevait à 120 % en moyenne et à 200 % en région parisienne.

Nous croyons profondément qu’il existe des moyens efficaces et respectueux des droits humains pour lutter contre la récidive, même si cela n’a rien d’évident ni de facile. C’est un défi, certes, mais nous devons le relever. Cela nécessite, en premier lieu, des moyens humains et financiers. Or la justice pénitentiaire, en particulier les Spip, subit des coupes budgétaires depuis de nombreuses années : en 2016, les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation n’étaient que 2 300 pour suivre 165 000 personnes en milieu ouvert, dont 11 000 personnes sous bracelet électronique. J’ajoute que l’article 3 de votre proposition de loi poursuit la logique de rationalisation des Spip en proposant des permanences au sein des tribunaux judiciaires, mais c’est méconnaître les interventions ainsi que les revendications de leur personnel.

Enfin, nous regrettons amèrement l’absence de mention des peines alternatives dans la lutte contre la récidive. Les études sont pourtant sans équivoque : l’emprisonnement contient intrinsèquement des conditions qui favorisent la récidive – je pense notamment à la désocialisation. La CEDH recommande, dans un rapport de 2006, d’étendre l’exécution de peines alternatives dans les cas de récidive, considérant que ceux-ci ne sont qu’un symptôme d’une mauvaise réinsertion et qu’il s’agit alors de mieux accompagner les personnes. Le code pénal prévoit d’ailleurs un éventail de peines alternatives à la prison qui peuvent intervenir avant la sentence du juge. Certes, la présente proposition de loi prévoit une systématisation des programmes de prise en charge de condamnés bénéficiant d’une libération sous contrainte, mais sans en préciser les contours. Nous pensons que la liberté conditionnelle, pour être efficace et permettre la réinsertion, doit être préparée individuellement, qu’elle doit s’adapter au profil du condamné et être différenciée.

Cette proposition de loi, madame la rapporteure, loin de s’attaquer aux origines de la récidive, multiplie et aggrave les peines sans leur donner un sens ni les inscrire dans une perspective de réinsertion. Tout cela fait suffisamment de bonnes raisons pour que le groupe GDR-NUPES vote contre un texte qui ne s’appuie que sur de mauvaises raisons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

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