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Mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile

Des fissures aux enjeux simplement esthétiques, qui réduisent la valeur d’une maison, ou à l’interdiction d’y habiter compte tenu de la menace pesant sur le bâti, en passant par les travaux pouvant durer plusieurs mois, auxquels il faut ajouter la fatigue morale de voir le travail d’une vie se détériorer ou d’endurer des batailles d’experts, les dégâts liés au retrait-gonflement des sols argileux ont déjà de lourdes conséquences pour de nombreux concitoyens.

À en croire la littérature scientifique sur le sujet, l’ampleur de cette réalité néfaste devrait sensiblement croître ces prochaines années, affectant notamment la France pavillonnaire, 4 millions de maisons individuelles étant concernées par un aléa de retrait-gonflement des argiles fort ou moyen, à cause de la multiplication des phénomènes climatiques extraordinaires, qui deviennent, hélas, de plus en plus ordinaires. Dans mon département de l’Allier, par exemple, les épisodes de sécheresse sévère se succèdent depuis 2018 et plusieurs communes ont été touchées par des mouvements de sols d’autant plus dommageables pour le bâti qu’ils se répétaient dans le temps.

Comme le rappelle l’exposé des motifs de cette proposition de loi, l’année 2022 a été celle de tous les records et il n’est pas impossible que les records actuels ne constituent qu’une simple étape. Le dérèglement climatique et ses effets néfastes sont déjà à l’œuvre. Plus que jamais et en complément des efforts nécessaires pour le combattre, il est essentiel de nous adapter à ses conséquences. Le phénomène de retrait-gonflement des argiles donne un exemple structurant de cette nécessaire adaptation. La multiplication de fortes sécheresses et de périodes de pluviométrie accrue conduit à de fortes variations du volume des sols de type argileux, qui entraîne des dégâts importants sur le bâti.

Or ces phénomènes sont peu et mal indemnisés, à cause d’une procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle inadaptée. À ce titre, je salue le travail de notre collègue Sandrine Rousseau, effectué avec Sandra Marsaud, ainsi que l’initiative d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour. Celle-ci s’avère en effet particulièrement ambitieuse : son adoption résoudrait nombre de difficultés rencontrées par nos concitoyens.

En prévoyant à l’article 2 une présomption de causalité dès lors qu’un arrêté catastrophe naturelle a été pris, elle permettrait d’inverser la charge de la preuve et, ainsi, de rétablir l’équilibre du rapport de force entre assureur et assuré, alors qu’il est actuellement largement défavorable à ce dernier. Un tel dispositif fait consensus parmi les associations de sinistrés, qui rapportent la fatigue morale et les problèmes financiers induits par des batailles d’experts qui durent parfois plusieurs années. En outre, d’autres dispositions, comme l’obligation de relever sur le terrain l’humidité des sols, et surtout, le fait de considérer qu’une aggravation de fissure constitue un nouveau dégât sont autant de progrès qui nous poussent à voter le texte.

Je ne saurais néanmoins aborder la question du retrait-gonflement des argiles, sur laquelle porte la proposition de loi, sans aborder une ordonnance récente, prise par le Gouvernement à ce sujet. Celle-ci vise enfin à modifier le rapport de force entre assureurs et assurés, actuellement défavorable aux seconds, mais de manière trop timide pour l’inverser réellement. De façon problématique, l’ordonnance limite par ailleurs l’indemnisation des sinistrés aux seuls dégâts ayant un impact sur la solidité du bâti. Cette disposition sans équivalent, puisqu’elle n’existe pas pour les autres risques, est perfide, car un impact, même purement superficiel, n’est pas sans conséquences sur le plan financier, et contre-productive puisqu’elle crée une nouvelle source de litige entre l’assureur et l’assuré.

Nos amendements tendant à supprimer cette disposition ayant été jugés irrecevables, nous voterons les amendements de suppression de l’ordonnance en espérant qu’ils seront adoptés. En tout état de cause, nous renouvelons nos remerciements aux initiateurs de ce texte que notre groupe votera sans réserve, afin d’envoyer un message fort aux millions de nos citoyens qui sont concernés et qui nous regardent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

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Yannick
Monnet

Député de l' Allier (1ère circonscription)

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