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Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat

L’inflation flirte avec les 6 %, un niveau que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître. Elle s’enkyste dans la vie des Français. La valse des étiquettes sur les produits de première nécessité frappe surtout les classes populaires et les classes moyennes, celles et ceux pour lesquels les dépenses contraintes – logement, transport, énergie, téléphonie, assurance –ont doublé ces dernières décennies.

À l’heure des frigos vides, des cuves à fioul qu’on n’arrive plus à remplir, à l’heure des pleins qui n’en sont plus pour tous ceux et toutes celles qui n’ont pas d’autre choix que de prendre leur voiture au quotidien, à l’heure des loyers difficiles à payer et du renoncement aux vacances pour beaucoup, à l’heure des choix drastiques entre l’assiette, le réservoir et la sortie en famille, ce projet de loi devait être l’occasion de répondre de manière vigoureuse aux besoins de la France modeste, celle qui se lève tôt et prend la hausse des prix comme un uppercut.

Je me souviens, il y a cinq ans, d’une majorité empressée de faire adopter des mesures fiscales – en particulier la suppression de l’ISF – en faveur d’une France qui allait bien, d’une France des « grands mangeurs » qui n’en demandait pas tant. Je rappelle qu’il s’agissait alors de l’urgence de M. Macron et de sa majorité pléthorique pour souligner que, cinq ans plus tard, avec des mesures que vous refusez dans ce texte, nous parlons d’une France dans les difficultés qui doit faire chaque jour des arbitrages douloureux. Nous verrons, à l’issue de ce débat, selon le sort réservé à nos amendements, où chacun place sa responsabilité politique face au mur implacable de l’inflation. Nous verrons qui veut vraiment agir, quand il n’est plus question de faire du bien à ceux qui vont bien, mais de protéger les Français de l’uppercut de l’inflation.

Face aux prix qui font mal aux vies, vous présentez des mesures en trompe-l’œil sur les pensions de retraite et sur le point d’indice des fonctionnaires, gelé depuis de trop nombreuses années. Vous accédez enfin, après cinq ans de refus, à la mesure de justice élémentaire qu’est la déconjugalisation de l’AAH, mesure dont nous demandons que l’application ne soit pas remise à plus tard. Vous prévoyez un dispositif de chèques alimentaires et une augmentation de la prime de rentrée, autant de propositions dont nous avons dit en commission qu’elles sont évidemment nécessaires, mais très insuffisantes face au choc social.

En effet, en matière de logement, vous refusez le gel des loyers en faisant le choix d’en limiter la hausse à 3,5 % – après avoir abîmé l’APL –, sans tenir compte du fait que les trois quarts des bailleurs ne sont pas les petits propriétaires mythifiés derrière lesquels vous vous cachez. Votre proposition sera impuissante à vraiment soulager les locataires en difficulté.

S’agissant des prix des énergies et des carburants, en refusant les mesures structurelles – blocage des prix, baisse des taxes et mise à contribution exceptionnelle des grands mangeurs comme Total et Engie –, vos propositions ne compenseront pas les pertes de pouvoir d’achat considérables de ceux pour lesquels l’usage de la voiture est une obligation. Vous voulez des recettes, monsieur le ministre de l’économie, en voici une : pompez les profits de Total !

Pour les salaires et les retraites, vous campez sur votre refus idéologique de toute mesure visant à revaloriser le travail par des hausses de salaires réclamées partout, comme le montre l’éclosion des grèves ; des hausses de salaires indispensables pour remplir les frigos et retrouver la joie d’une sortie en famille, hausses indispensables aussi pour lutter contre les pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs – en la matière vous vous bornez à des incantations, ou pis, vous cherchez le bouc émissaire.

Sur le travail, vous avancez des dispositions aux effets hypothétiques, comme le triplement de la prime Macron qui repose sur la croyance naïve de la main invisible du marché. Au bout du compte, ce projet de loi au goût de trop peu passe à côté de solutions qui auraient été de nature à compenser à l’euro près les effets de la valse des prix pour les Français les plus touchés.

En renonçant à agir sur les salaires, sur les retraites, sur un rééquilibrage de la fiscalité qui aurait permis de mettre à contribution les profiteurs de guerre, vous allez permettre à nos concitoyens modestes de surnager, mais pas leur sortir la tête de l’eau. Évidemment, nous n’irons pas contre des mesures qui sont nécessaires, mais insuffisantes. Cependant, les Français doivent savoir ce que sous-entendent vos propositions. Nous serons là pour combattre toutes les mesures antisociales ; pas sur un « coup de chaud », mais dans un Parlement qui a retrouvé des couleurs pour défendre nos concitoyens contre les projets de recul social auxquels le président des riches n’a pas renoncé. Nous le ferons en ayant un regard particulier, aigu, exigeant, concernant les territoires d’outre-mer.

Il y a quatre jours, Macron – toujours modeste –, s’est présenté en Vulcain. Nous voyons bien, nous, qu’il reste le Vulcain du Touquet-Paris-Plage, dont le feu bienfaisant est réservé aux riches. Hier ministre, il vantait un modèle dans lequel un jeune travaille 70 heures en étant payé au SMIC, avec la fierté de pouvoir s’acheter une cravate. Nous voyons bien aujourd’hui dans votre incapacité à ouvrir les yeux sur le lien incontournable entre salaire et pouvoir d’achat que cette conviction n’a décidément pas changé dans votre esprit.

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Sébastien
Jumel

Député de Seine-Maritime (6ème circonscription)

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