Je me fais le porte-parole de notre collègue Stéphane Peu. Une fois encore, vous maltraitez le Parlement. Une fois encore, l’impréparation et la précipitation gouvernementale, dont on ne sait si elles sont une marque de fabrique ou le résultat d’une intention délibérée, nous conduisent à prolonger dans l’urgence, sans consultation sérieuse, sans étude d’impact ni évaluation, un dispositif qui constitue une très mauvaise réponse à une question importante.
Notre pays connaît une crise considérable du pouvoir d’achat, qui frappe d’abord les foyers les plus modestes puisqu’elle résulte du décalage défavorable entre le niveau des salaires et pensions d’une part, l’explosion des prix de l’autre. C’est dans ce contexte de très grande tension sociale que vous nous proposez d’autoriser une nouvelle hausse de 3,5 % des loyers, ceux des particuliers comme ceux des petites entreprises. En effet, ce que vous présentez comme un plafond fonctionnera en réalité bien évidemment comme un plancher, puisque le mode de calcul de l’IRL conduit de fait à alimenter mécaniquement la hausse des loyers. Votre proposition n’est donc pas un bouclier tarifaire, mais bien une véritable courroie de transmission inflationniste au détriment des familles modestes.
Vous prétendez que ce dispositif constituerait un point d’équilibre entre la protection des bailleurs et celle des locataires, mais ils ne subissent pas de façon équilibrée les conséquences de cette poussée inflationniste. En effet, vous négligez totalement le fait que l’essentiel des hausses intervenues ces derniers mois ont été supportées par les locataires – ceux du parc privé comme ceux du parc social – par l’intermédiaire de l’augmentation des charges qui sont directement reportées sur leurs quittances de loyer, en particulier l’électricité, mais aussi le gaz, qui a augmenté de 68 % en deux ans et dont les tarifs seront en outre dérégulés à partir du 1er juillet.
Au moment même où ils doivent affronter une explosion des charges, vous condamnez donc à une véritable double peine ces jeunes, ces travailleurs de la première ligne, ces retraités, tous ces foyers modestes pour lesquels, faut-il vous le rappeler, le logement constitue de très loin la principale dépense. Vous avez beau jeu de nous faire remarquer que certains de nos collègues sénateurs entendaient porter ce faux plafond à 6 %, arguant qu’avec ce texte, nous échapperions au pire.
Décidément, vous ne semblez pas mesurer les conséquences dramatiques d’une nouvelle hausse des loyers sur les familles modestes, dont le pouvoir d’achat s’est le plus douloureusement effondré en deux ans – elles dont le loyer a déjà augmenté l’an dernier, elles dont on a déjà rogné les aides personnelles au logement (APL).
Mes chers collègues, dans cette situation d’une exceptionnelle gravité, votre proposition est donc, à nos yeux, rigoureusement inacceptable. Nous vous mettons d’ailleurs en garde contre son adoption, et vous soumettons à la place une double proposition.
Premièrement, il faut répondre à l’urgence. Le gel des loyers est la seule véritable protection possible : quand quelqu’un se noie, on lui sort la tête de l’eau, on ne discute pas pour savoir à quelle profondeur on doit le laisser surnager. Si vous voulez enfin prendre en compte les difficultés des bailleurs – puisque votre sollicitude à leur égard ne dure que tant qu’elle vous permet de reporter sur les locataires les efforts sur les loyers et les charges –, compensez auprès d’eux le gel des loyers que nous proposons. Et, quoi qu’il en soit, modifiez le calcul de l’indice locatif pour le décorréler de l’inflation.
Deuxièmement, il faut, tout simplement, retrouver une politique du logement. En effet, la situation actuelle ne résulte ni de la guerre en Ukraine, ni de la crise climatique : c’est bien l’impéritie de nos politiques publiques, notamment l’effondrement de la production, qui en est la cause. Votre inconséquence ne se mesure pas seulement au fait que vous découvrez tout juste que votre dispositif s’éteint dans quelques semaines, mais surtout à vos choix, qui ont conduit à une véritable asphyxie du secteur et des organismes HLM. Supprimer la RLS, aux effets désastreux sur leurs capacités de financement, et diminuer la TVA sur la construction de logement social, qui est évidemment un bien de première nécessité : voilà quels seraient les choix d’un gouvernement responsable.
D’ici là, compte tenu de nos observations et des conditions indignes, mais désormais coutumières, d’examen de ce texte, nous nous prononcerons bien sûr contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)