La proposition de loi que nous examinons prétend lutter contre les mariages simulés, arrangés ou frauduleux. Mais ne soyons pas dupes : ce texte n’est pas une réponse à un problème réel, c’est une manœuvre politique pour entretenir un fantasme xénophobe. Car enfin, dans nos permanences, ce ne sont pas les mariages prétendument arrangés qui préoccupent nos concitoyens, mais les loyers trop chers, le manque de logements, les factures qu’on n’arrive plus à payer, les fins de mois qu’on ne voit même plus arriver. Ce sont les emplois précaires, la difficulté à se nourrir correctement, à vivre dignement.
Et les maires, dans tout cela ? Plus de 2 200 d’entre eux ont démissionné entre juillet 2020 et mars 2025. Est-ce parce qu’ils célébraient trop de mariages mixtes ?
Pas du tout. Ce qu’ils dénoncent, ce sont les baisses de dotations, le poids des responsabilités, l’isolement, la perte de sens, l’épuisement. Mais à toutes ces difficultés, vous ne répondez rien. Que leur proposez-vous, par ce texte ? Rien. Aucune solution. Aucun moyen. Aucune considération. Ce que vous voulez, en réalité, c’est interdire le mariage à toute personne en situation irrégulière.
Or ce serait une atteinte directe, frontale, brutale à une liberté fondamentale, celle de se marier avec la personne de son choix. Ce droit est garanti, rappelons-le, par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le Conseil constitutionnel lui-même, en 2003, a été clair : le caractère irrégulier d’un séjour ne peut faire obstacle au droit de se marier.
Cependant, c’est vrai, la liberté matrimoniale a des limites. Des règles ont été posées et des contrôles s’exercent parfois. Oui, un maire peut saisir le procureur s’il a un doute. Oui, une enquête peut être diligentée. Oui, les deux personnes concernées peuvent être auditionnées séparément. Oui, un mariage frauduleux peut être annulé. Ces mesures existent déjà, depuis 2003, et elles ont été encore renforcées par la loi du 24 août 2021.
Pourquoi, dans ce cas, nous proposer un tel texte ? Pourquoi ce durcissement inutile, excessif, stigmatisant ? Tout simplement parce qu’il ne s’agit pas ici de lutter contre la fraude mais de susciter la méfiance, de faire naître la suspicion, d’alimenter des préjugés. Ce texte repose en effet sur une idée profondément fausse et dangereuse, celle qu’un mariage entre une personne étrangère et une personne française serait, par nature, suspect.
Et cette idée, mes chers collègues, elle empoisonne notre République. Elle déshumanise. Elle divise. Elle fragilise ce que nous avons de plus précieux : le lien de confiance entre les citoyens et leur démocratie.
Ce texte ne résout rien, enfreint une liberté fondamentale et cible une population déjà vulnérable. Surtout, il s’inscrit dans une tendance plus large. Hier, c’était la remise en cause de l’aide médicale d’État. Aujourd’hui, c’est celle du mariage. De quoi s’agira-t-il, demain ? À quelle liberté fondamentale vous attaquerez-vous encore ? Quelle indignité, monsieur le rapporteur Michoux. Ce n’est pas notre République, cela. Ce n’est pas la France que nous défendons. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Nous croyons à une république qui garantisse le droit d’aimer, le droit de s’unir, le droit de construire une vie ensemble, quel que soit le statut administratif des personnes concernées. (Mêmes mouvements.) Pour autant, nous ne sommes ni naïfs, ni angéliques. Nous sommes simplement fidèles à l’État de droit et à la dignité humaine.
C’est pourquoi, avec force et détermination, nous voterons contre ce texte. Parce qu’il est inutile, injuste, indigne. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Discussions générales
Lutte contre les mariages simulés ou arrangés (PPL niche UDR)
Publié le 26 juin 2025
Soumya
Bourouaha
Députée
de
Seine-Saint-Denis (4e circonscription)