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Lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

La planète est malade, elle aussi, et c’est malheureusement devenu presque une banalité de le dire. Voilà bien longtemps que le signal d’alerte est tiré et que la machine poursuit sa course malgré tout. Pourtant, le nombre et l’ampleur des événements climatiques se multiplient, non sans conséquences sensibles pour nos vies et notre santé. Il y a urgence à changer de cap et il faut accélérer le mouvement. La solution ne se trouve ni dans la technocratie ni dans quelque domination que ce soit. La transition écologique doit être sociale et démocratique, sans quoi elle est vouée à l’échec. Elle ne saurait se faire que par les femmes et les hommes de notre pays et du monde entier. Mais lorsque tout est conditionné au profit, lorsque la rentabilité à court terme est la règle, l’humanité et la planète sont conjointement malmenées. Pour bien faire, il faudrait commencer par le voir et le reconnaître. Ce dimanche, nous étions nombreuses et nombreux à marcher pour le climat, et c’est forts de cette aspiration que nous refusons de nous résoudre à des décisions d’affichage.

Depuis de trop nombreuses années, les principales solutions politiques consistent à insister sur les gestes écocitoyens, à faire porter la responsabilité du changement climatique sur les gestes individuels. Et s’il est vrai que chacune et chacun peut agir au quotidien, cela confine à des logiques de culpabilisation des citoyennes et des citoyens qui masquent le renoncement à changer le système. D’autres choix politiques sont nécessaires pour accélérer la bifurcation écologique et sociale, qui doit être pensée, construite et accompagnée avec audace. Cela suppose des investissements massifs pour transformer nos modes de vie, de production et de consommation. Cela suppose de remettre en cause le culte du libre-échange et de la concurrence libre et non faussée, de sortir de la marchandisation qui chosifie tout et de la privatisation de tout pour retrouver du sens et construire vraiment du commun.

Comment peut-on s’en remettre au marché et à la finance pour relever les défis de la planète ? C’est une voie sans issue. Il se trouvera des volontaires pour faire commerce de l’écologie, segment par segment, y compris des droits à polluer, pourvu que ça rapporte, mais cela ne fera pas un monde commun où l’humain et la planète sont respectés. Cette bataille n’est pas une question de générations et, partout dans la société, la conscience grandit et la volonté progresse, mais c’est bien sur des intérêts économiques qu’elle bute. Nous avons la responsabilité, dans ce moment de crise qui n’est pas qu’une crise écologique, mais bien une crise de civilisation, de trouver la voie d’une nouvelle étape de l’humanité.

De surcroît après les promesses et les opérations de communication, si tant est qu’une loi y suffise, il paraît évident que nous sommes loin du compte avec ce texte, qui fait figure de dé à coudre pour écoper une inondation. Où sont passées les nombreuses propositions faites dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat et par le CESE, le Conseil économique, social et environnemental, et par tant d’autres, qui n’entraient pas dans le logiciel néolibéral de la macronie ? Pour beaucoup, directement à la baille ! Il est pourtant urgent de conjuguer la réponse, pour chacune et chacun, avec ses besoins et la garantie de ses droits fondamentaux, en réduisant l’empreinte écologique qui, au bout du compte, en fait partie. Or, en l’état, ce texte, qui reste un texte à trous, ne permettra pas d’atteindre les objectifs que la France s’est fixés lors de l’accord de Paris.

Il y aurait pourtant des leviers à actionner en s’appuyant sur des services publics forts, en déployant une démarche de promotion de biens communs, en s’attaquant au dumping social, éthique et environnemental, et en choisissant d’investir massivement pour développer un autre modèle. Des services publics forts, cela commence en ne démantelant pas EDF avec le funeste projet Hercule, et en ne laissant pas la transition énergétique à la discrétion du marché. Cela commence aussi par des moyens pour l’ONF, l’Office national des forêts, pour les DREAL, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, qui contrôlent les installations classées, car nous devons transformer nos modes de production industrielle, et cela s’accommode assez mal avec les exigences de rentabilité des actionnaires.

Sur le port industriel de Fos-sur-Mer, des aménagements sont à réaliser et des synergies à construire : il faut avoir une vision cohérente, qui œuvre à la localisation des productions comme un atout pour la planète. Nous pourrions imaginer un incubateur industriel public, capable d’impulser ce nouvel âge, dans le cadre d’une véritable planification écologique, pour faire émerger des solutions nouvelles. Parallèlement, nous devons penser des systèmes de sécurité sociale de la transition écologique pour les salariés, conjugués à un élan de formation et de qualification, qui place l’humain au cœur de ces transformations.

Nous devons aussi choisir de prendre l’offensive sur les transports. Le fret ferroviaire constituait, en France, 45 % des transports de marchandises en 1974. Il n’en représente que 9 % actuellement, ayant dégringolé au fil des lois de libéralisation et de privatisation, qui sont le c ?ur de la construction européenne telle que nous la connaissons. Dans ma circonscription, cette baisse est flagrante, à l’arrivée comme au départ du Grand port maritime de Marseille. Il faut des décisions puissantes pour développer le fret ferroviaire, deux fois moins polluant que la route.

Pour les personnes, le développement des transports collectifs, notamment ferroviaires, garantissant à la fois une sobriété de moyens globaux et le droit fondamental de chacune et de chacun à se déplacer, est un enjeu fondamental. Il faut passer à une autre échelle. Or la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 prévoyait déjà des réductions de service sur les lignes, mises en ?uvre sans attendre. Ce sont des décisions accablantes qui détériorent les transports de voyageurs partout en France : par exemple, entre 60 000 et 80 000 véhicules roulent chaque jour entre Martigues et Marseille, alors même qu’une voie de chemin de fer existe entre ces deux villes.

Pourtant, grâce au développement d’un réseau de transport collectif public de liaisons interurbaines, il serait possible de changer profondément les choses jusqu’à Istres et Port-Saint-Louis-du-Rhône, en passant par la zone industrielle de Fos-sur-Mer, avec des aménagements d’infrastructures, des cadencements adaptés et des offres tarifaires allant jusqu’à la gratuité. Mettons-y les moyens. Les résultats des expériences instaurant la gratuité, comme à Aubagne, sont édifiants.

Au-delà, si des propositions sont formulées dans le texte pour le développement des véhicules dits propres, que faisons-nous pour que le prix soit accessible pour toutes les familles, quels que soient leurs revenus, plutôt que de rendre toute une partie de la population à la fois coupable et victime ? Il en va de même pour la rénovation thermique des logements. C’est donc d’un projet de loi sur la justice sociale et environnementale, dont nous avons besoin au plus vite.

Il est également nécessaire de prendre soin de la petite pêche et de l’agriculture paysanne. Enfin, j’appelle votre attention sur la pollution atmosphérique, en renouvelant la proposition, madame la ministre, de faire du golfe de Fos un territoire pilote dans la lutte contre ce fléau. Une société plus égalitaire sera mieux à même de relever le défi, une société qui partage et rémunère correctement le travail.

Faisons les choix ensemble, accompagnons les transformations, investissons dans l’avenir. Changeons de cap, accélérons, reprenons la main, car notre planète est un bien commun et il faut la protéger pour vivre dignement. C’est une question d’humanité. Ne ratons pas ce rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.)

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

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