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Lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

C’est bien un réquisitoire qu’appelle ce projet de loi.

En tout premier lieu, nulle part n’y figure l’enjeu essentiel de l’emploi. La formation professionnelle ne fait l’objet d’aucune disposition d’ampleur alors que les métiers de demain appellent un engagement financier robuste en ce domaine – pensons, par exemple, aux mutations de l’industrie du transport ou de la construction. La seule mesure à noter concerne les comités sociaux et économiques (CSE) : déjà réduits aux acquêts après votre offensive contre les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ils seront embolisés davantage du fait de la vague consultation sur les effets de l’activité de l’entreprise sur l’environnement que vous prévoyez. Quant à l’adjonction de personnes supplémentaires dans les commissions techniques, elle est elle aussi bien loin de la réalité du terrain social. C’est une carence coupable de votre projet, car chacun sait que la question de la sécurisation de l’emploi et des droits des salariés ne peut être découplée d’une transition écologique juste et progressiste. Cette loi prétend mettre la dernière main à vos politiques sectorielles, qui ont toutes été marquées par le recul de l’État stratège et de ses outils structurants pour conduire une transition sociale et écologique.

Prenons tout d’abord l’énergie. Cet enjeu majeur est traité en dehors de ce débat, en dehors des Français : vous êtes en train d’ouvrir aux capitaux privés les activités d’énergies renouvelables et la branche distribution d’EDF. Notre armature industrielle et agricole est profondément affaiblie : le laissez-faire accordé aux banques et aux groupes du CAC 40 qui délocalisent et font exploser leurs émissions de CO2 comme le laissez-passer encouragé par les accords de libre-échange organisant le dumping social et environnemental la conduisent dans une impasse. C’est le grand déménagement hors du territoire national qui précarise les salariés, les petits agriculteurs et malmène toujours plus les ressources naturelles.

S’agissant des mobilités, vous avez livré l’entreprise nationale de transport, la SNCF, à la concurrence, ouvrant une bataille du rail aux conséquences suicidaires pour les usagers et pour le climat, aggravées par l’absence d’un plan d’investissement massif à long terme dans le ferroviaire.

Le logement social, au bénéfice duquel peuvent prétendre 70 % des Français, a été asséché par des ponctions financières assimilables à un véritable racket, alors que ses acteurs ont fait la démonstration de leurs engagements dans la rénovation thermique.

Voilà le contexte dans lequel se situe votre projet de loi. Ce bilan, vous le revendiquez, en libéraux pragmatiques que vous êtes, toujours à l’affût de nouveaux marchés à ouvrir. Bruno Le Maire doit être le plus content des ministres. Vous ne prévoyez pas de régulation, pas de contrepartie autre que le bon vouloir des entreprises car, pour vous, c’est le consommateur qui doit être responsabilisé et donc culpabilisé.

Alors, que reste-t-il de votre projet de loi ? Des mesures anecdotiques. Vous voulez supprimer les avions tractant des publicités alors que c’est d’une taxe consolidée sur les billets de première classe qu’il faudrait discuter. Vous envisagez de mettre en place un tirage au sort d’usagers pour siéger dans les comités de lignes de transport collectif quand il s’agirait de mettre en place un taux de TVA réduit à 5,5 % sur les billets de train comme le réclament les associations d’usagers.

Qu’y a-t-il encore dans votre texte ? Ce sont des expérimentations qui viennent se superposer à d’autres : vous voulez interdire la distribution de publicités sur papier à domicile avec un dispositif « Oui pub » venant s’ajouter à « Stop pub », alors c’est un cadrage rigoureux et indépendant des lobbies de la pub qu’il conviendrait d’imposer dans les médias. C’est la mise en place de menus végétariens quotidiens dans les écoles alors que l’expérimentation hebdomadaire, qui fait encore débat, ne peut être évaluée et qu’il faudrait renforcer le soutien financier, technique et humain en faveur des collectivités pour garantir un saut alimentaire qualitatif. C’est encore la transmission par l’État de quelques patates chaudes aux élus de proximité : pourquoi imposer aux commerçants une police des vitrines et épargner les supports énergivores qui prolifèrent ? Pourquoi multiplier le recours à de lourdes études d’urbanisme payantes sans les accompagner d’une assistance technique ou d’aides financières de l’État ? Fait encore plus grave, rien n’est prévu pour accompagner les ménages : pas de prêt à taux zéro pour les ménages modestes amenés à acheter une voiture moins polluante, pas de révision de la tarification sociale nationale de la SNCF pour la rendre plus attractive, pas de reste à charge zéro pour la réhabilitation thermique des logements des propriétaires occupants modestes ou très modestes, pas de soutien financier à une alimentation de qualité pour tous.

Évoquons enfin tous ces engagements majeurs tronqués ou différés : l’interdiction de louer des passoires thermiques est reportée à 2028 sans qu’il y ait d’obligation anticipée pour les propriétaires bailleurs indélicats ; la fin de l’avantage fiscal pour les poids lourds est prévue à l’horizon 2030 sans qu’aucune mesure immédiate ne rétablisse un tant soit peu l’équité avec le fret ferroviaire ; l’interdiction de la publicité se limite aux énergies fossiles alors qu’elle devrait être étendue aux produits finis les plus polluants ; l’interdiction d’installation de surfaces commerciales en périphérie ne concerne que celles de 10 000 mètres carrés, un critère extensif totalement inefficace quand, pour lutter véritablement contre l’artificialisation des sols et préserver les petits commerces de proximité, il faudrait s’attaquer à l’e-commerce.

Finalement, nous examinons un projet de loi décapité des propositions fortes de la Convention citoyenne, réécrit en permanence par le Gouvernement et sa majorité, sous l’éclairage minimum de missions flash précipitées, expurgé de tout amendement portant sur des ambitions sociales et écologiques fortes, sur les moyens à déployer pour les atteindre et amputé de tout débat les concernant.

Dans ces conditions, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’engagent dans la discussion avec la ferme intention de faire obstacle aux dispositions de cette loi qui créeraient des ruptures sociales ou écologiques ou viendraient accentuer celles qui font déjà rage dans le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

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Hubert
Wulfranc

Député de Seine-Maritime (3ème circonscription)

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