Depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023 perpétrées par le Hamas et l’invasion de la bande de Gaza qui s’est ensuivie, marquée par la politique génocidaire conduite par l’armée israélienne, la sphère médiatique a dénoncé la recrudescence des actes antisémites dans l’enseignement supérieur. Selon France Universités, soixante-sept actes antisémites ont été recensés depuis le 7 octobre, soit le double de ceux enregistrés sur l’année universitaire 2022-2023. Il est incontestable que leur nombre se multiplie en France.
Les communistes, héritiers du combat antifasciste, ont toujours lutté contre toutes les formes de racisme. Une proposition de loi exprimant dans son titre l’objectif de lutter contre l’antisémitisme suscite donc chez nous un a priori positif, qui s’évapore pourtant rapidement à la lecture de ce texte. L’exposé des motifs part du constat que l’antisémitisme est une « forme particulière de haine et de discrimination visant spécifiquement les personnes juives ». Il est incontestable que l’antisémitisme revêt une singularité historique. Son histoire pourrait être retracée dès l’Antiquité, où se manifeste l’hostilité des premiers chrétiens, jusqu’à l’époque contemporaine, marquée par l’Holocauste, en passant par l’époque moderne et le décret de l’Alhambra.
Cependant, toutes les discriminations ont des racines historiques qui les rendent singulières. La négrophobie, par exemple, puise ses origines dans la traite d’esclaves des XVIe et XVIIe siècles. C’est alors que s’impose une conception racialisée de l’esclavage, fondée sur l’apparence physique et les caractéristiques chromatiques. Alors que les actes discriminatoires et racistes commis dans l’enseignement supérieur sont peu dénoncés en raison de leur banalisation, le fait de distinguer l’antisémitisme des autres formes de racisme n’aurait pour autre effet que d’instaurer une hiérarchisation des victimes que nous ne pouvons cautionner.
Notre groupe s’oppose également à tout rétablissement des principales dispositions de l’article 3, qui a été supprimé en commission. Dans sa rédaction issue du Sénat, cet article prévoyait de créer une section disciplinaire par région académique, présidée par un membre de la juridiction administrative. Il s’agirait là d’une profonde rupture avec le droit courant, qui prévoit que les sections disciplinaires soient exclusivement composées de membres du conseil académique des établissements. En outre, le droit courant prévoit déjà l’existence d’une juridiction propre à l’enseignement supérieur : le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser). La création d’une nouvelle juridiction administrative affaiblirait donc le rôle du Cneser, ainsi que le principe d’autonomie des universités.
L’article 3 prévoyait également d’inscrire dans la loi la liste des faits passibles d’une sanction disciplinaire. Y étaient inclus des faits qui n’ont selon nous aucun lien avec l’objet de ce texte, tels que « les faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement de l’établissement ou au bon déroulement des activités qui y sont organisées ». Nous craignons que ces dispositions visent à instaurer une approche répressive à l’égard des manifestations et des actes politiques dans l’enseignement supérieur.
L’université est devenue l’une des principales cibles du gouvernement et de l’ensemble du spectre réactionnaire. Mme Vidal l’avait accusée d’être « gangrenée » par l’islamo-gauchisme. M. Attal avait dénoncé l’influence d’une « idéologie nord-américaine ». M. Hetzel avait déclaré vouloir « protéger les étudiants des dérives antisémites », alors qu’il s’était rendu au congrès de l’UNI – Union nationale inter-universitaire –, association étudiante dont des membres sont accusés d’avoir fait des saluts nazis.
La lutte contre l’antisémitisme est désormais instrumentalisée par ceux qui veulent passer sous silence les critiques de l’État d’Israël et de sa politique coloniale. À l’heure où Benyamin Netanyahou appelle à l’invasion et au nettoyage ethnique de la bande de Gaza, nous espérons que, fidèles aux valeurs républicaines, les étudiants de France, toutes confessions confondues, relanceront leur mobilisation en solidarité avec le peuple palestinien.
La lutte contre l’antisémitisme est un défi majeur de notre temps, qui mérite bien mieux qu’une proposition de loi dont les principales dispositions risquent de porter atteinte au droit et à la liberté de manifestation des étudiants. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Discussions générales
Lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l’enseignement supérieur - PPL
Publié le 6 mai 2025
Jean-Paul
Lecoq
Député
de
Seine-Maritime (8ème circonscription)