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Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 - Nlle lect

C’est encore le jour de la marmotte, mais, contrairement au présentateur du film Un Jour sans fin , vous n’apprenez pas, mesdames et messieurs du Gouvernement. Dans ce jour qui passe et repasse, votre rôle ne change pas : vous présentez toujours la même feuille de route ; vous tenez toujours aussi peu compte des objections ; vous faites toujours aussi peu de concessions ; vous vous affranchissez toujours autant du réel ; vous méprisez toujours autant le Parlement ; vous dégainerez sans doute avec toujours autant de satisfaction l’article 49.3 de la Constitution pour imposer votre loi.

Vous nous réunissez donc ici pour faire semblant, pour faire joli, pour faire mumuse. Et, alors que vous voulez nous réduire à l’impuissance ici, vous poussez le vice jusqu’à nous convier ailleurs à prendre part à la mise scène de réunions locales d’un prétendu Conseil national de la refondation pour mimer l’ouverture d’esprit. Les effets de ce décalage entre l’affichage et les intentions sont désastreux. On ne saurait vous reprocher de discuter, à condition que la discussion soit sincère et qu’elle ne procède pas d’une instrumentalisation politique des participants.

Lorsqu’elle est venue annoncer le premier 49.3, Mme la Première ministre a vanté à plusieurs reprises, peut-être pour s’en convaincre, un budget de progrès social. Si ce n’était pas dramatique, on s’esclafferait.

L’Ondam, qui fixe le niveau de l’investissement dans la santé et la protection sociale, était de 245,9 milliards d’euros en 2022, ce qui était insuffisant. Il est fixé à 244,1 milliards d’euros pour 2023, dans votre première version. Il est donc en baisse nette de 0,8 %, mais vous ne l’assumez pas. Vous avez donc inventé un redécoupage avec un budget de crise et un budget hors crise – ni vu ni connu, je t’embrouille.

Même si l’on reprend les chiffres de votre tripatouillage, la progression affichée de 3,7 % est inférieure à la hausse tendancielle des besoins en santé, qui est habituellement estimée à au moins 4 %. Votre chiffre est même inférieur à l’inflation : au moins 4,3 % pour 2023 alors qu’elle se situait à 0,9 % en 2019, par exemple.

Le décalage est énorme, sans compter que l’année à venir sera encore une année de rattrapage des soins annulés ou reportés pendant la crise.

Dans votre intervention liminaire, monsieur le ministre, vous avez annoncé des rallonges. J’en déduis que le budget, que vous nous aviez vendu comme étant extraordinaire lors de l’examen en première lecture, ne l’était peut-être pas tant que cela. Quoi qu’il en soit, ces rallonges ne modifient pas les équilibres et les structures.

Nous approuvons certaines mesures telles que la prise en charge intégrale de la contraception, mais nous estimons que d’autres sont insuffisantes, peu ou pas discutées ou carrément contestables.

Votre budget brille surtout par ce qu’il ne contient pas : de véritables mesures contre les déserts médicaux ; un nouveau souffle pour l’hôpital public ; des dispositions antimarchandisation de la santé ; des dispositifs de lutte contre les inégalités de santé – l’Unicef a encore dénoncé hier leurs conséquences pour les enfants ; une action pour un pôle public du médicament et pour empêcher les pénuries ; un élargissement de la prise en charge par la sécurité sociale, que ce soit pour la santé ou pour l’autonomie ; des offensives contre les maladies professionnelles et les accidents du travail.

Pour cela, il faudrait arrêter la foire annuelle aux exonérations de cotisations. Les chantiers sont immenses, et votre projet est tout riquiqui. Il crée les conditions de nouvelles restrictions de droits.

Le Sénat est passé par là. Il a pour l’essentiel aggravé les choses. Il vous pousse dans les directions où vous voulez aller – je pense notamment à cet amendement qui vise à repousser de deux ans l’âge légal de départ à la retraite pour allonger la durée de travail et de cotisation. Un beau coup de main dans votre opération de préparation du terrain pour une régression sociale majeure !

Vous allez dire, d’un air magnanime, que vous préférez aller d’abord au bout des consultations, sachant qu’une fois encore tout ce que vous faites ne sert qu’à emballer votre mauvais projet. Sous nos yeux, avec le groupe Les Républicains, vous jouez nos retraites à « je te tiens, tu me tiens par la barbichette ».

Vous avez sagement renoncé à la vilaine réforme précédente, vous devriez envisager de faire de même avec celle-ci et remiser aux oubliettes votre acharnement insensé à sabrer dans le droit à la retraite, comme si c’était une solution à quelque problème que ce soit.

Nous sommes au cœur d’une crise politique préoccupante. Le pays ne vous a pas donné de majorité absolue, et ni le Président ni son programme n’ont été plébiscités dans les urnes. Vous devez regarder cette réalité en face. Votre responsabilité est de renoncer aux projets les plus clivants, à ceux dont vous savez qu’ils n’ont pas de majorité populaire. Si vous renonciez à les conduire, vous vous grandiriez et vous apporteriez du baume à la démocratie.

Cela étant dit, il faut être clair : ne faites pas de ce jour de la marmotte également celui du hamster dans sa roue. Soit vous renoncez au 49.3 et nous travaillons, soit vous abrégez cet épisode d’irrespect parlementaire, et, mesdames et messieurs les ministres, faites votre office. Alors, de cette discussion factice sortira une loi de financement illégitime. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, et Écolo-NUPES. – M. Yannick Neuder applaudit également.)

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

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