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Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 - Lect déf

La présente résolution demande au Gouvernement d’agir pour intégrer Taïwan à l’Assemblée mondiale de la santé, à l’Assemblée de l’OAIC, à l’OIPC, et de faire participer Taïwan à la CCNUCC. L’argumentaire déployé est très intéressant, car il dévoile parfaitement un rapport asymétrique et utilitariste au droit international ainsi qu’aux organisations multilatérales.

Vous soulevez cependant un point intéressant sur le multilatéralisme : il est malheureusement exact que tous les peuples ne sont pas représentés dans les organisations internationales, ce qui crée de véritables zones d’exclusion du droit international sur Terre. Il en est ainsi de la Palestine ou du Sahara occidental, dont les peuples vivent dans des territoires reconnus par le droit mais disputés, et ces peuples ne sont quasiment pas représentés dans les instances internationales.

C’est un véritable problème, nous vous rejoignons sur ce point, car la paix et la sécurité ne peuvent qu’être globales. Comme le dit Bertrand Badie, grand penseur des relations internationales : « Nous entrons dans un monde où la sécurité n’est plus nationale, mais globale. La sécurité dont nous avons besoin ne se divise pas, elle ne s’attribue pas, elle ne s’impute pas, elle nous appartient à tous, et nous en sommes les défenseurs et les protecteurs de tous pour tous. » C’est donc bien en protégeant tous les peuples, en les faisant bénéficier de protections sanitaires, sociales, économiques et culturelles que la paix et la sécurité adviendront. Ce n’est ailleurs que comme cela que le covid sera vaincu.

Du point de vue des députés communistes, cette résolution maladroite, si ce n’est sibylline, s’arrête au milieu du gué. Si l’on vous suit vraiment, vous devriez en cohérence proposer d’élargir la représentation de Taïwan à toutes les organisations internationales, si ce n’est la reconnaissance sur ce territoire disputé d’un État indépendant. Or, si vous n’en dites rien, vous connaissez l’histoire et le présent et vous savez qu’une résolution, si elle n’est pas sans effet, n’apportera pas de solution. Je le dis en réaffirmant toute l’amitié qui est la nôtre à l’égard des habitants de Taïwan.

Sauf à consentir à se perdre et à s’affaiblir, un État ne doit avoir qu’une seule boussole lorsqu’il s’agit de gérer les relations internationales. C’est le droit international, ce sont les résolutions des Nations unies, elles reflètent un compromis diplomatique et, souvent, un équilibre politique, fût-il fragile. Ou alors, il faut avoir des raisons très solides et la conviction d’ouvrir un chemin.

Dans la résolution 2758 qui organise les liens entre la République populaire de Chine et Taïwan, les Nations unies décident, entre autres, « le rétablissement de la République populaire de Chine dans tous ses droits et la reconnaissance des représentants de son gouvernement comme les seuls représentants légitimes de la Chine à l’Organisation des Nations unies ». Le conflit ancien entre Taïwan et la République populaire de Chine est donc censé se résoudre, selon le droit international, par une solution à un seul État, ce que la France soutient jusqu’ici avec son application du concept d’« un État, deux systèmes ».
La volonté de faire siéger Taïwan en tant que tel dans plusieurs instances internationales va donc à l’encontre du droit international, a fortiori dans la CCNUCC qui relie de facto les pays membres aux Nations unies.

Peut-être trouvez-vous l’actuel statut de Taïwan injuste ou insuffisant, et cette interrogation peut exister, mais à ce moment-là il faut le dire franchement, et dans ce cas c’est une proposition de résolution visant à modifier la résolution 2758 qu’il faudrait présenter, plutôt qu’une proposition de contrebande qui risque d’attiser les dissensions au lieu de les résorber.

J’ajoute que cette résolution intervient dans un contexte de montée des tensions dans l’Indo-Pacifique, de montée des nationalismes et parfois des sentiments xénophobes de différentes parts, de montée des dépenses d’armement – nous en savons quelque chose, nous voulions en être –, qui appelle une action diplomatique pour construire la paix. Et s’il y peut y avoir matière à critiquer tel ou tel État pour ses positions et ses actes, y compris la Chine, nous devons savoir quel est le but, le sens et la portée des gestes que nous accomplissons. Vous n’en dites pas grand-chose.

Vous ne réglez pas ici la question du cadre définissant la légitimité pour une entité du type de Taïwan à participer ou non en tant qu’observateur aux travaux de certaines instances internationales. Il faudrait mesurer quelles autres entités pourraient à leur tour, dans la logique de ce que vous défendez, s’en revendiquer, y compris peut-être dans notre périmètre national. Le seul argument donné dans la présente proposition est que le « modèle taïwanais » de lutte contre le covid a plu à des observateurs.
Pour toutes ces raisons, les députés communistes s’abstiendront sur ce texte. (Mme Caroline Fiat applaudit.)

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

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