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Libération immédiate et inconditionnelle de Boualem Sansal - PPRE

En France comme ailleurs, nous défendons la liberté d’expression, la liberté de la presse, le droit de manifester pacifiquement et le droit à l’opposition politique. Les droits de la défense, l’État de droit et la garantie de nos droits fondamentaux nous sont tout aussi chers. Ils garantissent à tous sur notre territoire, aux citoyens comme à ceux qui ne le sont pas, de vivre avec dignité et d’être traités de manière égalitaire.
Or, de plus en plus souvent, partout dans le monde, ces droits et ces libertés sont menacés, et la France n’échappe pas au phénomène. Pourtant, puisque nous prétendons défendre la démocratie, ils devraient être en première ligne de notre attention. Si beaucoup se targuent de défendre cette position, assez peu l’appliquent en toutes circonstances et en tous lieux –⁠ démonstration supplémentaire de l’application d’une politique à géométrie variable.
La proposition de résolution européenne que nous étudions demande la libération, entre autres, de M. Boualem Sansal, que la France considère comme un prisonnier politique. Russie, États-Unis, Israël, Chine, Cuba, Argentine, Togo, et bien d’autres pays : aucun continent n’est épargné par les arrestations et les détentions de prisonniers politiques. L’Europe n’est pas en reste, avec l’incarcération de Christian Tein en France hexagonale, à 17 000 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie. Bien qu’il s’agisse d’un territoire français, l’incarcération de militants politiques, a fortiori de partisans de l’indépendance de leur terre, à des milliers de kilomètres de chez eux, ce qui empêche leur famille de les voir, est une pratique coloniale.
Je ne peux pas non plus m’empêcher d’avoir une pensée pour mon ami Ennaâma Asfari, prisonnier politique sahraoui au Maroc, ainsi que pour tous ses codétenus. À quand une résolution exigeant la libération de tous les prisonniers politiques sahraouis au Maroc ? À quand le respect du droit international en ce qui concerne le Sahara occidental ?
Nous continuons à nous battre contre de telles pratiques. Il est normal que nous fassions de même pour les personnes emprisonnées pour des raisons politiques partout à travers le globe, d’autant plus s’ils sont Français ou en couple avec un Français ou une Française.
Nous tenons à souligner l’évolution du texte dans un sens un peu plus positif et intelligent pour nos relations avec l’Algérie. En effet, lorsque cette proposition de résolution européenne est arrivée devant la commission des affaires étrangères, la demande de libération de Boualem Sansal n’était en rien inconditionnelle et semblait surtout servir de prétexte pour dégrader davantage les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie (M. Emeric Salmon exprime sa désapprobation), de telle sorte que nous nous dirigions vers un point de non-retour.
Nous souhaitons que la France entretienne des relations au moins cordiales avec tous les pays. Compte tenu de notre histoire commune et du nombre de binationaux, cela semble encore plus important avec l’Algérie. Au risque de me répéter, j’aime aussi défendre l’idée qu’il faut faire de l’Algérie un pays ami, un pays proche. Ce serait possible, grâce à un travail diplomatique rigoureux, grâce à l’établissement de jumelages et d’échanges scolaires et universitaires. L’État, les villes et les étudiants participeraient tous à créer ce nouveau lien. Je soutiens fortement l’idée de créer un office franco-algérien pour la jeunesse. Mais puisque le premier ministre français tape en permanence sur les accords qui lient notre pays et l’Algérie, cette relation ne peut que se détériorer.
Bien que nous soyons pour la libération de tous les prisonniers politiques, quelle que soit leur nationalité, nous ne voterons pas en faveur de la résolution telle qu’elle nous est soumise. En effet, elle vise non seulement Boualem Sansal, mais aussi tous les « militants, journalistes, blogueurs ou défenseurs des droits de l’homme », sans les nommer, ce qui nous paraît cavalier au regard de l’état actuel des relations entre la France et l’Algérie. De plus, la libération de Boualem Sansal reste présentée comme une condition à la modernisation de l’accord entre l’Union européenne et l’Algérie.
Pour être fidèle à son titre, la résolution aurait pu se contenter de demander la libération immédiate et sans condition de Boualem Sansal –⁠ comme l’ont exprimé mes collègues Insoumis, écologiste et socialiste. Malheureusement, la droite et l’extrême droite ne manquent pas une occasion de faire de la récupération politique. (M. Emeric Salmon s’exclame.) Nous trouvons cela dommage car la situation de Boualem Sansal exige qu’il soit libéré immédiatement.
Pour ma part, sans attendre son procès, j’étais intervenu auprès des diplomates algériens que j’ai l’habitude de rencontrer dans les instances de l’ONU pour leur demander d’agir au plus vite en faveur de sa libération, faisant valoir qu’il méritait des dispositions particulières en raison de son âge et de son état de santé. J’espère que nos amis algériens sauront entendre le message que nous portons à la tribune de l’Assemblée nationale. (Mme Émeline K/Bidi, Mme Dominique Voynet et M. Pierre Pribetich applaudissent.)

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
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