La proposition de loi et la proposition de loi organique que nous examinons visent à modifier le mode de scrutin des communes de moins de 1 000 habitants, représentant 71 % des communes françaises, et où les conseillers municipaux sont aujourd’hui élus au scrutin plurinominal majoritaire. Ces deux textes ne se limitent donc pas à étendre l’obligation de parité : ils tendent à la généralisation du scrutin de liste, avec l’institution de la prime majoritaire et, par conséquent, à la fin du panachage. Ils s’inscrivent dans la continuité de la loi du 17 mai 2013 qui avait étendu la parité et le scrutin de liste aux communes comptant entre 1 000 et 3 500 habitants. C’est bien ce changement de régime électoral, à quelques mois des élections, qui concentre les critiques et fait naître le plus d’inquiétudes.
Je commencerai cependant mon intervention en rappelant notre soutien sans faille à l’ensemble des mesures qui favorisent, ou permettent, l’accès des femmes aux fonctions électives. Les précédentes lois visant à étendre la parité ont toutes entraîné autant d’importants progrès dans la féminisation de la vie politique. En dépit des réticences initiales, elles sont aujourd’hui pleinement acceptées. Il n’y a donc rien qui pourrait objectivement justifier qu’on maintienne un mode de scrutin sur une partie seulement du territoire, mode de scrutin entraînant une sous-représentation structurelle des femmes – et ce d’autant plus que l’exclusion des femmes et l’autocensure de ces dernières, lors de la construction des candidatures, sont des phénomènes bien réels. Bien souvent, on vient chercher une femme candidate, et on repart avec le conjoint – sans caricaturer.
Je le dis avec d’autant plus de conviction que les femmes qui résident dans nos communes rurales sont les premières victimes de la suppression et de l’éloignement des services publics et de la précarité. Elles ont les vies les plus difficiles. Elles sont les plus exposées aux emplois à temps partiel dans les métiers du service, du soin et du lien, ainsi qu’aux bas salaires. Elles sont celles dont les pensions de retraite sont les plus faibles. Un meilleur accès de ces femmes à la représentation politique locale apportera une contribution importante à une meilleure représentativité de l’ensemble des catégories socio-professionnelles dans la vie publique.
Même s’il peut y contribuer, ce texte ne réglera pas pour autant la question, également essentielle, de l’accès aux fonctions exécutives, où les mécanismes de domination et de dévalorisation des femmes s’exercent encore puissamment. Les maires sont des hommes à 80 %, toutes communes confondues.
La sous-représentation des femmes au sein des intercommunalités et des métropoles, qui rassemblent des communes pourtant déjà passées au scrutin de liste, montre bien l’étendue du chemin qu’il reste à parcourir pour atteindre l’égalité réelle.
Et ne parlons pas des délégations, si souvent confiées aux femmes élues. Bourdieu parlait de la main droite de l’État, qui ne veut pas savoir ce que fait sa main gauche – cela vaut aussi, malheureusement, pour les collectivités. Le législateur doit donc contribuer pleinement à la féminisation de la représentation politique.
Toutefois, comme pour la réforme de scrutin proposée par le texte sur Paris, Lyon et Marseille, le problème de la temporalité se pose avec évidence. Changer un mode de scrutin moins d’un an avant les élections est contraire à l’usage républicain et à la loi du 2 décembre 2019, comme nous avons déjà eu l’occasion de le rappeler la semaine dernière en commission. Si tout le monde convient qu’il est nécessaire d’étendre à toutes les communes les règles de la parité, on ne peut entreprendre de bouleverser le mode de scrutin des petites municipalités sans adhésion commune – plus encore à l’heure où l’engagement municipal connaît une crise inédite. Beaucoup de maires et d’élus municipaux doutent légitimement qu’il soit possible de trouver suffisamment de candidats pour les prochaines élections.
Nul ne peut nier la baisse du nombre de candidats, scrutin après scrutin, dans nos communes rurales en particulier. Une réforme trop soudaine, nous disent beaucoup d’élus, risquerait d’aggraver ces difficultés.
C’est pourquoi nous proposons un amendement visant à reporter l’application de ce texte au prochain scrutin, en 2032.
Cette démarche s’inscrit dans le respect de la loi, vise à éviter un précédent et porte l’espoir d’apaiser les tensions que ce texte a suscité dans de nombreuses communes rurales. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Discussions générales
Harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales
Publié le 7 avril 2025
Julien
Brugerolles
Député
du
Puy-de-Dôme (5ème circonscription)