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Fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole - CMP

Nous nous prononçons sur un texte qui n’était déjà pas grand-chose et qui se réduit à presque rien après son passage au Sénat et en commission mixte paritaire. La proposition de loi relative à l’exercice de la démocratie agricole – premier titre du texte – avait peu de choses à voir avec son contenu. Mais le texte adopté à l’Assemblée nationale, censé porter – d’après son nouveau titre – diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole, se limite désormais à une adaptation des collèges électoraux de la MSA dans les circonscriptions de la métropole de Lyon, ainsi qu’à l’autorisation pour les agriculteurs en difficulté n’ayant pu régler leurs cotisations pendant les six derniers mois de participer tout de même au scrutin. Nous approuvons ces deux mesures, quoique nous nous interrogions sur l’effectivité de cette dernière, qui consiste à assouplir les conditions de vote pour les assujettis au régime agricole ayant des arriérés de cotisations en vue des élections de mai prochain, alors que la qualité d’électeur est appréciée au 1er avril 2024.
Pour être franc, j’ai le sentiment d’un rendez-vous manqué, avec le sujet de fond esquissé par le titre initial du texte : celui de l’évolution de la démocratie agricole et du renforcement de la représentativité de tous les actifs agricoles au sein des chambres d’agriculture, de la MSA et de l’ensemble des organisations professionnelles – interprofessions et instituts techniques inclus.
Les élections des chambres d’agriculture viennent de rendre leur verdict. Elles ont, certes, connu un certain regain d’intérêt et les résultats sont plus contrastés, mais ce scrutin demeure marqué par une participation faible, avoisinant les 45 %, alors que les chambres d’agriculture doivent jouer un rôle déterminant dans les transformations de l’agriculture et l’accompagnement de tous les agriculteurs au quotidien.
La question de l’évolution du mode de scrutin vers un système plus proportionnel, notamment pour le collège des chefs d’exploitation et assimilés, reste d’actualité. Une telle évolution renforcerait indéniablement la représentativité et le débat démocratique au sein des chambres. Comme je l’avais souligné en première lecture, il est aussi besoin de progresser dans la représentation des salariés agricoles : alors qu’ils sont aujourd’hui 820 000, soit deux fois plus que le nombre de non-salariés, ils ne disposent que d’une très faible représentation, à travers le collège des salariés de la production agricole et celui des salariés des groupements professionnels agricoles. Les mutations profondes de l’agriculture, notamment la salarisation croissante des actifs agricoles, devront nécessairement se traduire par une transformation significative des structures de représentation des professions concernées avec, au minimum, une augmentation du nombre de places accordées aux collèges des salariés.
L’article 1er du texte avait soulevé maints débats sur notre incapacité à sortir de l’utilisation massive de produits phytosanitaires. Son rétablissement ne doit pas nous conduire à mettre sous le tapis les politiques structurelles indispensables à la transformation des systèmes agricoles et au renforcement des protections dont doivent bénéficier tous les paysans. Sans la volonté politique d’agir sur les contraintes socio-économiques qui pèsent sur les agriculteurs, transformer l’agriculture française restera un vœu pieux. Sans sécurité du revenu, sans rémunération à la hauteur des productions durables – y compris lorsque l’adoption de pratiques économes en intrants et en produits phytosanitaires entraîne une baisse des rendements –, sans outils de protection efficaces face aux importations ne respectant pas nos normes, sans régime public de prévention et de gestion des risques, sans un effort soutenu d’accompagnement de la recherche agronomique et de déploiement de ses acquis aux champs, il n’y a guère de chances pour que le monde agricole s’oriente vers un système plus vertueux.
Malheureusement, je suis très inquiet sur notre capacité à débattre et à agir, dans les semaines à venir, sur ces enjeux de fond, alors que le contenu du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire demeure très limité. Ce dernier prend d’ailleurs une tournure inquiétante au Sénat, et les possibilités de le faire évoluer seront particulièrement contraintes par la procédure d’examen.
En conclusion, si nous voterons en faveur de ce texte, c’est avec la claire conscience de toutes ses insuffisances. Nous espérons qu’à l’avenir, les observations que j’ai pu présenter seront prises en compte. Il y va de l’avenir de notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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