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Exclusion des étrangers en situation irrégulière de la tarification sociale dans les transports

Il y a deux façons d’argumenter contre cette proposition de loi.

La première est frontale, puisqu’il y a près de quarante ans, le ministre communiste Charles Fiterman avait fait de la reconnaissance du droit aux transports pour tous l’un de ses objectifs cibles. Il ne s’agissait pas seulement de répondre à des préoccupations d’ordre énergétique ou environnemental, mais surtout d’améliorer pour tous la qualité de vie et l’accès aux services du quotidien.

Nous, communistes, avons toujours été fidèles au combat pour la reconnaissance du droit universel aux transports, en nous mobilisant toujours et encore récemment pour la gratuité des transports urbains de voyageurs.

Or, au-delà même des accents très connotés de votre texte, vous cherchez aujourd’hui à mettre en péril le caractère universel du droit aux transports qui, à défaut de gratuité, s’illustre dans des réductions tarifaires dont l’unique critère repose sur les conditions de ressources et non sur la situation administrative des individus.

Par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, que vous n’avez cessé de combattre, nous avons voulu que chacune et chacun ait le droit à un logement, mais aussi le droit de se déplacer, en garantissant à tous ceux qui n’en ont pas les moyens des transports accessibles.

Pour nous, aucune entorse à ce principe n’est acceptable ; or vous voulez créer un régime d’exception. Vous avancez pour cela des justifications assez pathétiques, comme le coût pourtant insignifiant de la tarification sociale, et notre collègue Millienne a fort bien dénombré les effets pervers, ne serait-ce que sur le plan technique, de votre suggestion.

Ainsi jugez-vous équitable de priver de droits élémentaires des personnes déjà privées de tout. Ainsi estimez-vous juste d’opposer entre eux les plus démunis, plutôt que de vous attaquer aux injustices sociales. Vous entendez, dites-vous, supprimer les « incitations » à ce que les individus sans titre de séjour fassent le choix de demeurer en France. Dites plutôt que vous cherchez tout simplement à entraver leurs facultés de première nécessité. Le parallèle avec les mesures anti-SDF dont les maires de droite se sont fait les champions est saisissant : rendre invisible et humilier, voilà toute votre politique.

En matière d’argumentaire, il y a une seconde manière de vous répondre. Peut-être – sans doute – avez-vous ouvert la première petite fenêtre du calendrier de l’Avent, dimanche dernier ; elle vous a alors dit à tous d’ouvrir votre cœur.

Nous examinions tout à l’heure un texte dont l’exposé des motifs affirmait que « les principes judéo-chrétiens […] ont fondé notre continent et offert au monde des valeurs universelles ». Que faites-vous de ces valeurs ?

Depuis quelques jours, les chrétiens sont entrés dans la période de Noël (M. Erwan Balanant applaudit.), une fête qui accorde une place particulière aux enfants mais qui s’est longtemps accompagnée d’une importante tradition, comme j’ai d’ailleurs moi-même pu le vérifier à l’occasion : celle de préparer une place et un couvert supplémentaires à la table du réveillon. Cette place, la « place du pauvre », devait être réservée à celui qui, manquant du nécessaire, viendrait sonner à la porte à l’improviste.

Comment ne pas vous inviter à méditer, chers collègues, ces paroles du pape François : « Ne pas accueillir les étrangers dans le besoin […], c’est chercher à encourager une culture qui n’est chrétienne que de nom » ? Ce n’est pas nous qui vous y enjoignons, mais, avant de voter, essayez de répondre à cette question. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, Dem, SOC, LT, Agir ens et sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)

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Hubert
Wulfranc

Député de Seine-Maritime (3ème circonscription)

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