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Encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne - 2ème lect

Dès sa première lecture, avec mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, nous avons salué l’initiative de cette proposition de loi, prise par Bruno Studer. Il était urgent de légiférer et de poser un cadre juridique sur les vidéos d’influence mettant en scène des enfants, qui atteignent des centaines de milliers de vues et engendrent des revenus pour les familles, mais aussi, et surtout, pour des grandes entreprises qui en perçoivent le potentiel marketing.

Certains parents ont beau prétendre qu’il s’agit uniquement d’activités de loisirs, nous faisons souvent face, en vérité, à une nouvelle forme de travail des enfants. Lorsqu’une famille publie jusqu’à trente vidéos par mois, il est évident que la notion de loisir n’est plus valable – un chercheur américain appelle cette situation le playbour, contraction des mots anglais « jeu » et « travail ». Les enfants concernés sont utilisés tout à la fois par des parents peu responsables et par des groupes publicitaires qui incitent à produire de nouvelles vidéos, au détriment du rythme de vie et du temps de jeu indispensable à la construction et à l’épanouissement des plus jeunes.

La mise en ligne de telles vidéos expose les enfants à des milliers d’inconnus qui ont accès au plus intime de leur vie privée. Elle occasionne des vagues de commentaires aléatoires, positifs ou négatifs, qui peuvent déstabiliser complètement l’enfant, en particulier lorsqu’ils sont injurieux voire diffamants. Une telle célébrité a un impact au moment de la publication ; elle produit des conséquences indéniables sur la sociabilité des enfants et leur développement. Elle peut aussi ressurgir plus tard, à l’adolescence ou à l’âge adulte, puisque, malheureusement, les publications sur internet, telles des taches indélébiles, sont très difficiles à effacer.

Nous n’avons pas assez de recul pour évaluer l’effet de ces vidéos à long terme. On sait toutefois qu’un malaise émerge chez une partie des adolescents nés entre 2004 et 2007, lorsqu’ils prennent conscience de la quantité d’images qui ont été publiées sur les réseaux sociaux durant leur enfance. Plusieurs chercheurs américains ont montré qu’ils se sentaient trahis et très vulnérables.

L’expansion de telles pratiques interroge plus globalement le rapport au numérique des parents et des enfants. Il est donc nécessaire de renforcer l’éducation au numérique, sans la concentrer sur l’usage de ce médium, mais en favorisant la compréhension de cet univers très abstrait, de sorte que chacun puisse y agir librement.

Nous avons aussi proposé qu’un accompagnement psychologique soit systématiquement requis pour tous les enfants impliqués dans la diffusion de vidéos telles que celles visées par la présente loi. Par ailleurs, nous saluons l’adoption de notre amendement relatif au respect de la protection des données au sens du règlement général sur la protection des données, le RGPD : il était en effet nécessaire de renforcer la protection des données produites par ces vidéos doublement rentables pour les entreprises qui, en plus de s’en servir pour faire passer des publicités et valoriser leurs produits, les utilisent comme une forme d’étude directe des comportements qui leur permet ensuite d’adapter leur production.

Nous regrettons néanmoins que le texte présenté ce soir ait été assoupli par rapport à sa première version, et nous vous proposons de reprendre les articles 4 et 6 tels qu’ils étaient initialement prévus, c’est-à-dire imposant des obligations strictes aux plateformes de diffusion et des sanctions en cas de non-respect de ces obligations.

Nous considérons que cette loi est très positive, même si elle ne pourra suffire face aux multiples problématiques que pose le numérique par rapport aux jeunes enfants, aux adolescents et à leurs parents. Nous voterons donc ce texte en étant confiants sur la suite de nos travaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem, SOC et Agir ens.)

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