Interventions

Discussions générales

Déclaration du gouvernement relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre suivie d’un débat et d’un vote

Que faites-vous de notre République ?

Cette convocation, au lendemain des annonces du Président de la République, est la marque du mépris le plus absolu du monarque pour le Parlement et à l’endroit du peuple.

Notre pays en est désormais réduit à se plier aux oukases d’un souverain trop content d’annoncer à ses 66 millions de sujets le sort qu’il leur réserve, un souverain que rien ne semble arrêter, pas même ses propres erreurs et les cris d’alerte d’un personnel soignant à bout de souffle.

Voter sur des mesures déjà annoncées a-t-il une quelconque signification ? Qui peut croire que l’application de l’article 50-1 de la Constitution n’est pas juste un hochet tiré du coffre à jouets pour « faire comme si » on était une démocratie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Loïc Prud’homme applaudit également.)

Depuis un an, notre pays reste englué dans une crise sanitaire qui semble sans fin ; des territoires entiers sont abandonnés à leur sort, tels que l’outre-mer ou la Seine-Saint-Denis. Depuis un an, vous décidez seuls, sans jamais tenir compte des avis et des propositions de l’opposition. Tout au plus faites-vous mine de nous informer quand tout est déjà étalé à la une des médias.

Comble du comble, hier soir, le Président ose nous dire que ses décisions – et ses échecs – sont le fruit de choix collectifs, alors qu’ils résultent d’un pilotage solitaire, d’erreurs d’appréciation et d’un entêtement coupable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Depuis le début de la crise, le Président de la République, l’ensemble du Gouvernement et la majorité ne cessent de nous répéter, avec une arrogance désormais récurrente, qu’ils ont raison – toujours raison ! – et qu’ils prennent les meilleures décisions, tandis que s’accumulent les décès évitables. Nous sommes ici pour commenter les nouvelles restrictions annoncées par le Président de la République pour quatre semaines au moins – oui, pour les commenter !
Il y a quatre semaines, ce même Président demandait aux Français de tenir encore quatre à six semaines, avant un assouplissement des restrictions. La dégradation de la situation sanitaire était pourtant prévisible. À l’anticipation, vous avez préféré l’attentisme et une gestion au fil de l’eau. Ce manque d’anticipation, nous le retrouvons dans la stratégie vaccinale : la montée en charge de la vaccination n’est toujours pas au rendez-vous, mais à chaque effondrement de preuves, vous répondez par une salve de promesses. Il y a quarante-huit heures, ici même, M. le ministre des solidarités et de la santé, épaississant jour après jour le mensonge, osait affirmer que nos voisins ne faisaient pas mieux que nous. La vérité, c’est que la France se classe à la vingt-et-unième place en matière de doses administrées pour cent personnes.
Est-ce digne de la sixième puissance économique du monde ?

Que nous propose le Président de la République pour faire face à ce désastre, à son propre échec ? La fermeture des crèches et des écoles pour trois semaines, et celle des collèges et des lycées pour un mois ; un effort de tous les soignants, alors que depuis un an, ils sont à bout de souffle et n’ont eu droit, en échange qu’à de belles paroles ; l’ouverture de nouveaux lits de réanimation, pour atteindre un objectif de 10 000 lits qui, depuis un an, s’avère inatteignable ; la systématisation du télétravail, alors qu’il reste au bon vouloir des employeurs ; et enfin la fermeture de tous les commerces dits non essentiels. Et cela, pourquoi ? Parce que l’acte de foi du Roi-Soleil n’a pas suffi à briser la courbe des contaminations. (M. Bruno Questel proteste.)

Après l’épisode calamiteux des masques, et celui, non moins funeste, des tests, l’échec de votre stratégie vaccinale est patent. Alors que vous avez tout misé sur la vaccination pour faire reculer le virus, que dire des plus de 75 ans, qui ne peuvent obtenir un rendez-vous ? Que dire des commandes de vaccins non encore honorées ? Que dire de la farce des vaccinodromes, refusés, puis ouverts, puis fermés ? Que dire du retard à mobiliser les capacités de production nationales pour produire des vaccins ? Que dire du département de la Seine-Saint-Denis, qui est le plus touché mais aussi celui où il y a le moins de vaccinés ? Que dire de l’annonce de 220 000 personnes vaccinées par jour, quand notre voisin anglais en vaccine un million quotidiennement ?

Le constat, c’est que depuis un an, notre pays n’a pas accru ses capacités hospitalières de manière pérenne, notamment en lits de réanimation. Avant l’épidémie, 5 000 à 5 100 lits étaient ouverts en France, avec des taux d’occupation moyens oscillant entre 85 et 90 %. Au 19 mars, la direction générale de la santé en recensait 7 503, dont 86 % étaient occupés par des patients atteints ou non par le covid-19. En réalité, l’ouverture de ces lits a impliqué des déprogrammations d’opérations, avec toutes les conséquences que l’on connaît. À l’inverse, certains hôpitaux ont continué à fermer des lits d’hospitalisation – c’est une réalité. Résultat : nous voilà revenus à la situation d’il y a un an. Les services de réanimation sont au bord de la saturation, et, pour reprendre l’expression d’un collectif de médecins de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le Gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite.
Quant aux écoles – parlons-en, des écoles ! –, les annonces que le Président a faites hier sont une catastrophe pour les enfants. Jusque-là, vous les avez laissées ouvertes : c’est ce qu’il fallait faire, non pour satisfaire les besoins du MEDEF (Mouvement des entreprises de France) et transformer les établissements en garderies, mais parce que les enfants en avaient besoin. Mais il fallait, dans le même temps, faire tout le nécessaire pour empêcher leur fermeture. Avez-vous suffisamment protégé les enseignants ? Non ! (« Non ! » sur les bancs des groupes GDR et FI.) Avez-vous recruté du personnel pour remplacer les absences inévitables en temps de pandémie ? Non ! (« Non ! » sur les bancs des groupes GDR et FI.) Avez-vous prévu des classes allégées pour éviter le développement de foyers épidémiques ? Non ! (« Non ! » sur les bancs des groupes GDR et FI.) Avez-vous testé largement, pour éviter la propagation du virus ? Non ! (« Non ! » sur les bancs des groupes GDR et FI. – « Oui ! »sur les bancs du groupe LaREM.) Allez-vous équiper les établissements de purificateurs d’air ? Non ! (« Non ! » sur les bancs des groupes GDR et FI. – « Oui ! »sur les bancs du groupe LaREM.)

Pire encore, monsieur le Premier ministre, vos annonces ne s’accompagnent d’aucune mesure garantissant que les choses sont désormais prises en main, et que nous reprendrons le contrôle sur la propagation de l’épidémie. Allez-vous profiter des fermetures d’écoles pour lancer un plan de recrutement exceptionnel, afin de réduire durablement les effectifs d’élèves dans chaque classe et de remplacer les enseignants absents ? Des moyens supplémentaires seront-ils accordés à l’université pour accueillir correctement les bacheliers de 2021, et leur garantir une place dans la formation de leur choix ?

La procédure Parcoursup sera-t-elle suspendue, pour ne pas mettre en concurrence des bacheliers qui n’ont pas bénéficié des mêmes conditions d’étude ? Avez-vous annoncé que vous prépariez d’ores et déjà la rentrée de septembre ? Nous savons bien que non ! Avez-vous garanti que pendant la fermeture, les enseignants seraient vaccinés et équipés pour être protégés, et que les locaux seraient équipés et repensés sur le plan sanitaire ? Non ! Avez-vous annoncé des mesures concrètes pour accompagner les enfants les plus fragiles et vulnérables pendant la fermeture des classes ? Nous savons que non !

Les travaux de la commission d’enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse, dont notre collègue Marie-George Buffet est la rapporteure, ont montré combien les effets du premier confinement ont été délétères pour l’apprentissage des enfants, en particulier chez ceux qui sont issus de milieux populaires.

Vous aviez l’obligation de vous soucier de leur sort, au même titre que de celui des enfants de soignants et de travailleurs de première ligne et des enfants handicapés. Les élèves décrocheurs, qui ne peuvent pas suivre les enseignements à distance depuis leur domicile, doivent aussi continuer à aller à l’école.

Pourquoi, par exemple, ne pas demander aux opérateurs téléphoniques la gratuité de la 4G pendant toute la durée de l’enseignement à distance, pour garantir à tous les enfants l’accès aux outils numériques ?
Il aurait aussi été de bonne politique de définir des règles nationales en matière d’enseignement à distance, pour éviter les inégalités entre les territoires et les établissements.

Nous en sommes, finalement, au même point que l’an dernier à la même date.

Vous nous faites les mêmes promesses de sortie de crise, mais sans mesures concrètes pour en sortir effectivement. Les mesures annoncées hier soir, et confirmées aujourd’hui, sont la conséquence de votre improvisation et d’une conduite solitaire du pouvoir. Vous nous mettez, une fois encore, devant le fait accompli, c’est-à-dire devant des décisions prises la veille pour le lendemain, sans consultation démocratique préalable, des décisions prises sans préparation.

Les oppositions – toutes les oppositions, voire au-delà – vous ont fait des propositions sérieuses, qui auraient mérité d’être étudiées et débattues.

Nous aurions pu bâtir, collectivement, une sortie de crise à la hauteur, mais puisque vous voulez continuer à décider seul, nous vous laisserons seul pour plébisciter les décisions déjà prises. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

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