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Déclaration de politique générale

Le soir de la défaite cuisante de son parti aux élections européennes, le président Macron a décidé de dissoudre notre assemblée. Après avoir plongé le pays dans la plus grande inquiétude, il s’est réjoui du mouvement de clarification qu’apporteraient les élections législatives.

La réponse des électeurs a été on ne peut plus claire : 80 % d’entre eux ont rejeté la politique présidentielle dès le premier tour et près des deux tiers se sont ensuite mobilisés au second tour pour faire barrage à l’extrême droite. Ils ont désigné le Nouveau Front populaire comme première force de l’hémicycle et l’ont donc appelé à diriger le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Malgré cela, le président Macron, recherchant un auteur pour continuer à écrire sa propre histoire, vous a désigné, monsieur le Premier ministre, à la tête d’un gouvernement composé principalement d’élus des Républicains et de la coalition présidentielle ; un gouvernement qui réunit les principaux perdants de l’élection et représente toutes les nuances – libérale, conservatrice, autoritaire – de la droite.

Trois mois plus tard, vous incarnez avec votre gouvernement la triple clarification élyséenne : concernant le profond irrespect du Président de la République pour la démocratie ; concernant les alliés qu’il s’est choisis pour poursuivre son programme politique ; concernant la volonté de l’extrême droite de ne pas entraver ce programme.

Complice de ce hold-up électoral, vous devez, pour garantir votre survie, composer entre votre promesse de poursuivre une politique néolibérale – condition sine qua non à votre recrutement – et votre allégeance à l’extrême droite. Telle est la philosophie de ce gouvernement, que vous a rappelée la présidente du groupe Rassemblement national.

Première satisfaction pour ce dernier : malgré le désastre économique et la détresse sociale auxquels est confronté le pays, vous renforcez la politique d’austérité budgétaire dans le prochain projet de loi de finances.

Qu’il ne vous reste presque rien est le résultat de sept ans de désarmement fiscal qui nous prive annuellement, selon la Cour des comptes, de 62 milliards d’euros de recettes en raison des baisses d’impôts offertes aux plus aisés et aux grandes entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS. – M. Gabriel Amard applaudit également.) Ces milliards n’ont jamais ruisselé et, malgré l’échec cuisant de cette politique, vous vous apprêtez à nous rejouer la même rengaine, qui compterait, selon votre ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, parmi les plus grandes réussites de ces dix dernières années.

Les quelques gages de charité fiscale que vous consentirez avec l’assentiment du Medef – et qui ont d’ailleurs déclenché la panique dans une frange radicalisée des députés du camp présidentiel – ne permettront pas de compenser les effets de cette politique désastreuse. Ces gages ne constituent en rien des mesures pérennes de justice fiscale, celle que les Français appellent de leurs vœux. Ils ne masqueront pas les coupes claires, préparées depuis des mois, qui rendent inaccessibles les modestes ambitions que vous avez affichées aujourd’hui. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)

Votre remède face à la dette aura des conséquences bien palpables : une absence de moyens à la hauteur des besoins dans l’hôpital public et pour l’accès généralisé aux soins ; une pénurie de moyens pour faire face à la crise du logement ; une absence de mesures ambitieuses pour soutenir la réindustrialisation d’un pays dont le secteur manufacturier ne représente qu’à peine 10 % du PIB, bien loin de la moyenne européenne ; une absence de moyens pour permettre à nos agriculteurs de faire face aux crises qui les mettent à terre – crise du revenu, crise climatique, crises sanitaires comme la fièvre catarrhale ovine (FCO) qui ruine des milliers d’élevages (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupes SOC. – M. Gabriel Amard applaudit également) ; une pénurie de moyens pour développer le transport ferroviaire et les transports pour tous dans le respect de l’environnement ; un abandon de toute ambition dans la lutte contre les effets du dérèglement climatique, dont de nombreux Français subissent déjà les effets ; une diminution drastique des moyens pour nos territoires dits d’outre-mer qui ne pourra qu’aggraver la crise économique et sociale qui les gangrène (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Danielle Simonnet applaudit également) ; un manque de moyens pour juguler la vulnérabilité économique et la détresse psychologique auxquelles est exposée la jeunesse.

Vous allez également poursuivre le programme présidentiel qui a conduit au naufrage de l’école publique. « Le navire ne changera pas de cap », dit votre ministre de l’éducation nationale, confirmant votre choix de l’immobilisme, du tri scolaire et de la reproduction sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.) Face aux personnels qui se sentent délaissés, face aux inégalités qui s’aggravent dans les salles de cours, face à la chute vertigineuse de la performance de notre système éducatif au niveau mondial, vous n’avez rien à proposer.

Tout cela a lieu grâce à la complicité de l’extrême droite (M. Frédéric Boccaletti s’esclaffe), qui vous donne quitus pour continuer à ronger la charpente de l’État social jusqu’à son effondrement irréparable (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR) ; qui applaudit aux propos de votre ministre de l’intérieur, quand il égrène ses priorités ou qu’il remet en cause l’État de droit, accusé de contrarier leur feuille de route xénophobe commune. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) L’État de droit n’est pas une option, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Ne pas l’avoir rappelé avec promptitude et fermeté fait augurer le pire pour notre édifice démocratique. Qu’allez-vous encore sacrifier de notre République en échange de la neutralité bienveillante de l’extrême droite ? En bon Savoyard, vous savez pourtant que quand on sème des épines, on ne va pas sans sabots.

Votre gouvernement sera celui du triomphe des insécurités.

Triomphe de l’insécurité économique et sociale, en premier lieu : aucune mesure concrète n’est prévue dans votre feuille de route pour sécuriser les conditions de vie et répondre à l’angoisse quotidienne de la précarité.

Vous continuez à mésestimer une partie grandissante de notre peuple, à commencer par les travailleurs précaires ou pauvres, les jeunes, les étudiants, les retraités, les familles monoparentales, les ménages les plus vulnérables, qui ne peuvent se projeter dans l’avenir faute de perspectives économiques et financières stables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. – Mme Danielle Simonnet applaudit également.) Vous ne proposez rien, sinon de vieilles recettes inefficaces, pour répondre à la précarité de l’emploi, à la stagnation des revenus, à l’augmentation du coût de la vie. Ah, si ! en Martinique, vous répondez par le bâton et par l’envoi de la huitième compagnie républicaine de sécurité, une première depuis 1958 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

Votre gouvernement sera aussi celui de l’insécurité géopolitique. Alors que des guerres bouleversent l’ordre du monde, que l’urgence est à l’action pour la paix, la France persiste à préférer le bruit des bottes au bruissement des ailes de colombe. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Sa complaisance coupable à l’égard du gouvernement d’extrême droite israélien met en danger la sécurité internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Après avoir abandonné le peuple palestinien aux bombes, la France abandonne le peuple du Liban, malgré l’accord de défense qui la lie à ce pays frère. Votre gouvernement ne fait aucun signe pour permettre à notre pays de retrouver son rôle historique dans cette région. La politique humanitaire ne suffira pas. Il faut des décisions politiques et diplomatiques fermes. Nous vous avons entendu sur la solution à deux États. Quand allez-vous reconnaître l’État de Palestine ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)

C’est enfin un gouvernement de l’insécurité institutionnelle, qui a confié sa durée de vie à l’extrême droite sans mesurer les effets d’une telle forfaiture démocratique sur les prochains scrutins. L’insécurité institutionnelle est également installée en Kanaky Nouvelle-Calédonie, où elle a déclenché des émeutes sanglantes. Votre décision de ne pas soumettre le dégel du corps électoral au Congrès est un premier geste d’apaisement. Nous vous attendons désormais pour accompagner le redressement économique et social du territoire.

Monsieur le Premier ministre, votre potion à base d’injustice, d’insécurité et d’instabilité est vraiment trop amère. Jamais nous ne troquerons notre démocratie contre une démocrature ! À « l’ordre, l’ordre, l’ordre », nous répondrons toujours « justice, justice, justice ». (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’opposeront radicalement à la poursuite de la politique d’austérité néolibérale et autoritaire par votre gouvernement. Nous resterons fidèles à nos engagements. Nous combattrons, avec détermination, le sabotage méthodique de notre État de droit. Par notre action parlementaire et nos propositions, nous défendrons les valeurs qui font la grandeur de notre République indivisible, laïque, démocratique et sociale. (Mmes et MM. les députés du groupe GDR se lèvent pour applaudir. –

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS, dont quelques députés se lèvent également.)

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