La présentation du programme de stabilité est souvent un moment de vérité pour le Gouvernement. Forcé de donner des gages à la Commission européenne, il doit se dévoiler. C’est ainsi que nous avons pu prendre connaissance de ce que visait réellement la réforme des retraites : atteindre un objectif de croissance des dépenses publiques en volume de 0,6 %, ce qui vient d’être confirmé par M. Le Maire, monsieur le ministre délégué.
Cette année, les différentes trajectoires de finances publiques exposées démontrent la volonté du Gouvernement d’accélérer la cure. L’objectif est simple : se conformer de nouveau aux critères désuets de Maastricht. Probablement ébranlés par la dégradation de la note française, vous entendez y aller encore plus fort. C’est ainsi que pour le déficit, vous visez désormais de 2,7 % en 2027 contre 2,9 % dans le projet de loi de programmation des finances publiques, rejeté en première lecture. Pour la dette, la cible sera 108,3 %, soit 4 points de moins que ce qui était prévu il y a un an.
Dans ce cadre, l’objectif que vous visez pour les dépenses publiques s’annonce des plus violents. Les effets le seront d’autant plus que, de manière dogmatique, vous n’actionnerez que ce seul levier. Après avoir, depuis 2017, diminué les impôts de près de 60 milliards chaque année, aucune mesure nouvelle n’est prévue sur le plan des prélèvements obligatoires alors même que s’accumulent les profits indécents et que les grandes fortunes ne font que s’enrichir. On se demande d’ailleurs où se trouve la fameuse taxe promise par le Président sur les rachats d’actions. On oscille entre deux hypothèses : promesse sans suite ou mesure au rendement insignifiant ?
La trajectoire de prélèvements obligatoires ne mentionne pas non plus la baisse des impôts sur les successions, pourtant largement annoncée.
Comme d’habitude, la baisse du déficit passera par des coupes dans les dépenses publiques. Là encore, vous accélérez. La loi de programmation des finances publiques prévoyait que le ratio de dépenses publiques diminue jusqu’à 53,8 %, en 2027 ; vous visez désormais 53,5 %.
Cet effort de l’État, mais aussi des collectivités locales et de la sécurité sociale, le Gouvernement le présente comme un principe de justice, un effort demandé aux administrations après les efforts demandés aux Français, notamment avec la réforme des retraites. Monsieur le ministre délégué, de qui vous moquez-vous ?
Qui peut croire que les dépenses de l’État sont un gaspillage ? En réalité, la baisse des dépenses publiques, c’est la poursuite de la dégradation des services publics, la réduction des droits sociaux et des investissements publics, politique qui pèse sur les Français, a fortiori sur les plus modestes.
Si l’on excepte les mesures de soutien et de relance, la croissance des dépenses publiques en volume visée pour 2023 et 2024 est de 0,3 %, puis de 0,8 % en moyenne sur la période 2025-2027, soit une moyenne annuelle 0,6 % pour les années 2023 à 2027. Jamais une hausse aussi faible n’avait été envisagée.
À l’heure où les lois de programmation se multiplient, dans l’armée, dans la police, à l’heure où le poids de certaines dépenses non pilotables s’accroît, à l’heure où les besoins d’investissements publics augmentent, un tel objectif ne pourra être atteint qu’au prix de coupes franches opérées dans la protection sociale et les services publics. Pour la cohésion sociale, un tel programme est dangereux. Il met en jeu la crédibilité de la France, dont vous semblez tant vous soucier.
La réforme des retraites vous a montré de manière implacable la détermination des Français à protéger leur modèle social. Leur seuil d’acceptabilité est désormais atteint et vous ne pourrez pas tirer sur la corde comme bon vous semble. Or en conditionnant vous-même la soutenabilité financière de la France à la réussite de vos réformes structurelles, vous montrez toute votre fébrilité aux marchés financiers.
Accélérer le désendettement de la France dans la période actuelle est un non-sens. Transformer notre pays dans une perspective écologique, sociale et solidaire impose de ne pas reproduire les erreurs du passé et de nous détourner des potions amères que préconise le dogme de l’austérité. C’est tout le contraire que vous faites avec ce programme de stabilité.