La présente proposition de loi a donné lieu à de nombreuses heures de débat, et ce à juste titre, d’abord parce qu’elle a été déposée après la consultation lancée par le ministère à la suite du suicide de Christine Renon à Pantin. Quiconque s’intéresse au quotidien des directeurs et des directrices d’école peut régulièrement entendre combien l’accumulation des tâches leur fait perdre le fil de leur mission, dont le cœur même devient impossible à cerner : ils le vivent et le disent quotidiennement. Leur charge de travail s’est notamment accentuée du fait de l’application de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; ils ont à cœur de mener à bien les tâches correspondantes, relatives à l’école inclusive, mais cela représente bien souvent pour eux un casse-tête. S’y est en outre ajouté, ces deux dernières années, l’alourdissement des protocoles sécuritaire puis sanitaire. Pourtant, leur indemnité n’a fait l’objet d’aucune bonification depuis de nombreuses années.
Nous mesurons donc combien il est important d’améliorer significativement les conditions de travail des directeurs et des directrices d’école. Alors que les débats en la matière devraient prendre de la hauteur, je remarque que la question de l’école est souvent traitée, sur le plan tant médiatique que politique, au prisme des thématiques les moins essentielles à son bon fonctionnement. Le roman national, La Marseillaise , les mères qui portent le voile ou l’uniforme sont ainsi des sujets abondamment commentés, tandis que le manque d’adultes dans les écoles, la crise de vocation organisée des professeurs ou l’asphyxie progressive de l’éducation prioritaire ne sont que très peu abordés.
Cela étant, la présente proposition de loi ne répond pas aux exigences exprimées depuis de nombreuses années par les directeurs et les directrices d’école. Le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a pourtant mené auprès d’eux une consultation, mais seulement pour faire l’inverse – ou quasiment – de ce qui en est ressorti.
En effet, selon cette consultation, les directeurs et directrices d’école refusent catégoriquement d’exercer une autorité hiérarchique sur les enseignants – cela a d’ailleurs presque toujours été le cas. D’après un sondage OpinionWay réalisé en 2019 pour le ministère, seuls 11 % des 29 000 directeurs interrogés – sur les 45 500 que compte la profession – souhaitaient « avoir un véritable statut de chef d’établissement ».
Cela prouve une nouvelle fois qu’une telle mesure ne constitue pas le cœur de leurs préoccupations et des problèmes qu’ils et elles rencontrent. C’est malgré tout le cœur de votre texte : l’article 1er donne au directeur d’école une autorité fonctionnelle sur les professeurs des écoles sans mentionner à aucun moment le rôle du conseil des maîtres, pourtant central au sein des écoles.
Vous n’avez pas seulement sélectionné une mesure qui n’était que très peu demandée : vous en avez choisi une à laquelle les directeurs s’opposent en majorité, tout en ne répondant pas à leurs principales préoccupations. Or en matière de direction d’école, la spécificité française trouve précisément sa source dans le fonctionnement démocratique du conseil des maîtres, né en 1908 afin de permettre un partage du pouvoir sur les questions pédagogiques. Ce mode de fonctionnement démocratique et collégial, associé à une culture de la mise en commun des intelligences, n’a pas l’air d’être dans l’air du temps : la loi pour une école de la confiance, qui a pour conséquence la mise au pas des professeurs, en témoigne. C’est pourtant un modèle pédagogique qui a fait ses preuves.
J’évoquerai enfin l’article 2 bis, qui a trait à l’aide administrative : dans la nouvelle rédaction issue de la commission mixte paritaire, celle-ci est assurée par l’État et c’est tant mieux – nous n’avons pas ménagé nos efforts, lors des débats à l’Assemblée nationale, pour défendre une telle modification et celle-ci est bienvenue. La rédaction précédente prévoyait une prise en charge par l’État ou par les collectivités territoriales, menant à une dilution de la responsabilité qui risquait de fragiliser la possibilité pour les écoles d’obtenir réellement une aide administrative, alors que de nombreux emplois d’aide à la direction ont été supprimés pendant le présent quinquennat. Il revient donc à l’État de combler ce manque et il est heureux que cette modification ait été adoptée car, autrement, la présente proposition de loi ne lui coûterait pas un euro.
Quoi qu’il en soit, le texte s’oppose formellement aux revendications des directeurs et des directrices d’école : pour ces raisons, le groupe GDR votera contre. (M. Jean-Paul Dufrègne applaudit.)