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Compétences de la Collectivité européenne d’Alsace

Nous sommes conviés à nous prononcer aujourd’hui sur un texte qui répond à une demande ancienne : celle de l’instauration en Alsace d’une écotaxe dont l’objectif est de corriger les effets de la création en 2005, chez nos voisins allemands, d’une taxe analogue. L’entrée en vigueur de ce péage poids lourds outre-Rhin a conduit, nous le savons, à des reports de trafic de transport de marchandises très importants sur les routes alsaciennes, provoquant la saturation des axes autoroutiers tels que l’A35.

Nous partageons la conviction qu’il est nécessaire d’instaurer une taxe visant les poids lourds en transit sur le territoire de la collectivité européenne d’Alsace, qui répond à d’évidents enjeux sanitaires et de qualité de vie pour les habitants. Néanmoins, le texte que vous nous proposez ne nous satisfait pas.

Nous avons, en premier lieu, eu plusieurs fois l’occasion d’exprimer nos plus vives réserves quant au transfert aux collectivités territoriales de la compétence relative aux routes et autoroutes du domaine public routier national non concédé. Ce désengagement de l’État nuit à l’unicité du réseau national et à l’égalité territoriale, dans un contexte de dégradation du réseau routier national qui interroge quant à la capacité de certaines régions à faire face à ces nouvelles compétences et à les assumer, à moins de les confier à des gestionnaires privés.

Ce type de transfert pénalise par ailleurs l’adoption d’une stratégie nationale d’aménagement routier et de transport cohérente avec les engagements de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Nous préférerions, pour notre part, un plan national de taxation autoroutière tirant les leçons de l’échec de l’écotaxe, afin en particulier de garantir que les ressources qui résulteront de l’instauration de taxes autoroutières n’aillent pas alimenter les budgets généraux des collectivités, mais l’investissement dans notre système ferroviaire et dans nos infrastructures fluviales. Nous devons, en effet, remettre au goût du jour les objectifs de report modal de la route vers le rail et le transport fluvial, définis il y a plus d’une décennie par le Grenelle de l’environnement.

D’autres dispositions du texte nous semblent soulever des difficultés. Ainsi, l’article 3 confie à l’eurométropole de Strasbourg le soin de reprendre les engagements liant l’État à la société ARCOS pour l’autoroute A355, s’agissant notamment du grand contournement ouest de Strasbourg.

Nous nous sommes prononcés régulièrement pour un moratoire sur ce projet de grand contournement. Nous continuons de considérer que ce projet ne répond pas durablement aux enjeux de court et long terme. La construction de ce contournement n’aura d’ailleurs probablement qu’un faible impact sur le trafic s’il ne s’accompagne d’un ensemble de mesures visant la réduction des flux automobiles, le développement des transports collectifs et la remise en cause de la métropolisation. Pour connaître le dossier du contournement de Rouen, je dois dire que la même logique produit les mêmes résultats. Nous restons sur cette posture.

Enfin, nous sommes très réservés sur l’amendement adopté à l’initiative de notre rapporteur, exonérant les véhicules utilitaires de moins de 3,5 tonnes du paiement de la taxe. Nous partageons, bien entendu, le souci d’épargner le transport domestique et les artisans. Mais, ainsi que l’a rappelé notre collègue Dominique Potier en commission, nous ne pouvons faire l’impasse sur la stratégie développée par les transporteurs d’Europe orientale qui utilisent des flottes de véhicules de petite taille pour parcourir les dernières centaines de kilomètres sur notre territoire avec les mêmes conséquences que le recours à de plus gros véhicules en matière d’émissions, de pollution sonore et atmosphérique et de concurrence déloyale. La suppression, en commission, de l’article 1er bis A introduit au Sénat ne nous paraît donc pas opportune et nous considérons, pour notre part, qu’une réécriture plus précise de l’ordonnance est nécessaire.

Si nous sommes favorables sur le principe à la création d’une taxe poids lourds en Alsace, à ce stade, pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, nous nous prononcerons définitivement contre le présent projet de loi de ratification qui, selon nous, est largement inabouti.

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Hubert
Wulfranc

Député de Seine-Maritime (3ème circonscription)

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