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Commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer

Je parle ce soir au nom du groupe GDR, composé pour moitié de députés ultramarins. Ils sont souvent définis comme tels, alors qu’ils sont aussi, et avant tout, des députés de gauche, progressistes, indépendantistes, qui défendent la justice sociale et environnementale.

Nos travaux communs m’ont appris – nous ont appris – combien les réalités ultramarines sont riches de diversité. Or, dans les textes, ces réalités aux multiples visages sont souvent réduites à un ou deux articles chapeautés du titre générique « Dispositions relatives à l’outre-mer ».

Le texte que nous examinons vise justement à mettre en lumière ce manque de considération, voire, dans certains cas, ce clair mépris, à l’égard de nos compatriotes ultramarins. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce mépris, qui est bien au cœur de la question coloniale, revêt une résonance particulière pour les habitants des territoires inscrits sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU comme pour ceux des départements qui ont vécu la domination coloniale et les atrocités qu’elle a entraînées.

Le travail accompli au quotidien par l’ensemble des députés ultramarins du groupe GDR-NUPES – et plus largement de l’Assemblée nationale – et par mon collègue Davy Rimane, président de la délégation aux outre-mer, montre la nécessité de prendre en compte la diversité des réalités locales et de les appréhender dans leur singularité. Adopter ce texte donnerait de véritables moyens pour y travailler au sein du Parlement : des moyens humains, matériels et financiers, tels que la mise à disposition d’une équipe de fonctionnaires, d’une salle de réunion et de crédits pour payer les frais de mission ou d’études. Cela offrirait également davantage de moyens légistiques – dont les délégations parlementaires ne disposent pas –, tels que la faculté de déposer des amendements et de demander la création d’une commission spéciale ou d’une commission d’enquête.

Par ailleurs, la création d’une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer permettrait à la représentation nationale de légiférer de manière éclairée sur les réalités locales ultramarines. Au cours des maigres débats qui ont animé l’Assemblée nationale suite aux événements survenus en Nouvelle-Calédonie, nous avons mesuré combien le temps de débat, d’appréhension et d’appropriation des réalités et des spécificités des territoires et des départements ultramarins – en l’occurrence de la Nouvelle-Calédonie – manquait à de nombreux députés pour mieux comprendre la situation. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, et Écolo-NUPES.)

Trop souvent, les « Dispositions relatives à l’outre-mer », qui figurent d’habitude parmi les derniers articles des textes, renvoient à des ordonnances sur lesquelles les représentants de la nation – qui plus est les députés ultramarins – n’ont aucune marge de manœuvre. Quasi systématiquement, les adaptations rendues nécessaires par la spécificité des territoires ultramarins sont omises dans les textes, qu’ils soient d’initiative parlementaire ou gouvernementale, ou bien renvoyées à des ordonnances. Et même quand cela est prévu, le temps de débat qui y est réservé est très limité et un mépris ou un manque de considération s’expriment à l’encontre des députés ultramarins – on leur explique qu’ils connaissent moins bien leurs propres réalités territoriales que le Gouvernement.

Cette manière de légiférer a été largement documentée et dénoncée, notamment par des parlementaires. Je pense au rapport sénatorial de 2020 intitulé « Différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ? ». Il s’agit ni plus ni moins d’une rupture d’égalité entre les citoyens ultramarins et ceux de l’Hexagone.

Au cours de nos débats en commission des lois, j’ai entendu des collègues qui, tout en soulignant l’intérêt porté aux réalités ultramarines, rejetaient ce texte au motif que les demandes formulées par Davy Rimane ne permettraient pas de renforcer l’attention à ces questions. Nous nous sommes posé la question suivante : si vous considérez que les réalités, les spécificités et les habitants des territoires ultramarins n’occupent pas suffisamment de place dans les débats parlementaires et que nous devons y porter davantage d’intérêt et y accorder davantage de considération, quelles évolutions du fonctionnement de l’Assemblée nationale proposez-vous pour y parvenir ?

Nous espérons que le débat d’aujourd’hui, même s’il sera malheureusement court – nous appelons à ce qu’il soit prolongé –, nous permettra d’y répondre ensemble. En défendant cette proposition de loi constitutionnelle, Davy Rimane s’intéresse moins au nombre de places dont disposeraient les députés ultramarins dans une ou plusieurs commissions qu’aux places des députés hexagonaux qui s’approprient ces problématiques, étudient les besoins et les réalités des outre-mer, y réfléchissent. En défendant cette proposition de loi, nous demandons que l’ensemble des députés de la nation qui siègent sur ces bancs se préoccupent sincèrement de la situation des outre-mer – et pas seulement par bonté d’âme pour souligner au détour d’une phrase ou d’un discours l’importance des outre-mer. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.) Nous voulons que les réalités néocoloniales ne soient pas niées, mais prises en compte dans toutes les dispositions législatives.

Enfin, les discours sur l’indivisibilité et l’unité de la République, dont je reconnais l’importance – en tant que députés de la nation, nous y souscrivons tous –, ne peuvent servir de couvercle posé sur les spécificités des outre-mer. C’est bien cela qui nous anime ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)

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