M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
M. Michel Vaxès. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme du processus législatif de révision des lois bioéthiques, je veux d’emblée exprimer mon désappointement quant au déroulement des débats et à la vacuité des arguments de la majorité, notamment sur la question de la recherche. Ils en disent long des postures partisanes que ne méritait pas la réflexion éthique.
Alors qu’en première lecture, nos débats ont été, dans l’ensemble, sereins, il n’a échappé à personne que des pressions d’une rare intensité ont pesé sur les parlementaires de la majorité, au point que le silence de ceux d’entre vous dont les positions s’éloignaient de la ligne fixée par l’UMP en est devenu assourdissant. Manifestement, sur la question importante de la recherche, votre réflexion éthique s’est progressivement dissoute dans des considérations partisanes exprimant davantage la soumission que les convictions. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mme Catherine Génisson. Et pourtant, M. Vaxès est modéré !
M. Paul Jeanneteau. Il suffit de regarder comment cela se passe au PS !
M. Michel Vaxès. Ce choix a tout particulièrement pollué le débat constituant la pierre angulaire de ce texte : la recherche sur l’embryon sans projet parental et sur les cellules souches embryonnaires.
Pourtant, l’Agence de la biomédecine, le Conseil d’État, l’Académie de médecine, l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et même, dans un premier temps, notre rapporteur, avaient préconisé la sortie du régime actuel d’interdiction au profit d’une autorisation très encadrée.
Mme Catherine Génisson. C’est vrai !
M. Michel Vaxès. Comment comprendre qu’après plusieurs années de légitimes dérogations autorisant dans les faits des recherches interdites dans la lettre, se perpétue longtemps encore ce qui est devenu, sept ans après la loi de 2004 et le travail sérieux de l’Agence de la biomédecine, une hypocrisie ?
Permettez-moi de rappeler les quatre exigences que le Sénat avait posées pour créer les conditions du passage au régime d’autorisation : premièrement, la limitation de la recherche aux embryons conçus dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, qui ne font plus l’objet d’un projet parental et qui seront, de toute manière, destinés à être détruits ; deuxièmement, l’interdiction de la création d’embryons aux seules fins de recherche ; troisièmement, le recueil du consentement exprès des parents, ; quatrièmement, la recherche menée dans un but exclusivement médical.
Dès lors, il ne s’agissait pas, comme vous avez pu injustement le faire valoir, d’un glissement éthique ou d’une extension incontrôlée des possibles, mais bien de mettre fin à un régime d’interdiction qui n’a aujourd’hui plus aucun sens. Pas plus que n’a de sens le revirement de certains sénateurs en CMP, ce qui donne encore plus de relief aux interventions courageuses du rapporteur du Sénat.
Pourquoi vous y êtes-vous opposés ? Fondamentalement pour une seule raison : la confusion persistante que vous entretenez entre « vie » et « vie humaine ».
Vous refusez d’admettre que l’humain est d’une autre essence que le biologique, que l’humanité est une réalité historico-sociale. Vous peinez à vous dégager plus nettement de l’homo sapiens sapiens, vous refusez d’admettre que l’homme est le monde de l’homme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J’ai fait mes choix philosophiques ! Votre cécité à ce sujet nourrit votre incapacité à changer le monde en changeant l’homme pour un devenir plus humain. Pour ces raisons, vous pataugez dans de redoutables contradictions. Leur illustration la plus éclairante s’est manifestée dans votre rejet d’un amendement, issu pourtant de vos propres bancs, peut-être trop humain pour que certains d’entre vous y soient sensibles : celui de la possibilité, dans des conditions très particulières et très encadrées, du transfert post mortem.
Pour ce qui nous concerne, fidèles à nos principes éthiques, nous ne contraignons aucun des membres de notre groupe à un vote qui heurterait sa conscience. Chacun de nous se déterminera comme il l’entend.
M. Philippe Gosselin. Chez nous aussi !
M. Michel Vaxès. Pour ce qui me concerne, je m’abstiendrai, car je considère que notre débat aurait pu aboutir à un consensus, dès lors que, seules, les préoccupations éthiques l’auraient, de bout en bout, traversé. Tel n’a pas été le cas, et je le regrette d’autant plus profondément que cette perversion du débat éthique signe la mise à mal du contre-pouvoir qui devrait caractériser le pouvoir législatif. Nous verrons, dans le débat de ce soir, que le contre-pouvoir judiciaire n’est pas mieux loti. C’est navrant et, ce qui est sans doute pire, c’est dangereux pour la démocratie et pour les institutions de la République.
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