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Calcul retraite de base des non-salariés agricoles

Je dois vous avouer qu’à la première lecture de votre texte et de son exposé des motifs, monsieur le rapporteur, j’ai été saisi par la beauté du geste, admiratif devant cet ovni réglementaire à caractère législatif apparu soudainement dans le ciel de nos campagnes – à moins que les héritiers du Général n’aient voulu tester un nouvel hybride, croisement entre le modernisme de l’ordonnance macronnienne et la rusticité du décret-loi, dont le dernier usage remonte à la IVe République.

Indéniablement, votre OGM – organisme génétiquement modifié – aurait pu concourir pour le prix de l’innovation politique afin d’être inscrit au catalogue. Heureusement, votre présentation du texte devant la commission des affaires sociales et le contenu de votre excellent rapport m’ont finalement rassuré. Vous avez tenu à rectifier certaines imprécisions, pour ne pas dire occultations. Vous avez également rappelé, à juste titre, à quel point la complexité du régime des non-salariés agricoles et les modalités de calcul de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle sont des facteurs limitant le niveau de pension ; c’est d’ailleurs pourquoi la création du régime complémentaire obligatoire (RCO) est venue améliorer au coup par coup un système de retraite qui reste cependant insuffisant pour garantir un niveau de vie digne à l’ensemble des travailleurs de la terre.

Vous avez aussi rappelé, contrairement à ce qui est affirmé dans l’exposé des motifs, que les avancées des lois dites Chassaigne 1 et 2 ont permis d’améliorer sensiblement la situation des retraités agricoles, actuels comme futurs. Là encore, vous avez raison : alors même que les agriculteurs sont soumis aux mêmes exigences que les autres professions en matière d’âge légal et de durée de cotisation, le niveau moyen des pensions de retraite agricole dans notre pays reste très insuffisant et très en deçà du niveau moyen des autres pensionnés, ce qui n’est pas à la hauteur de la reconnaissance que nous leur devons.

Votre proposition d’alignement du calcul de la retraite de base des non-salariés agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années apparaît donc comme une mesure de justice, en ce qu’elle ouvre des droits identiques à ceux de la majorité des actifs de notre pays. Elle pose cependant de nombreuses difficultés au regard des incertitudes sur les conditions de son application et des effets de bord qu’elle est susceptible de comporter. Vous l’avez dit vous-même, il est indispensable de pouvoir bénéficier de véritables simulations et de scénarios affinés afin de déterminer les modalités concrètes d’une telle réforme. J’ai été soulagé en découvrant votre réécriture de l’article 1er : si j’avais songé à présenter un amendement similaire afin de remédier aux subtiles imperfections du texte initial, je dois dire que je suis comblé à la lecture du vôtre.

Une fois ce rapport établi, il conviendra de veiller tout particulièrement aux effets d’une telle réforme sur le niveau des pensions des agriculteurs qui font toute leur carrière au sein d’exploitations familiales et de petite taille, avec des chiffres d’affaires et des revenus particulièrement limités. Vous conviendrez qu’en aucun cas les avancées que vous et nous souhaitons réaliser ne doivent pénaliser les agriculteurs aux revenus les plus modestes, que ce soit dans l’hypothèse d’un système par points, même rénové, ou dans celle d’un système en annuités.

De même, il faudra veiller scrupuleusement aux conditions exigibles en fonction des différents statuts – chef d’exploitation, collaborateur d’exploitation, années passées en tant que conjoint collaborateur ou aide familial – et nous pouvons compter pour cela sur ce joyau du monde agricole qu’est la MSA. En revanche, je considère qu’un tel engagement ne devrait pas être pris sans débat éclairé devant la représentation nationale et renvoyé à une définition par décret. Êtes-vous d’accord sur ce point, monsieur le rapporteur ?

J’ajoute qu’au-delà de l’ambition tout à fait honorable du texte, une autre nuance à apporter tient manifestement au fait que cette réforme ne bénéficierait pas aux retraités agricoles qui figurent justement parmi les plus bas niveaux de pension auxquels vous avez fait référence. Enfin, même si nous y sommes confrontés sur tous les textes visant à proposer de nouveaux droits, on ne peut passer outre la question du financement d’une telle réforme. Si les lois Chassaigne 1 et 2 ont finalement pu bénéficier de la levée du gage par le Gouvernement et de la mise à contribution de la solidarité nationale, cette réforme nécessitera de disposer de nouvelles recettes pour le régime. Il faut donc aborder ce sujet sans tabou ; à défaut, en l’absence de chiffrage et de certaines précisions, il est des mains qui pourraient être prises de tremblements au moment de valider votre œuvre législative, ce qui n’est pas souhaitable. Pour leur part, convaincus par la portée révolutionnaire de votre texte et par le soutien bienvenu du Gouvernement, les députés du groupe GDR lèveront la main, voire le poing, pour le voter. (Sourires et applaudissements sur de nombreux bancs.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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