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Assurer le droit de chaque enfant à être assisté d’un avocat dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative et de protection de l’enfance (PPL)

Quand un pays n’est plus capable de garantir la sécurité des enfants qu’il prend en charge, c’est toute la politique de protection de l’enfance qui vacille. Aujourd’hui, nous faisons face à une crise profonde, documentée, incontestable.
Le délai moyen pour que les mesures de protection soient réellement mises en œuvre est supérieur à six mois. 77 % des juges des enfants disent avoir déjà renoncé à prendre des décisions de placement, en raison d’un manque de solutions de prise en charge. Autre chiffre bouleversant et inacceptable : les jeunes pris en charge par l’ASE ont en moyenne une espérance de vie inférieure de vingt ans à celle du reste de la population.
Cette crise révèle à la fois le manque de moyens, les dysfonctionnements et les défaillances structurelles des politiques publiques de l’enfance. Elle nourrit des maltraitances institutionnelles à l’égard des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance. On parle de traitements humiliants et dégradants, de violences sexuelles, d’actes de torture, de prostitution et parfois de mort.
Ces drames ne devraient pas seulement émouvoir nos c ?urs de mère ou de père, ils devraient être le moteur d’un engagement sans faille pour que plus jamais cela ne se reproduise.
Alors je m’adresse à vous, madame la ministre, en vous disant qu’on ne peut se payer de mots en la matière et que nous ne pouvons plus attendre.
L’examen de ce texte, qui vise à une meilleure prise en compte de la parole de l’enfant, est un premier pas et un pas important dans cette direction, et je vous remercie, madame la rapporteure, de permettre que la lutte des anciens enfants placés trouve un chemin.
Assurer le droit de chaque enfant à disposer d’un avocat dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative et de protection de l’enfance est une évolution défendue depuis plusieurs années et qui s’inscrit dans les prescriptions de la Convention internationale des droits de l’enfant, laquelle exige que les enfants soient entendus, assistés et défendus dans toute procédure les concernant. Pendant trop longtemps, la parole de l’enfant a été un sujet absent ou secondaire des politiques publiques relatives à l’enfance, et nous en voyons aujourd’hui les effets terribles. Pourtant, la Défenseure des droits, le Conseil économique, social et environnemental, le Comité de vigilance des enfants placés ou encore le Conseil national des barreaux soulignent depuis longtemps la nécessité de mieux recueillir et prendre en compte la parole de l’enfant et de protéger ses droits fondamentaux, tout au long de la mesure d’assistance éducative.
Pour garantir le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, il est indispensable de comprendre ce que l’enfant ressent et d’écouter ce qu’il a à dire chaque fois qu’une décision relative à sa situation doit être prise. Et pour cela, il faut un professionnel formé, capable de comprendre ce que l’enfant exprime pour l’aider à formuler son avis. Certes, la loi du 7 février 2022 a posé un cadre nouveau en prévoyant que, lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige, le juge désigne un avocat pour l’enfant capable de discernement ou un administrateur ad hoc pour celui qui ne l’est pas. Elle a également rendu obligatoire l’entretien du mineur avec le juge, au cours duquel ce dernier doit l’informer de son droit d’être accompagné d’un avocat. Mais en pratique, cette information est souvent trop rapide, mal comprise, et l’enfant peine à exercer ce droit. Dans les faits, la désignation d’un avocat ou d’un administrateur ad hoc est loin, très loin d’être systématique.
Or, comme la rapporteure le rappelle dans son rapport, les expérimentations déjà menées dans plusieurs tribunaux se sont révélées concluantes. Les magistrats et avocats y ayant participé ont souligné que la présence d’un avocat auprès des enfants faisant l’objet d’une procédure d’assistance éducative avait contribué à renforcer l’effectivité des droits de l’enfant. Les professionnels ont observé que l’assistance de l’avocat et sa capacité à transmettre les propos de l’enfant permettaient au juge de mieux comprendre la situation et les besoins de l’enfant, ce qui l’aidait à mieux remplir sa mission. Cette idée, ancrée chez certains depuis des années, que le juge des enfants et l’avocat de ces mêmes enfants s’opposent l’un à l’autre n’a pas lieu d’être.
Enfin, l’avocat permet de lutter contre les violences institutionnelles, en dénonçant, le cas échéant, les maltraitances subies par l’enfant, dans le respect de sa parole.
Pour un enfant, un avocat, c’est un adulte qui n’a aucun autre intérêt que le sien. C’est une présence qui rassure, qui protège, qui explique. C’est celui qui l’aide à mettre des mots sur ses peurs, sur ses envies, sur sa réalité. Parce qu’un enfant, on le sait, n’a pas toujours les mots ; parce qu’il n’ose pas toujours contredire un éducateur, un parent, une institution ; parce qu’il a peur d’être mal compris ou de ne pas être cru ; parce qu’il a déjà trop souvent été silencié. L’avocat, c’est la garantie qu’une voix qui tremble sera malgré tout entendue.
C’est pourquoi, chers collègues, je vous invite à voter ce texte. Nous le devons aux enfants sous protection de l’enfance, à la lutte de toutes celles et ceux qui demandent cette mesure depuis longtemps. Peut-être le devons-nous plus encore à celles et ceux qui ne peuvent plus témoigner, du fait de la défaillance institutionnelle qui a été organisée. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)
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