Vous nous proposez un texte qui vise à sécuriser l’approvisionnement des Français en produits de grande consommation. L’intitulé est prometteur, mais trompeur. En réalité, l’ambition de votre proposition de loi est louable, mais plus modeste. Il s’agit d’apporter des correctifs aux lois Egalim 1 et Egalim 2 pour tenir compte du contexte instable et fortement inflationniste dans lequel se déroulent les négociations commerciales entre les fournisseurs et la grande distribution.
Malheureusement, l’adoption de cette proposition de loi ne suffirait pas à conjurer les hausses consécutives à l’envolée des prix des matières premières agricoles et industrielles, ni à éviter la disparition d’entreprises, les destructions d’emplois et les ruptures de production.
Les retouches que vous voulez apporter au dispositif très lacunaire d’encadrement des relations commerciales ne permettraient pas non plus d’atteindre le point d’équilibre que vous recherchez, entre la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des Français, d’un côté, et celle de permettre aux fournisseurs de faire face à l’envolée des prix des matières premières agricoles et industrielles, de l’autre. En effet, dans le contexte économique actuel, la voie pour parvenir à ce point d’équilibre ne passera pas par la régulation des relations commerciales. Pour faire simple, soit les distributeurs accèdent aux demandes d’augmentations tarifaires des fournisseurs, et les consommateurs seront étranglés, soit ils refusent d’y accéder, et les entreprises seront contraintes de réduire leur activité, voire de mettre la clef sous la porte.
Alors que les prévisions macroéconomiques convergent vers des niveaux d’inflation supérieurs à 4 % en 2023, parfois proches de 5 %, et que les prix des matières premières agricoles et de l’énergie devraient se maintenir à des niveaux élevés, quelles mesures d’urgence pouvons-nous envisager ?
Il faut agir prioritairement sur les salaires et sur les prix de l’énergie. En matière de régulation des prix de l’énergie, les aménagements successifs proposés par le Gouvernement montrent aujourd’hui leurs limites. La solution immédiate la plus viable consisterait à suspendre et à remettre en cause le fonctionnement du marché européen de l’énergie.
Du côté des consommateurs, il est possible d’envisager la suppression totale de la TVA sur les denrées de première nécessité, comme l’a proposé le gouvernement espagnol. En l’absence de mesures de sécurisation de la chaîne de valeur, l’incidence d’une telle décision sur le pouvoir d’achat serait toutefois incertaine. Agir sur les salaires et sur les pensions en les indexant sur l’inflation, comme c’est le cas pour le Smic, serait autrement efficace et pertinent.
En matière de négociations commerciales, il est également possible de dégager des marges de manœuvre afin de sécuriser la chaîne de valeur en instaurant des prix planchers et un coefficient multiplicateur. La régulation publique des prix et des marges constitue à cet égard un enjeu majeur. A contrario , les aménagements que vous proposez soulignent les faiblesses intrinsèques de l’approche très libérale des négociations commerciales qui a gouverné la rédaction des lois Egalim 1 et 2.
Si nous, députés du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES, jugeons ce texte très insuffisant, nous n’y sommes cependant pas hostiles. Certaines mesures sont les bienvenues. Je pense en premier lieu à votre dispositif de lutte contre l’évasion juridique pratiquée par certaines enseignes, qui délocalisent la négociation contractuelle afin de la soumettre à des dispositions juridiques moins protectrices des intérêts des agriculteurs français et du fabriqué en France. Je pense encore à la prolongation du seuil de revente à perte qui, dans la période actuelle, nous semble une mesure de sagesse. Je pense enfin au plafonnement des pénalités logistiques, introduit lors de l’examen en commission.
Nous restons en revanche plus circonspects s’agissant des dispositions de l’article 3, qui risquent de susciter des effets d’éviction pour les PME et les ETI, faute de durcir les conditions de négociation, ce qui supposerait une régulation publique et un encadrement beaucoup plus strict des prix et des marges.
Nous voterons donc le texte que vous nous proposez. S’il ne tiendra pas la promesse de son titre, il traduit la volonté d’œuvrer à améliorer, pas à pas, le cadre des négociations commerciales, dans le sens d’un meilleur équilibre ; il contribue à atteindre un objectif que nous soutenons : la lutte contre les pratiques toujours aussi carnassières des acteurs de la grande distribution. (M. Frédéric Descrozaille, rapporteur de la commission des affaires économiques, applaudit.)