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Amélioration du système de santé - CMP

Depuis plus d’un an, notre système de santé est mis sous tension par une crise sanitaire qui n’en finit plus. Arrivés dans la crise affaiblis par des années d’austérité, avec un ONDAM – objectif national des dépenses maladie – compressé à chaque budget de la sécurité sociale, les soignants doivent toujours faire avec les moyens du bord. Ils sont épuisés et doivent compenser par un surcroît de travail et par la culture de la débrouille, alors que les démissions se multiplient à l’hôpital public. Cet échec, c’est aussi celui du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État : vous avez été rattrapés par le réel et vous êtes maintenant dépassés ! Le taux d’occupation des lits de soins critiques atteint 113 % au niveau national, avec 5 838 personnes en réanimation en date du 11 avril, un niveau jamais atteint lors de la seconde vague. Mais tout est sous contrôle, selon les propos du Président de la République.

Le Gouvernement répète qu’il a appris de ses erreurs. Comment le croire, quand cette mauvaise séquence donne l’impression à chaque Française ou Français d’être le personnage principal incarné par Bill Murray dans le film Un jour sans fin ?

Les mesures de rattrapage insuffisantes, oublieuses – notamment des personnels médico-sociaux – et inégalitaires prises dans le cadre du Ségur de la santé en juillet 2020, en matière de rémunération, d’embauches et de lits, semblent dérisoires au regard la situation sanitaire actuelle. Il manque toujours des lits ; il manque toujours du personnel pour les faire fonctionner. Pire, les fermetures et les restructurations continuent dans certains établissements, au nom de la rationalisation aveugle des dépenses publiques de santé. Votre pied ne rentre pas dans la pantoufle de vair, le réel ne rentre pas dans votre boîte.

Alors, comment vous faire confiance sur l’objectif de 10 200 lits de réanimation ? Depuis le début, vous appliquez les préceptes du « toyotisme », avec une gestion à flux tendu des ressources hospitalières qui se fait au prix de déprogrammations massives des soins en chirurgie, en orthopédie ou dans les urgences pédiatriques notamment.

Cette politique d’austérité, vous proposez même de la poursuivre pour les cinq prochaines années, comme en témoigne le programme de stabilité transmis cette semaine à la Commission européenne. Selon vous, la solution consiste à réduire encore et encore les dépenses publiques, au moment où le besoin d’une intervention massive de l’État n’a jamais été aussi prégnant en matière de santé et de solidarité.

Dans ce contexte, le texte présenté comme le volet organisationnel du Ségur de la santé n’est pas la réponse : il apporte sa pierre à la logique de déréglementation. La première partie du texte entreprend ainsi une réorganisation des compétences des professions médicales et un développement de la pratique avancée, dont on doute qu’ils puissent répondre à eux seuls au contexte de pénurie de la ressource médicale. Nous sommes néanmoins favorables à la reconnaissance des qualifications et des métiers. Vous devriez d’ailleurs en faire aussi bénéficier les infirmiers anesthésistes diplômés d’État, fortement mobilisés dans tout le pays, car pour eux cette loi rate le coche ; c’est d’autant plus important compte tenu du tribut qui est exigé d’eux pour monter les structures de réanimation dont nous avons besoin. Monsieur le secrétaire d’État, recevez-les.

D’autres mesures prévoient d’assouplir les règles de recrutement des praticiens hospitaliers en s’affranchissant des procédures habituelles, sans que cela ne garantisse une meilleure couverture des besoins de santé. Pour l’hôpital public, vous proposez peu de chose ou, du moins, toujours les mêmes recettes. Si quelques mesures vont dans le bon sens, comme l’ouverture de la gouvernance des hôpitaux à de nouveaux acteurs ou la volonté de redonner des prérogatives aux médecins dans l’organisation des services, d’autres risquent au contraire de prolonger le malaise hospitalier. Vous prévoyez ainsi plusieurs mesures visant à renforcer la toute-puissance des groupements hospitaliers de territoire, sans que le bilan de leur utilité ait été tiré et alors qu’ils contribuent bien souvent à des restructurations hospitalières ou à une mutualisation des moyens aux dépens des petits hôpitaux. Nous engagerons un travail à ce sujet dans les prochains jours au sein de la mission d’évaluation et de contrôle des comptes sociaux.

Vous rendez également obligatoire la mise en place d’un volet managérial dans chaque établissement hospitalier, poursuivant ainsi l’instauration de règles de management privé dans le service public de santé – ces mêmes logiques de rentabilité qui sont dénoncées depuis tant d’années par le personnel soignant car elles conduisent à une perte de sens sur le terrain au quotidien et à la déshumanisation du soin, vu avant tout comme un acte tarifé.

En fin de compte, ce texte donne une impression de bricolage. Ses mesures ne changeront probablement rien au mal-être hospitalier, au défi de la désertification médicale ni aux carences constatées en matière de démocratie sanitaire. Vous ne serez donc pas surpris si, faute d’y voir de réelles améliorations pour notre système de santé, les députés de notre groupe se prononcent contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.)

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

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