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Discussions générales

Ajout du nom de V Giscard d’Estaing à celui des musées d’Orsay et de l’Orangerie

Faut-il rappeler que j’ai une certaine légitimité à intervenir sur cette proposition de résolution ? D’abord pour avoir siégé à partir de 1982 avec Valéry Giscard d’Estaing au conseil général du Puy-de-Dôme, dont j’étais alors le benjamin et lui un inattendu et atypique revenant après l’élection présidentielle ; ensuite pour avoir dirigé un groupe dont l’opposition à sa présidence du conseil régional d’Auvergne était sans concession. Faut-il également rappeler que le fossé politique et social qui nous séparait ainsi que nos joutes oratoires n’ont jamais fait obstacle au respect voire à la considération que nous avions l’un pour l’autre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, Dem et SOC.)

Mais ce n’est pas sur le fondement de ces cheminements arvernes partagés à résonances grégaires que je soutiens cette proposition de résolution visant à ajouter le nom de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing à celui du musée d’Orsay. Le communiste que je suis est, à l’image de son parti, très attaché à la sauvegarde du patrimoine industriel dont la gare d’Orsay est une si belle expression dans le domaine ferroviaire. Cet édifice monumental associe une superbe verrière à structure métallique à un parement de pierres richement orné et offre le témoignage d’une voie ferrée pénétrant au c ?ur de Paris. Au-delà de son architecture, ce monument est une respiration de la mémoire de la classe ouvrière du XIXe siècle, un souffle de ces ouvriers qui ont tant donné de leur chair à la révolution industrielle et tant souffert de l’injustice sociale.

Certes, me direz-vous, le président Giscard d’Estaing, pas plus que son successeur n’avait le monopole du c ?ur, n’avait celui de la culture patrimoniale et encore moins celui de la culture ouvrière. Mais, reconnaissons-le, sans sa volonté, ce bâtiment allait subir le sort des anciennes halles de Paris pour laisser la place à une construction contemporaine comme Beaubourg. Comment ne pas citer Victor Hugo : « Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde, à vous, à moi, à nous tous. Donc, le détruire, c’est dépasser son droit » ?

Faut-il rappeler aussi, mais sans doute est-ce anecdotique, que la succession du camarade Picasso, dont le génie artistique avait connu quelques plus-values, a pu se régler grâce à une mesure initiée par le secrétaire d’État aux finances Giscard d’Estaing qui a ouvert la voie à ce que des droits de succession puissent être payés par des ?uvres d’art ? La dation Picasso est ainsi à l’origine de la belle réalisation du musée national Picasso ; je n’irai pas jusqu’à proposer que le musée Picasso prenne aussi le nom d’un président qui a toujours assumé son parti pris libéral et que j’ai toujours combattu avec, faute de pinceaux, deux outils du patrimoine ouvrier : la faucille d’une main et le marteau de l’autre. (Sourires sur de nombreux bancs.) Pour reprendre Pierre Corneille, « le temps est un grand maître, il règle bien des choses ».

Je terminerai mon intervention en donnant lecture du courrier manuscrit envoyé par François Mitterrand à Valéry Giscard d’Estaing le 21 novembre 1986 : « Monsieur le président, le 1er décembre aura lieu comme vous le savez l’inauguration du musée d’Orsay. Au-delà des invitations qui découlent du protocole et des bons usages, je vous écris pour que vous sachiez mon vif désir de votre présence ce jour-là au premier rang des personnalités conviées à cette cérémonie. Ce musée vous doit d’exister, j’en parachève l’entreprise. Il y fallait du temps : nous y sommes. La continuité de l’État, dans un domaine qui ne prête pas à interprétations politiques, serait heureusement affirmée de la sorte. Je me permets d’espérer votre accord et j’y serais fort sensible. » Tout est dit.

Ce courrier offre une confirmation de ce que, dans notre République, ce sont toujours les rois qui font les arts : du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou au musée du Quai Branly - Jacques Chirac, en passant par la grande bibliothèque François-Mitterrand et bientôt, comme je le souhaite, le musée d’Orsay - Valéry Giscard d’Estaing. Oui, je le souhaite, chers collègues et cher Louis, mais tout en restant de l’autre côté de la barricade ! (Sourires et applaudissements sur tous les bancs.)

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