L’énergie est un bien commun de première nécessité. Nous en avons besoin pour vivre, pour nous déplacer, pour faire fonctionner le pays. Par conséquent, les questions liées à l’approvisionnement et au coût pour les usagers – dont 8 millions de précaires énergétiques – et pour l’économie réelle sont primordiales et essentielles, ce sont même des questions de souveraineté.
Dans le même temps, personne ne peut ignorer l’urgence climatique qui bouscule non seulement les équilibres vitaux de la planète, mais aussi nos modes de vie. La lutte contre le réchauffement climatique, la réduction des gaz à effet de serre, l’électrification des usages pour sortir des énergies fossiles, sont d’une urgence telle qu’elles impliquent d’établir enfin une véritable stratégie nationale de l’énergie.
Du point de vue du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES – notamment de sa composante communiste qui, avec le ministre Marcel Paul, a bâti le fleuron industriel EDG-GDF dans le sang, les larmes et l’espérance de la Libération –, cela implique de sortir l’énergie de la logique de marché, du dogme de la libéralisation construit à l’échelle européenne par des renoncements successifs à la souveraineté industrielle.
Je l’ai dit en commission : aucun des gouvernements qui se sont succédé ne peut s’exonérer de sa responsabilité en ce domaine. Nicolas Sarkozy a privatisé EDF et siphonné son modèle de financement avec la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite Nome – le gouvernement Jospin n’est pas pour rien dans les règles que ce texte applique et transpose. L’Arenh – l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique – issu de la loi Nome favorise d’une manière éhontée des concurrents prédateurs. François Hollande, enfermé dans un troc politicien intenable, a été incapable de construire un mix énergétique équilibré. Emmanuel Macron, a fermé la centrale de Fessenheim avant de consacrer l’abandon d’Astrid – réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle – au point d’être contraint de rouvrir les centrales thermiques qu’il avait lui-même fermées.
Aucun n’est susceptible de donner la moindre leçon.
L’absence d’un État stratège et planificateur pèse lourd dans la situation actuelle, qui est préoccupante. Les énergies renouvelables se sont développées d’une manière anarchique, au gré du marché, sans structuration de filières industrielles françaises, au détriment des territoires – s’agissant de l’éolien terrestre – et des pêcheurs – s’agissant de l’éolien en mer. La politique de stop and go a affaibli nos savoir-faire : le fiasco de Flamanville et les difficultés à faire face efficacement aux corrosions sous contrainte en sont les plus récentes illustrations.
La crise énergétique et l’explosion des prix, qui fragilisent les artisans, comme nos boulangers, mais aussi les petites et moyennes entreprises et industries, auraient dû vous conduire à remettre les choses à l’endroit, après le virage à 180 degrés opéré à Belfort : rompre l’allégeance à Bruxelles et la soumission à l’Allemagne, afin de déconnecter le prix du gaz de la construction du prix de l’énergie ; réaffirmer la force de la puissance publique par une vraie nationalisation des outils de production, en même temps que le rétablissement dans l’urgence d’un véritable bouclier tarifaire avec des tarifs réglementés ; organiser un véritable débat démocratique autour d’un mix énergétique décarboné, équilibré, consenti parce qu’intelligent, comme les communistes l’ont défendu lors des dernières campagnes électorales – de Fabien Roussel à Fabien Gay en passant par moi-même ; se doter des outils pour atteindre ces objectifs en réalisant un plan de rénovation thermique, en développant les énergies renouvelables dans le respect des territoires et en relançant une filière nucléaire avec un haut niveau de recherche et de sûreté.
En inversant le calendrier, vous enfoncez un coin dans cette logique. En entachant votre politique énergétique d’une malformation congénitale, le projet de loi relatif aux énergies renouvelables a laissé la part belle au marché. Deux points nous semblent problématiques : ce texte est débattu alors que la programmation pluriannuelle de l’énergie n’est pas réexaminée ; vous remettez en cause l’originalité du modèle français en matière de sûreté et de sécurité, avec la fusion brutale de l’IRSN et de l’ASN.
Le député de Penly vous le dit : notre rapport de confiance avec le nucléaire n’est pas béat ou naïf. Il est exigeant, porteur d’un haut niveau de revendications sociales et environnementales, celles-là mêmes qui sont remises en cause par votre projet de fusion.
Le député de Penly vous le dit : notre rapport de confiance avec EDF justifie notre attachement au statut des électriciens-gaziers, en première ligne contre la réforme des retraites, afin de renforcer l’attractivité des métiers de l’énergie. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.) Notre rapport de confiance impose de mieux encadrer la sous-traitance, de mieux anticiper les problèmes posés par un chantier EPR en matière de formation, de santé, d’aménagement du territoire – je pense aux problèmes de foncier propres aux projets d’intérêt nationaux.
Notre rapport de confiance conduit à la nécessaire réaffirmation du rôle d’un État stratège, planificateur, garant d’une énergie sûre, décarbonée, à bas coût, sous maîtrise publique – nos amendements visent cet objectif. Voilà l’état d’esprit qui animera le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES durant les débats.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES.)