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Société : respect des valeurs républicaines face au développement de pratiques radicales y portant atteinte

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, chers collègues, je le déclare solennellement : les députés communistes, républicains et du Parti de gauche, sont fermement opposés au port du voile intégral tout comme ils combattent les extrémismes, les dérives sectaires et les formes de domination, notamment celles qui conduisent à l’exclusion et au non respect de la dignité des femmes. Une identité ne saurait être contrainte, une citoyenneté amputée. La citoyenneté doit se vivre pour toutes et tous, partout à visage découvert.
Votre proposition de résolution, loin de lutter contre l’enfermement des femmes et le respect de leurs droits, constitue un pas supplémentaire vers la diversion et la division.
Je ne résiste pas à citer un extrait d’une chronique qui éclaire utilement le fond de vos intentions ; elle s’intitule La burqa en folie : « Et voilà ! C’est reparti. Sous aucun prétexte, les Français n’auraient voulu rater cette occasion de s’étriper à propos d’un faux problème hissé à la hauteur de drame national. […] À la place des hommes éminents qui nous gouvernent, je me serais posé deux questions : d’abord, n’est-on pas en train, avec notre trop-plein de réglementations sur les mœurs, sur l’habillement, de ressembler à ceux que nous avons le dessein de combattre, ces extrémistes islamiques qui légifèrent à tire larigot sur tous les détails de la vie quotidienne ? Ensuite, cette question va-t-elle contribuer à pacifier ou à exciter un débat public déjà électrique, pour ne pas dire explosif ? […] Alors qu’on ne nous parle pas de la dignité de la femme ; les deux mille porteuses de burqa en France sont des otages de la politique ; elles ne sont qu’un enjeu dérisoire où les droits de la femme comptent peu mais où comptent beaucoup, en revanche, les élections de 2012, voire 2017. » (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Eh bien, cette chronique n’a pas paru dans L’Humanité-dimanche, mais dans Paris-Match sous la plume de Jean-Marie Rouart de l’Académie française. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
À l’évidence, la dignité et les droits des femmes méritent mieux que votre instrumentalisation politicienne du voile intégral.
Sans citer toutes les discriminations dont elles font l’objet, je vous rappelle que deux millions de femmes sont victimes en France de violences conjugales. Malgré cela, la loi contre ces violences, votée ici même le 25 février dernier, reste bloquée au Sénat. Qu’attend le Gouvernement ?
Pour ce qui concerne le voile intégral, là où l’appel à l’intelligence – plutôt qu’à l’excitation des peurs –, où l’éducation, le dialogue, la médiation et la pédagogie permettraient d’agir contre son port et sa banalisation, vous préférez l’autoritarisme. Vous imposez la politique de la force là où la force de la politique prendrait tout son sens.
Ce renoncement à convaincre est symptomatique de votre gestion autoritaire de notre société et ce choix constitue en lui-même un échec, échec d’autant plus grave que les dispositions légales que vous voulez imposer ne régleront rien, quand les moyens existent déjà pour faire face au problème. Le Conseil d’État l’a rappelé avec pertinence. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
Elles ne feront donc que nourrir les rancœurs, les incompréhensions, radicaliser les comportements et favoriser les effets pervers du mimétisme. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR.)
Du reste, n’est-ce pas l’un des buts recherchés ? Finalement, prêts à tout pour maintenir votre domination, vous n’hésitez pas, en confortant les extrémistes les plus radicaux, à crisper les relations sociales et à créer les conditions d’un dérapage.
Bien évidemment, il n’est pas question pour nous de penser que Gouvernement et majorité agissent aveuglément. En janissaires zélés d’un président désavoué par une majorité croissante de Français, l’UMP apporte sa pierre au projet de Nicolas Sarkozy d’enrayer le rejet dont sa politique est l’objet.
Durement sanctionnés aux élections régionales et mobilisés par l’objectif de faire exploser notre système de retraite, vous allez puiser à l’extrême droite les moyens de préparer les échéances de 2012 en tentant de débaucher l’électorat du Front national. Souvenez-vous pourtant : il arrive souvent que l’original soit préféré à la copie.
L’économie et la société françaises sont au plus mal : sept millions de Français vivent au-dessous du seuil de pauvreté ; les inégalités se creusent avec, au sommet de la pyramide, un quarteron de patrons et d’actionnaires cumulant stock options, retraites chapeau et dividendes.
Eh bien, puisque vous aimez les lois, qu’attendez-vous pour interdire les licenciements boursiers (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR), ou pour taxer au même niveau que les salaires les centaines de milliards d’euros de profits financiers des grands groupes ?
Ce que vous voulez en réalité, c’est que la France regarde ailleurs que là où elle souffre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR.) Pourtant, nos concitoyens voient clairement que la France du CAC 40 croule sous les cadeaux fiscaux tandis que le monde du travail et la jeunesse « black-blanc-beur », qui subit l’indignité du chômage, accumule les difficultés.
Cette réalité sape les fondements des valeurs de notre République. Un récent sondage Sofres-Logica s’en est récemment fait l’écho : liberté, égalité, fraternité, ces valeurs sont en net recul dans notre pays, par la faute de la crise et du chômage qui déchirent le tissu social et taraude le projet républicain.
Sous l’effet des tours de vis et, désormais, sous l’effet de la rigueur appliquée à l’ensemble des ministères sociaux, de l’école à la santé, sous la violence des coups portés au service public, la France est en déclin quand l’Europe part à vau l’eau. Jamais elle n’a subi de tels assauts contre ses acquis et les solidarités construites au prix de luttes tenaces.
C’est d’ailleurs cette France que vous visez, qui lutte pour sa dignité et pour un partage équitable des richesses, c’est cette France solidaire, fraternelle, mobilisée pour défendre ses droits, que vous redoutez de voir se rassembler en nombre pour contester vos choix au service des privilégiés. En travaillant à entamer sa cohésion, avec le débat sur le voile intégral, avec le débat délétère sur l’identité nationale, avec cette proposition de résolution et demain un projet de loi, chacun voit bien que votre but est de la soumettre.
Votre démarche stigmatise par ricochet l’ensemble de la population de confession musulmane et dénie à son immense majorité le droit de vivre paisiblement sa religion comme toutes les autres dans le respect des valeurs républicaines et de la laïcité.
On est loin des propos enjôleurs du candidat Sarkozy qui, entre les deux tours de l’élection présidentielle, souhaitait « rassembler le peuple français autour d’un nouveau rêve français, celui d’une République fraternelle où chacun trouvera sa place, où personne n’aura plus peur de l’autre, où la diversité sera vécue non comme une menace mais comme une richesse ».
Les députés communistes, républicains et du Parti de gauche refusent donc de se prêter au jeu dangereux qui consiste à agiter les haines à des fins d’hégémonie ultra-libérale et de reconquête électorale.
Ce jeu est d’autant plus dangereux aujourd’hui, dans une France et une Union européenne en crise profonde, que les dérives populistes, nationalistes, extrémistes accompagnent, comme en Hongrie, en Italie du Nord ou aux Pays-Bas, la soumission complice des États et des gouvernements ultra-libéraux aux diktats des banques et des marchés boursiers qui mettent, eux, plus qu’un voile : une véritable chape de plomb sur les aspirations des peuples.
Parce que nous entendons rassembler, dans leur diversité, les victimes de votre politique de régression sociale et démocratique, nous ne cautionnerons pas une manœuvre qui menace la cohésion nationale.
Nous renouvelons l’exigence d’une République laïque, ouverte au dialogue, d’une France forte de son histoire et adossée aux valeurs dont elle s’est dotée pour aborder les enjeux d’aujourd’hui.
Nous ne participerons pas à ce vote mascarade. Vous n’obtiendrez pas de nous un consensus qui vaudrait pour le projet de loi gouvernemental qui suivra. Nous nous y refusons, en parlementaires soucieux d’unir et d’agir avec tous, en responsables politiques ouverts, femmes et hommes de liberté et de progrès. Pour ce, nous allons vous quitter. L’ensemble des députés communistes, républicains et du Parti de gauche, ne participeront pas au vote. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
 
 

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